En 2017, la SAFEX – Société algérienne des foires de l’extérieur – organisait sa première foire au stade olympique de Nouakchott. Elle a été inaugurée par Naha Mouknass, alors ministre du Commerce de l’époque, qui a tenu à ce que l’événement soit organisé par une société nationale en l’occurrence Mauricom. Et tous les opérateurs dans l'événementiel se sont félicités de l'idée de la formation de 250 jeunes dans les services (serveurs, restaurateurs, cuisiniers) pour accompagner l’événement.
L’année suivante, l’homme d’affaires feu Hamady Bouchraya pesa de tout son poids pour écarter Mauricom et contracta avec une société sénégalaise à qui il confia toute la logistique de l’évènement : chapiteaux, tentes, pavoisements, meubles et autres accessoires nécessaires à sa réussite. Malgré une satisfaction exprimée à tous les niveaux l’année précédente, les Algériens et leurs représentants nationaux usaient et abusaient d’une chaîne de complicités qui leur permit d’engager déloyalement une société sénégalaise qui installa la foire devant le palais des Congrès, au vu et au su de toutes les administrations normalement concernées, dont principalement le ministère du Commerce et ses services qui produisirent les autorisations et la Direction générale de la douane qui facilita le transit du matériel de la société étrangère ainsi aidée – allez savoir pourquoi… – à concurrencer déloyalement des entreprises nationales dont certaines ont fait leurs preuves dans le secteur depuis plus de vingt-huit ans. Mises au parfum de la vilaine supercherie sur fond de pots-de-vin, les autorités adressèrent des mises en garde aux responsables de ces manigances aux retombées sonnantes et trébuchantes.
Pour l’édition 2022, la SAFEX est allée encore plus loin en prenant en charge entièrement l’organisation de sa foire devant le palais des Congrès où son personnel directement venu d’Algérie fut à pied d’œuvre avec du matériel algérien, des travailleurs algériens et des équipements algériens. Mise au courant par l’ancien directeur général de la SAFEX, les opérateurs mauritaniens du secteur saisirent les autorités nationales pour protester contre ces pratiques irresponsables de confier à des sociétés étrangères des prestations dont ils sont leaders, preuves tangibles à l’appui. L’un de ces opérateurs a parfaitement géré l’organisation du dernier sommet arabe sous une tente originale dont tout le monde parle encore et pour lesquelles il reçut les félicitations officielles de la présidence de la République. Il va sans dire que employant plus de trois mille de nos compatriotes, ces entreprises nationales ne comprennent donc pas toujours pas – cela va sans dire mais cela ira peut-être mieux en le disant – les raisons de leur élimination d’un secteur où ils travaillent depuis 1996, au profit d’une société étrangère qui ne semble entretenir que mépris et inconsidération envers les Mauritaniens et leur pays, au point de se révéler incapable d’en recruter le moindre manœuvre ou d’y acheter même un seul litre de gasoil, puisque celle-ci a poussé l’arrogance jusqu’à acheminer sur le territoire national une citerne de plusieurs milliers de litres de carburant.
Bref, l’édition 2022 de la foire algérienne suscite beaucoup d’interrogations. Pourquoi le ministre du Commerce, revenu récemment de mission d’Algérie, et ses principaux services qui devraient être particulièrement attachés à défendre les intérêts des opérateurs nationaux sont-ils si motivés à faciliter leur piétinement et leur écartement ? Avec quelles complicités cette société étrangère a-t-elle pu obtenir si facilement les autorisations douanières et administratives pour acheminer ses équipements, son personnel, ses voitures et citernes de carburant ? Quels rôles diplomatiques ont joué les ambassadeurs en ce qui semble être un mépris cinglant et provocateur envers notre souveraineté nationale ? Est-il un seul instant imaginable qu’une entreprise mauritanienne puisse avoir l’idée d’entreprendre une pareille action en n’importe quel pays au monde ? Les effets induits dans cette affaire dépassent l’injustice perpétrée à l’encontre de nos opérateurs de l’évènementiel qui ont régulièrement obtenu le satisfecit de tous leurs clients. C’est malheureusement la manifestation outrageante de l’irresponsabilité de diverses de nos administrations nationales dont les locataires ne voient pas au-delà de leurs petits intérêts égoïstes et infâmes, quitte à écorner encore davantage l’image et la souveraineté nationales, foulant ainsi du pied les droits de citoyens honnêtes qui ne demandent rien à personne. À la fin de la foire, des tonnes de déchets resteront sur place. Une autre manière de mépriser les citoyens d’un pays véritablement très atypique.
Ben Abdalla