Les municipales de 2023 sont encore loin. Mais certains acteurs politiques commencent à y songer, voire à s’y préparer déjà : le chemin est long et souvent parsemé d’embûches. Au cours d’une cérémonie familiale, des confidents et proches ont distillé les intentions de MBâ Ismaïla, professeur d’anglais, inspecteur de l’enseignement et PDG des écoles Cheikh Moussa, lorgnerait du côté de la mairie de Sebkha. Un quartier qu’il connaît et en lequel il a de la famille et des amis. Il croit aussi pouvoir compter sur d’autres concitoyens et compatriotes soucieux de sortir la commune de sa précarité. Gérer autrement, donner un autre cadre de vie aux citoyens de ce gros bourg, voilà l’ambition qui le pousse à se présenter candidat à l’investiture de l’UPR lors des prochaines élections municipales. En avant donc pour les manœuvres de positionnement politique !
Contacté par un des reporters du Calame, cet enseignant, également entrepreneur dans le génie civil, se garde de confirmer les rumeurs, indiquant qu’il en réservera, le moment venu, la primeur à son parti :« je suis un militant discipliné », précise-t-il, sans cacher cependant son ambition pour Sebkha qui ne mérite pas, dit-il, le sort peu enviable qui lui est réservé jusque-là.
Offrir aux citoyens de Sebkha un meilleur cadre de vie est une des ambitions de Ba Ismaïla. Les enjeux sont, reconnaît-il, énormes. Au cours d’une discussion à bâtons rompus, il passe en revue quelques-unes des préoccupations de cette cité que certains n’hésitent pas stigmatiser : « c’est le quartier des étrangers... » ;ce qui ne manque pas, comme on l’imagine bien, de frustrer ses habitants. Sebkha est un quartier comme tous les autres, un peu plus cosmopolite, certes, mais fier de sa diversité et qui doit par conséquent mériter tous les égards.
Pour un autre cadre de vie
Comme tout le monde le sait, c’est un des quartiers les plus mal lotis de Nouakchott. « En dépit des efforts déployés par les pouvoirs publics pour construire des voiries, le quartier offre toujours un cadre de vie peu enviable et reste très insalubre », déplore monsieur Bâ. Les goudrons établis il y a quelques années pour améliorer la circulation ont été très mal réalisés par endroits. Trop élevés par rapports aux niveaux des habitations, par-ci ; trop en deçà, par là. Avec, en conséquence, des risques d’inondations et de stagnation des eaux dans les rues nuisant aux conditions de vie des riverains. Un véritable calvaire quand il pleut ; des familles vivent les pieds sous l’eau pendant des semaines ; il faut mettre des briques pour élever lits et marmites ; d’autres sont obligés de fuir leur toit, des semaines durant, voire des mois.
Pour certaines familles et mais également de commerçants, au lieu de constituer une solution, la voirie est d’une certaine manière devenue un autre problème pour les citoyens. Les eaux usées sont balancées dans la rue par les gens, faute de canaux collecteurs. Les écoles et les centres de santé dont certains sont situés dans des zones difficiles d’accès en pâtissent. Les espaces de verdure et de loisirs se sont rétrécis comme peau de chagrin. Or ce quartier regorge de jeunesse et de femmes entreprenantes qu’il faut accompagner au lieu de les stigmatiser, comme le font certains esprits.
Le directeur des écoles Cheikh Moussa dont l’établissement a formé beaucoup de cadres, ingénieurs et médecins entend mettre un accent particulier sur l’éducation des enfants de Sebkha, en contribuant à mettre en place l’école véritablement républicaine prônée par les pouvoirs publics. L’accent doit être mis sur les conditions d’apprentissage et la réhabilitation des établissements. « Des formations qualifiantes seront offertes aux exclus de l’école, à des femmes et des jeunes pour les aider à s’insérer dans la vie active. Un espace sera aménagé au profit des nombreuses et braves commerçantes qui tiennent boutiques d’aliments dans les rues. Il faut les encadrer en faisant respecter les normes d’hygiène ; pour elles et pour leur clientèle », insiste monsieur Bâ.
Autre grande priorité du candidat à la candidature : le grand marché de Sebkha. Celui-ci est très encombré de marchandises et de poubelles, ce qui occasionne des embouteillages permanents, voire la complète disparition des principales rues le traversant, transformées qu’elles sont en points de vente de poissons, légumes et autres. Il est pratiquement impossible de s’y mouvoir à certaines heures de la journée ; surtout pendant les grandes fêtes. Risques énormes d’insécurité :en cas d’incendie, les services de la sécurité civile ne peuvent y accéder. C’est cette image peu reluisante qui colle à Sebkha qu’Ismaël Bâ ambitionne de changer.
« Nous entendons tenir un langage de vérité avec tous nos partenaires pour mettre en place des solutions à l’ensemble des préoccupations des administrés […] les recettes générées par le marché seront gérées dans la transparence et réinvesties au profit des citoyens de la cité », promet-il, avant de prévenir : « Pas d’engagements irréalistes mais sommes convaincus que les solutions aux problèmes de la cité viendront de ses fils et de leurs partenaires. Un dialogue permanent sera instauré pour une gestion participative et inclusive de la mairie. C’en sera fini de la gestion verticale. »
Sebkha ne peut rester en marge des autres municipalités de Nouakchott, elle ne refuse pas le développement, elle en a même les atouts. Sa jeune population, son potentiel de travail, ses quelques infrastructures de base. Que lui manque-t-il alors ? « Une nouvelle façon de manager la cité et ses citoyens, plus de proximité avec ceux-ci, la pacification des rapports avec l’administration, une réelle volonté de donner du sens à la décentralisation, en recherchant et nouant de partenariats avec des cités nanties et des partenaires techniques et financiers à travers le Monde. Tout sera mis sur la table pour trouver des solutions consensuelles ». C’est en entrepreneur dans le génie civil que monsieur Bâ souhaite mettre en œuvre son expérience et l’important potentiel de cette cité au profit ses citoyens.
Rappelons enfin que Sebkha est un des grands bourgs de Nouakchott où les empoignades électorales ont toujours été âpres, se soldant le plus souvent par la victoire de l’opposition. Pour inverser la tendance, le parti de la majorité déploie d’énormes moyens à chaque compétition municipale. La dernière fut particulièrement rude entre les candidats. C’est dans cette grosse bataille qui lui paraît valoir réellement la peine que Bâ Ismaïl voudrait se jeter, non sans atouts.
Dalay Lam