L’expression « traîner les branches » est toute belle. C’est, en sagesse populaire, cette intelligence de dissimuler les actes indélicats, pas vraiment en conformité avec la morale sociale qui régule les comportements et les agissements des individus de groupes « sociétaux » déterminés. C’est, en fait, avoir la capacité de faire diversion. Diversion ou dissimulation, à travers des attitudes banales, pour faire oublier l’essentiel. C’est un peu ce que font, depuis quelques temps, nos autorités nationales. Elles traînent les branches, via des gestes sans grande signification. Pour faire oublier l’essentiel. Campagne nationale de nettoyage de la ville de Nouakchott. Une opération dont le lancement officiel a mobilisé le Président lui-même. Puis, le jour suivant, le Premier des ministres. Puis tous les tapageurs et applaudisseurs de la capitale qui ont rompu leur grasse matinée, pour aller se faire voir au tout sommet des immondices et y amuser la galerie. Puis les radios et télévisions officielles (excusez le pluriel mais il s’impose). Puis les autres de tous les autres. Que ceux que j’oublie m’excusent, ce n’est pas pour traîner des branches sur eux. Les ordures et les mauvaises odeurs, toutes les odeurs de tous les acabits et de toutes les origines, semblent valoir beaucoup mieux que les enseignants et leurs états généraux. Pourquoi, me dites-vous ? Très simple. Le Président n’avait pas pris la peine d’assister au lancement de ces Etats Généraux de l’Education et de la Formation (EGEF). Entre les ordures et les enseignants, le président a choisi les ordures. Un message on ne peut plus clair. C’est traîner des branches que de procéder, avec tambours et trompettes, à des affectations de militaires qui pouvaient se faire dans la plus grande discrétion. Et de détourner l’opinion vers de petites histoires de petits larcins, tapis, ici et là, dans nos ambassades et chancelleries. Les festivals des villes anciennes et les comités interministériels de ceci ou de cela, c’est traîner les branches. C’est encore traîner des branches que de mobiliser ministres et personnels de ministère pour aller se remplir les yeux de poussière, sous prétexte de reverdir les alentours de Nouakchott à coup de centaines de millions, voire de quelques milliards, qui auraient pu servir à plus important que remplir les poches de quelques bricoleurs-maison, enrégimentés par un ministère-carton qui traîne les branches sur ses multiples dysfonctionnements. Ce n’est pas que les ordures ne soient pas importantes, comme le pensent ces hommes qui nous gouvernent, ni les militaires tout aussi importants, comme le pensent ces mêmes qui nous commandent, ni encore que les autorités n’aient aucune pensée pieuse pour les enseignants. Mais c’est, tout simplement, qu’il y a des choses qui devraient attirer l’attention de ces rois qui nous entraînent on ne sait où. Par exemple, que serait la Mauritanie sans le fer ? Or, aujourd’hui, le fer irait très mal, dit-on. La chute mondiale de son cours aurait eu de lourdes conséquences sur la plus grande boîte (de Pandore) nationale. Qui ne sait garder son dîner pour son déjeuner ne doit en vouloir qu’à lui-même. Une grave affaire dont personne ne parle. Les grosses devises de la BCM, les quinze milliards de l’aéroport de Nouakchott, les centaines de millions qui ont servi à financer les travaux de l’Université de Nouakchott. Et quoi encore ? Beaucoup d’argent de la campagne des dernières élections municipales, législatives et présidentielle. Tout ça, aujourd’hui que la boîte à Pandore va à vau-l’eau, c’est fini. On traîne les branches, on efface nos bouches et l’on se tait. Unité sociale menacée. Impossible de traîner les branches là-dessus. Inédit. Affrontements à caractère ethnique en pleine mosquée. C’est grave et ça présage un avenir social chahuté. Ne pas en parler avec la gravité que cela impose est grave et dangereux. Y traîner des branches est inacceptable. L’unité nationale, la richesse nationale, ça, impossible de faire traîner des branches. Vivent les ordures et les immondices, mais à condition qu’ils ne servent pas d’alibi à faire traîner des branches sur l’essentiel !
Elle était jeune, dans la fleur de l’âge. Issue d’un milieu conservateur, étudiante en deuxième d’université, elle s’apprêtait à convoler en justes noces.