Le Calame : Les délégations de CVE et de CVE/VR se sont rencontrées, il y a quelques jours. Et dans un communiqué publié à cette occasion, on apprend qu’elles s’acheminent vers une alliance électorale lors des prochaines élections locales. Ces dernières ont-elles été le déclic ou les deux entités y travaillaient depuis quelques temps ? Que peuvent attendre les militants et sympathisants de ces retrouvailles ?
Bâ Mamadou Alassane : Les élections n'ont été qu'un déclic mais en vérité les deux CVE ont travaillé des mois durant pour parvenir à l'accord qui vient d'être adopté.
Il faut souligner à ce sujet, qu'au niveau de la diaspora, un membre de la commission exécutive de la CVE, président chargé de la diaspora le Pr. Ba Mamadou Moustapha a entrepris des démarches sérieuses auprès de certains responsables de la CVE/VR pour parvenir à un tel résultat. Je le félicite pour cela, au nom de la CVE et de la commission exécutive. Je félicite également tous ceux qui lui ont facilité la tache.
À travers lui je rends un grand hommage à toute la diaspora de la CVE pour le travail qu'elle a fait en faveur de l'unité de la CVE dans le seul intérêt de la Mauritanie En effet travailler pour la CVE, ce n'est pas travailler pour soi mais pour la Mauritanie parce que la CVE veut que la Mauritanie soit un pays uni, paisible, prospère et égalitaire à la fois.
Ces retrouvailles ont un double intérêt.
1. donner un grand espoir menant à la victoire prochaine de notre coalition aux futures élections.
2. donner un second espoir que la réunification de nos deux CVE sera facilitée grâce à notre accord électoral qui n'est qu'une première étape en vue de la réunification de nos deux CVE. Une telle réunification nous donnera plus de force pour la réalisation de l'objectif que nous visons.
- Au-delà des élections, peut-on dire que cette première rencontre constitue une étape importante vers la reconstitution de la grande alliance qui avait porté la candidature de feu Kane Hamidou Baba ?
-Oui cette rencontre n'est qu'une étape qui va faciliter la seconde, celle qui consistera à réaliser la réunification de nos deux CVE comme par le passé. Ainsi sera reconstituée la CVE originelle, cette grande force qui avait donné au Docteur Kane Hamidou Baba un grand succès aux élections présidentielles de 2019.
-En attendant d’y arriver, l’alliance devra travailler à la confection des listes électorales, une étape décisive pour cette alliance. Pensez-vous que les uns et les autres ont tiré les leçons de ce qui s’était passé en 2018 quand il s’est agi de désigner des têtes de listes au niveau de certaines circonscriptions électorales ?
-Ce que je peux vous dire, c'est que dans le cadre de l’établissement de futures listes électorales aucune de nos deux entités ne devra être lésée.
Sur ce plan comme sur d'autres, nos négociations devront se dérouler dans un climat d’apaisement, de sérénité, de fraternité et de solidarité. Il reste entendu que l'objectif que visent nos deux entités n'est autre que la construction d'une nouvelle Mauritanie au sein de laquelle tous les mauritaniens sont, dans les faits, frères égaux en droit et en devoir, une Mauritanie où aucune communauté ni composante sociale n'est exclue.
En allant aux élections, notre objectif n’est pas d’obtenir des postes et de disposer des moyens financiers, Non, ce n’est pas cela que nous cherchons. Nous ne faisons pas la politique pour nous enrichir. Nous ne travaillons pas pour nos poches. Si on ne fait la politique que pour s'enrichir, si on n'a pas de conviction, on devient un cadre caméléon qui est là pour défendre tout pouvoir en place. De tels cadres ne peuvent guère bien édifier la Mauritanie.
Au contraire, ils ont la lourde responsabilité de détruire la Mauritanie et de l’avoir menée là où elle est aujourd’hui, hélas. Nos deux entités sont formées de cadres de conviction qui ont consenti et continuent à consentir beaucoup de sacrifices pour que la Mauritanie change et devienne meilleure.
Les postes que nos deux entités pourraient occuper nous permettront juste d’exprimer nos idées, nos propositions partout où c'est utile pour la réussite de la cause que nous défendons.
Nous sommes incorruptibles. Certains parmi nous ont refusé des postes politiques qui leur ont été proposés parce qu’ils sont contre la compromission, parce qu'ils ne vont jamais trahir l'idéal qui les anime. Nous gardons et garderons notre dignité fût-ce dans la pauvreté. Pour nous la dignité n’a pas de prix.
-Avec qui les deux CVE pourraient-elle nouer une alliance électorale - au sein de l’opposition, il y en a au moins 3 déjà. A quelles conditions ?
Une fois regroupés, les deux CVE verront ensemble avec qui, dans l'opposition, nouer une alliance et à quelles conditions? Cela fera l'objet de négociations au cours desquelles, ni nous ni ceux avec qui nous allons négocier ne seront lésés.
