Cette année, le 28 Novembre a connu une commémoration très particulière dans la ville-forteresse de Méderdra. Des dizaines des ressortissants de cette ville ont convergé de Nouakchott et d’ailleurs, diaspora comprise, vers « Sangua », la capitale de l'Iguidi. Nul ne voulait rater le grand événement qui marquera à jamais l'histoire de ce bled. Les descendants du vaillant émir et grand résistant au colonialisme, Ahmed ould Mohamed Vall ould Sidi ould Mohamed Lehbib, dit Ahmed ould Deïd, comptaient en effet commémorer la célèbre bataille de Legweïchichi. Cette bataille où Ould Deïd fit subir, le 28 Novembre 1908, une énorme défaite aux colons.
Un émir pas très chaud
Le commandant du cercle de Mederdra avait obtenu des informations selon lesquelles les dissidents commandés par l'émir qui leur donnait du fil à retordre avaient été aperçus dans la zone de Tiguint. Un détachement de spahis commandés par le lieutenant Reboul s'y dirigea promptement pour essayer de neutraliser Ahmed et ses hommes qui étaient tout-à-la-fois haïs et craints par les colonisateurs. Le razzi de l'émir en exercice et allié circonstanciel des Français, Ahmed Salem ould Brahim Salem, convergea lui aussi vers la zone pour leur prêter main-forte. Ethmane ould Brahim Khlil, «un homme qui en équivalait plusieurs », disait le commandant Frèrejean, était aussi appelé à la bataille. Les Français savaient les deux émirs en bisbilles et voulaient profiter de la bravoure d’Ethmane et de ses capacités guerrières pour se débarrasser d'Ould Deïd et, pourquoi pas, d'Ahmed Salem, selon certains dires. Mais l'émir ould Brahim Salem n’était pas très chaud pour cette expédition, disait-on également.
Les spahis, les hommes de l'émir et le fameux Ethmane arrivèrent au crépuscule du 27 Novembre au Nord de l'ancien village de Tiguint. Ils avaient appris que la cinquantaine de résistants, dirigés par Ould Deïd, se trouvait à Legweïchichi, une plaine de l'Aftout située à une dizaine de kilomètres au Nord-ouest du village, en bordure de l'Océan atlantique. Ils semblaient vouloir passer la nuit en ce lieu avant de continuer leur périple vers le Nord pour attaquer le poste de Nouakchott. Le lieutenant Reboul demanda l'avis de ses deux alliés, l'émir et Ethmane, pour établir un plan d'attaque. Le premier proposait de lancer l’assaut la nuit. Contrairement à Ethmane qui semblait motivé d'en finir avec Ould Deïd et qui expliqua au lieutenant que l'attaque nocturne serait donner à celui-là l’occasion de fuir avec ses hommes. La décision d'attaquer à l'aube fut en fin de compte retenue. Ahmed Salem se retira à part pour donner des instructions « particulières » à ses hommes qui étaient aux environs de cinq cents...
Heureusement pour les résistants, ils avaient pu mettre, juste auparavant lors de la célèbre bataille de Témessoumit, la main sur un important butin comprenant des vivres et des fusils à tir rapide. Au lever du soleil du 28 Novembre, les spahis du lieutenant Reboul commencèrent à progresser vers l'ennemi en compagnie d'Ethmane, très en avant. Les hommes de l'émir les suivaient timidement. À la vue des Français, le héros Sidi ould Sid'Ahmed se hâta de grimper à cheval en demandant à ceux qui voulaient le Paradis de le suivre, sans obéir à la stratégie d'Ould Deïd. Deux hommes, Ahmed Salem ould Mellada et Mohamed ould Ahmed Char, répondirent à son appel. Sidi et Mohamed furent aussitôt déchiquetés par les tirs des spahis, alors qu'Ould Mellada, légèrement blessé, se replia en rampant pour rejoindre son groupe.
Désarroi de l’ennemi
La bataille faisait maintenant rage. Ethmane fut atteint d'une balle en pleine tête, provoquant le désarroi dans le camp colonial. L'émir donna l’ordre de repli à ses hommes, après avoir tiré quelques balles sans viser. Le moral des résistants en fut immédiatement rehaussé. Et de se battre avec une vaillance décuplée, Ould Deïd en tête. Ahmed abattit lui-même le lieutenant Reboul et ce fut la débandade totale des spahis. Apeurés, les tirailleurs noirs fuyaient en tous sens, sous les tirs nourris des résistants qui en abattirent des dizaines, tombés comme des mouches. D'autres furent capturés avant de subir le même sort. Les rares qui réussirent à s’échapper s'égarèrent le plus souvent, pour mourir de soif les jours suivants. Une infime partie parvint à rejoindre Mederdra, via divers campements nomades qui les abritèrent, nourrirent et transportèrent, par peur des représailles des colons dont la sévérité de la répression était notoire. Ould Deïd et ses hommes se retirèrent vers leurs bases au Nord du pays avec un gros butin...
Cette commémoration grandiose s’est tenue au stade de Méderdra où plusieurs tentes étaient dressées pour la circonstance. Des méharistes dotés de fusils et d'habits traditionnels ont défilé vers 17h sous les chants et youyous. Une énorme foule de la moughataa assistait au spectacle et, le soir venu, la famille Baba ould Ahmed Ledeïd organisa une grande réception à son domicile. Suivie d’une soirée culturelle et folklorique sous les tentes où chercheurs et historiens se relayèrent pour évoquer ladite bataille et autres actes héroïques de la Résistance, comme cette autre glorieuse bataille d'Akjoujt où le frère aîné d'Ould Deïd, l’émir Sidi ould Sidi, égorgea le capitaine Repoux avec son propre poignard. Les divas Tekeïber et Koumbane ainsi que des groupes de medh ont animé la soirée qui s'est achevée vers deux heures du matin. Plusieurs notabilités et personnalités politiques de la wilaya, dont l'émir du Trarza, le président du Conseil régional et le député de Mederdra, ont assisté à la rencontre. Notons aussi que la plupart des intervenants ont demandé à ce que cet important événement soit commémoré tous les ans. Et les observateurs d’attribuer l’organisation et la réussite de l’exceptionnelle journée à l'acteur politique et notable Ould Oumeïr ould Baba ould Ahmed Ledeïd ainsi qu’à ses soeurs El Vouteya et Mineya, tous trois bien épaulés par leurs parents et amis.
Mosy