M. Ahmed Ould Daddah, président du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD): ‘’ Tout acteur politique a le plein droit de prendre une initiative visant à contribuer à la solution des problèmes auxquels le pays est confronté’’

11 October, 2023 - 17:07

Le Calame : Comme attendu, vous venez de signer, ce 21 octobre, avec le Gouvernement, représenté par le Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, l’INSAF et l’UFP un document intitulé « Pacte Républicain ». Votre sentiment au terme de cette signature ? 

Ahmed Ould Daddah : Nous sommes satisfaits d’avoir pu mener à terme de laborieuses concertations avec le Gouvernement et deux importants partis politiques, représentatifs de la majorité et de l’opposition, autour de questions d'intérêt majeur pour le pays.

 

Pouvez-vous nous brosser sommairement les grandes lignes de ce document et pourquoi il n’a concerné que deux partis de l’opposition, le RFD et l’UFP, et INSAF ? Que peuvent en attendre les mauritaniens ? Avez-vous tenté de rallier les autres partis de l’opposition qui ne cessent de réclamer le dialogue ? 

Le Pacte Républicain a pour objectif de lancer, dans un cadre national inclusif, un train de réformes fondamentales liées, entre autres, à la préservation et le renforcement de l'unité nationale, à la consolidation des valeurs et pratiques de la démocratie et de l'État de droit, à la concrétisation de la justice sociale et de la bonne gouvernance et à l'amélioration des conditions de vie du citoyen. Les parties signataires jugent qu’il s’agit-là de préalables indispensables pour la préservation de la stabilité et de la sécurité du pays. 
S’agissant du nombre limité de signataires, l’UFP, l’UNAD et le RFD avait lancé, en décembre 2022, une initiative à l’adresse de l’ensemble de la classe politique pour engager le pays dans la voie salutaire d’une large entente nationale, seule à même de nous permettre de faire face aux dangers qui nous guettent. Seul le Gouvernement y avait répondu favorablement… Une fois les grandes lignes du document convenues avec le Gouvernement et l’INSAF, nous nous sommes adressés à l’ensemble des partis de l’opposition pour leur expliquer notre démarche et les convier à rejoindre cette dynamique. 
Nous venons de les relancer à nouveau, après la signature du Pacte, pour le même objectif et restons confiants qu’ils comprendront bien qu’il s’agit-là d’un projet politique majeur pour le bien de la Mauritanie.

 

Le dialogue politique que l’opposition et la majorité réclament doit permettre de trouver des solutions consensuelles aux problèmes que connaît le pays. Parmi ces problèmes, lesquels vous semblent les plus urgents à régler ? Quelles sont les solutions que vous préconisez dans votre document ?

 Compte tenu de l’échec patent dans la conduite des dernières élections et la perspective du scrutin présidentiel, l’accord politique prévoit, comme sujet prioritaire, la conduite d’une profonde réflexion sur notre système électoral, en vue d’engager les réformes nécessaires permettant l'organisation d’élections libres et transparentes, afin de dépasser le contexte post-électoral précédent et prévenir tout désaccord électoral à l’avenir. Les thématiques relatives à l’unité nationale, à la gouvernance, à la justice sociale, à l’amélioration des conditions de vie du citoyen sont tout aussi prioritaires. 
Chaque point cité dans l’annexe de l’accord constitue une ébauche de solution pour la problématique évoquée. Les ateliers prévus par le Pacte serviront de cadre inclusif et participatif pour trouver des solutions consensuelles aux problèmes posés. 

 

 Dans un communiqué publié, ce 4 octobre 2023, l’institution de l’opposition démocratique, tout en saluant les efforts de dialogue entrepris jusqu’ici a estimé que « si un véritable dialogue doit être entrepris, il ne doit émaner que de l’institution de l’opposition démocratique qui détient la légitimité d’incarner la voix de l’opposition parlementaire ». Votre réaction ? Cette opposition est-elle dans son rôle ? Allez-vous entreprendre des initiatives pour rallier cette institution ?

Notre intime conviction est que tout acteur politique, représenté ou non au parlement, a le plein droit de prendre une initiative visant à contribuer à la solution des problèmes auxquels le pays est confronté. Ladite initiative doit être jugée en fonction de son contenu et du sérieux de ses auteurs. L’adage maure dit que « la pluie est toujours la bienvenue, d’où qu’elle vienne »…

 

Lors des dernières élections, le RFD et l’UFP se sont tirés avec des résultats plus que catastrophiques et surprenants. Qu’est-ce qui explique cette contreperformance au RFD, un des premiers partis de l’opposition traditionnelle ?

La quasi-totalité de la classe politique, de la société civile, de la presse et des observateurs nationaux et étrangers s’accordent sur le fait que les dernières élections ont connu une fraude massive. Ce constat, à lui seul, justifie amplement ces « résultats »…

 

 Au lendemain des scrutins des 13 et 29 mai, l’opposition et même certains partis de la majorité ont dénoncé une fraude massive et réclamé l’annulation des résultats et la reprise des élections. Que reste-t-il de ces revendications ? Le Pacte Républicain va-t-il permettre d’éviter des insuffisances notées lors des dernières élections locales ? 

En signant le Pacte Républicain, le RFD tourne la page des dernières élections et compte bien œuvrer, en partenariat avec les autres parties à l’accord, pour engager une profonde réforme de notre système électoral garantissant, à l’avenir, l’organisation d’élections libres et transparentes.

 

Certains de vos détracteurs disent que votre rapprochement avec le pouvoir a pour objectif de vous repositionner dans l’échiquier politique après vos contreperformances. Qu’en pensez-vous ? 

Le Pacte que nous venons de signer n’accorde aucun avantage particulier, ni à l’UFP, ni au RFD. Notre seule ambition, à travers cet accord, est de contribuer à la stabilité, à la démocratie et au progrès de notre pays.

 

Nous sommes à une année de la présidentielle. Comment envisagez-vous cette échéance ? Le RFD et l’UFP pourraient-ils soutenir le 2e mandat du président Ghazouani, comme le suspectent certains de vos adversaires ? 

Notre priorité actuelle est la mise en œuvre du Pacte Républicain. Du sérieux et de la célérité de cette mise en œuvre, dont le gouvernement sera le principal moteur, dépendra notre état d’esprit face à l’élection présidentielle.

 

 Depuis quelques temps, on note une reprise des combats entre les forces armées maliennes et les groupes du CMA et les groupes djihadistes. Que vous inspire cette situation à haut risque à nos frontières Est ?

 Ces évènements pourraient contribuer à une détérioration plus accrue de la situation d'instabilité et d’insécurité qui prévaut dans la région. Le gouvernement malien et le CMA ayant, jusqu’à présent, évité de dénoncer l’accord d’Alger, notre souhait est que la raison reprenne le dessus, en vue d’éviter les affres d’un nouveau conflit…

 

Propos recueillis par Dalay Lam