- Les deux CVE n’ont pas assisté aux concertations entre le ministère de l’intérieur et les partis politiques pour préparer les élections locales. Que pensez-vous de l’accord conclu entre les deux parties et la mise en place de la CENI et de l’adoption de son chronogramme ?
-Nous soulignons d'abord que nos partis politiques ont été dissous à tort, c’est antidémocratique. Cette dissolution arbitraire ne nous à pas permis de participer à ces concertations pour donner notre position. Nous acceptons le principe démocratique de la proportionnalité.
Nous resterons beaucoup attachés au principe d'égalité de chances dans le domaine électoral.
Le critère sur lequel on doit se baser pour fixer le nombre de députés à attribuer à tel ou tel département par exemple, ne doit pas se faire en fonction de la superficie mais en fonction du nombre d'habitants.
Le même principe devra être respecté à propos de la fixation du nombre de conseillers régionaux ou municipaux.
En plus, pour que les populations puissent participer aux élections, celles-ci ne doivent pas se dérouler lors des travaux champêtres ni pendant les périodes de grande chaleur. Cela est logique et facile à comprendre. L’inscription sur les listes électorales doit se faire normalement. Aucune anomalie ne doit perturber les élections.
Cette remarque faite, permettez moi d'insister pour dire qu'à notre avis, ce ne sont pas des élections qu'il faut privilégier. Il faut plutôt privilégier ce qui nous unit au lieu de privilégier ce qui nous divise et ne résout pas les problèmes de la Mauritanie. Depuis qu'on a parlé de démocratie, de multipartisme, on se préoccupe surtout des élections : on s'est donc beaucoup préoccupé et à tort de ce qui nous a toujours divisé et ne peut que nous diviser. Les élections ne nous ont-elles pas divisés et ne constituent- elles pas à nous déchirer ? Le vote des lois n'a t-il pas divisé la classe politique? Au lieu donc de donner la priorité à ce qui divise les mauritaniens, il faut, à notre avis donner la priorité à ce qui les unit ou pourrait les unir. Ce qui les unit, c'est le consensus et non le vote.
Ce qui les unit, c'est la solution de nos grands problèmes nationaux.
Dès lors recherchons des consensus forts autour des solutions à ces problèmes (passif humanitaire, foncier, état civil, langues, éducation, partage du pouvoir, partage des richesses, diplomatie, etc.)
Et pour y arriver, organisons un vrai dialogue national inclusif pour trouver des solutions consensuelles à ces problèmes.
Ces solutions consensuelles formeront notre charte nationale consensuelle.
Nous proposons donc la tenue d'un dialogue national pour la réalisation de cette charte. Et ces solutions seront plus faciles à trouver et à réaliser si nous tenons un dialogue consacré essentiellement à l'unité nationale et la cohésion sociale. Il n'y a jamais eu un dialogue spécifique autour de ce thème souvent dilué donc minimisé au sein d'autres thématiques.
Donc un dialogue spécifique.
Comme nous recherchons des solutions consensuelles, nous devons nous référer à celles que nous offre notre Sainte religion, l’Islam, à la fois religion et Etat, contrairement à ce que beaucoup de gens croient. Tous les problèmes nationaux que je viens de citer ont leurs solutions et surtout leurs meilleures solutions dans le Coran et les solutions du créateur sont meilleures que celles des créatures. Il y a dans le Coran un modèle de démocratie et c’est le meilleur.
La démocratie en Islam est basée sur le respect et l'application stricts des principes suivants: la concertation, le consensus, le respect du droit Islamique et aussi le respect des valeurs de la morale Islamique : paix, unité, égalité, justice sociale, amitié, fraternité, solidarité, équité, modération, équilibre, pitié, tolérance, repentir, pardon etc.
Je souhaite donc vivement que le pouvoir se préoccupe davantage de cette charte avant de s'occuper des élections et des partis politiques.
Cette charte a les avantages suivants:
1 - Elle renforce l'unité nationale.
2. - elle réduit les méfaits du multipartisme, des élections contestées, et du vote qui sont des éléments diviseurs.
Si on ne le fait pas et qu'on donne la priorité aux élections, on court les risques suivants:
1.la classe politique continuera à être divisée
2.nos problèmes nationaux ne seront pas résolus.
Et c'est encore et encore le retour au statu quo. ante. La Mauritanie a trop souffert de ce statu quo, de ce travail de Sisyphe, ce héros de Camus qui ne cessait de rouler une pierre et celle-ci ne cessait de retomber. Ce n'est pas uniquement par les élections et donc par le vote que l'on changera la Mauritanie.
En conclusion je lance un vibrant appel au pouvoir pour lui dire quoi?
Pour lui dire de ne pas trop s'investir dans les élections mais de s'investir surtout dans ce qui unit les mauritaniens et non dans ce qui les divise, donc de s'investir pour la construction d'une Mauritanie plus unie donc de s'investir pour :
1. Inventer un modèle de démocratie qui nous unit: la démocratie Islamique.
2. Inventer une charte qui nous unit.
3. Appliquer le droit Islamique qui nous unit.
4. Appliquer les autres principes Islamiques qui nous unissent relatifs à l’éducation, à la culture etc.
5. Appliquer la justice sociale qui nous unit.
6. Appliquer la morale Islamique qui nous unit.
7. Résoudre tous ces problèmes relatifs à la cohabitation intercommunautaire, à l'esclavage et à ses séquelles.
Ensuite pour que la Mauritanie change positivement il faut que certains mauritaniens changent ce qu'ils sont en luttant contre leurs propres défauts et en mettant en œuvre leurs qualité, donc en respectant le verset Coranique selon lequel, Allah ne change un peuple que si ce dernier change ce qui est en lui-même. C’est à cette condition que la Mauritanie pourra bien changer et devenir une grande Nation, une grande puissance. Et pour moi une grand puissance est celle développée à la fois matériellement mais aussi moralement. C’est par l’application de la morale islamique en particulier que la Mauritanie sera développée.
- Lors d’une récente conférence de presse que la CVE a tenue à la CASE, il a été révélé que certains cadres de la CVE travaillent à la création d’un parti politique ancré au sein de la CVE. Un commentaire ?
-Oui il y'a un parti intitulé PMVE (parti Mauritanien pour le vivre ensemble) dont le dossier est déjà déposé au ministère de l'intérieur. Nous souhaitons très vivement que ce parti soit officiellement reconnu. A propos de ce parti, je voudrais faire les remarques suivantes.
1. la CVE elle même n'est pas et ne peut pas s’ériger en parti politique, c’est contraire à l’accord de de sa création. Elle reste donc une Coalition formée de partis et de mouvements politiques, des organisations de la société civile et des personnalités indépendantes.
2. Ce parti sera ancré au sein de la CVE.
3. C'est un élément important qui permettra à la CVE d'avoir un cadre légal et à ses membres de jouer pleinement leur rôle politique. C’est pourquoi nous leur souhaitons bonne chance et invitons les autorités à reconnaître ce parti rapidement afin de lui permettre de participer au jeu démocratique au sein de la CVE.
-On entend souvent parler d’un pacte national au sein de partis de l’opposition et pourquoi pas avec les partis de la majorité présidentielle. Que pourrait servir ce pacte ?
-Le programme de la CVE figure dans un document qui est notre contribution au dialogue national.
La CVE selon sa philosophie politique ne refuse aucun dialogue autour des points contenus dans ce programme. Il a déjà accepté de participer à un dialogue national auquel ont pris part les partis de l'opposition et ceux du pouvoir. Certes la priorité de la CVE est de signer un pacte ou une charte avec les partis de l'opposition, mais, s'il y a d'autres partis qui acceptent de signer le même pacte avec nous, nous ne le refuserons pas. En pareil, cas ce sont eux qui ont changé de position en notre faveur et pas nous à leur faveur.
-Lors de la fête de l’indépendance, les veuves, orphelins, rescapés militaires et sympathisants ont tenté de manifester pour réclamer la justice pour les 28 militaires négro-mauritaniens à Inal, dans la nuit du 27 au 28 novembre 1990 et d’autres exactions commises dans d’autres casernes et dans la vallée du fleuve Sénégal entre 1989 et 1990 etc. Que pense la CVE des manifestations qui se sont tenues à Bababé et à Djéol où des arrestations ont été opérées ?
1.Tant que ces manifestations sont pacifiques et ne portent pas atteinte à la loi, elles doivent être tolérées ;
2. Pour mieux guérir un mal il faut s'attaquer à sa cause.
Toutes ces manifestations sont liées aux problèmes du pacifique humanitaire et du foncier en général. Il est temps que ces deux problèmes soient définitivement réglés dans le cadre d’une la charte nationale consensuelle que j’ai mentionnée plus haut.
-Depuis son arrivée au pouvoir, le président tente de trouver une solution définitive et consensuelle avec les organisations de défense des veuves, des rescapés et orphelins. Que pensez-vous de cette volonté ? Vous qui avez défendu ces victimes depuis longtemps, avez-vous été sollicités pour apporter votre concours ?
-D'abord je n'ai jamais été sollicité pour apporter mon concours, malgré tout ce que le parti PLEJ avait fait pour les déportés, les veuves, les rescapés et les orphelins. Ce n’est ni le lieu et le moment de revenir sur tout ce qui a été fait depuis ces années de braises. Ce n’est pas que de me vanter que de rappeler que nous avons été le premier parti légal à évoquer publiquement ce qu’on a appelé le passif humanitaire. Le PLEJ a donc joué son rôle et son président a subi toutes les tracasseries, mais s’est toujours refusé de céder, aux menaces et propositions juteuses pour se taire ou rejoindre le parti au pouvoir. Comme vous le voyez, le président du PLEIJ que je suis dispose d’une grande expertise en la matière mais, on ne l’a jamais associé officiellement à des démarches pour rechercher une solution consensuelle à ce problème, lequel constitue une épine dans le pied de l’unité nationale. Nous appelons à la résolution rapide et définitive de ce problème du passif humanitaire avec les organisations représentatives des intéressés.
Propos recueillis par Dalay Lam