
Le Premier ministre Sénégalais Ousmane Sonko n’aime pas la Mauritanie. Normal : il n’est pas natif de la région du Fleuve, ni de Saint-Louis, Richard Toll, Dagana, Matam, Ourossogui, des villes du Sénégal dont les habitants peuvent apprécier l’intérêt de maintenir et de renforcer les excellentes relations politiques et économiques entretenues avec la Mauritanie, pays frère et voisin, qui leur servent de bouffées d’oxygène dans les multiformes relations économiques de proximité. Aveuglé par sa haine envers Macky Sall et énervé par les accords de partage du gaz signés par celui-ci qui avait, durant ses deux mandats, considérablement renforcé les relations économiques et sécuritaires de son pays avec la Mauritanie, Sonko n’a jamais caché son hostilité envers celle-ci.
Lors de son meeting de campagne des législatives à Saint-Louis le 7 Novembre 2024, il déclara publiquement que Macky Sall avait « donné le gaz des Sénégalais aux Mauritaniens ». Cette phrase cachait un message beaucoup plus profond montrant à quel point le Général de la Rue qu’il est maîtrise l’art de monter les gens contre les autres. Il avait dit et répété, aux sénégalais qui voulaient bien l’entendre, que la Mauritanie, pays de quatre millions de bédouins qui ne cuisinent que sur du charbon de bois, ne devait pas avoir une part de gaz égale à celle revenant aux dix-sept millions de sénégalais cuisinant tous sur réchaud à gaz. Je caricature pour illustrer combien Ousmane Sonko, dont les calculs d’intérêts économiques ne diffèrent en rien de ceux de la vendeuse de cacahuètes de Conakry, de la vendeuse de beignets du Mali ou de la vendeuse de bissap de Bignola, est habile à semer la discorde, partout et à tous les niveaux.
Ousmane Sonko, télécommande du président Diomaye Faye ?
Élevé de toutes pièces par la rue durant les périodes de violence dont il est seul responsable, Sonko ne se contente pas de chuchoter dans l’oreille de Diomaye Faye, un homme amené au pouvoir par un hasard surprenant ; il joue à la girouette pour indiquer, à ce président du Sénégal handicapé par une naïveté évidente, des chemins serpentant dans un champ de mines individuelles et collectives qui exploseront, tôt ou tard mais certainement avant la fin du premier mandat du couple Diomaye-Sonko de plus en plus décrié à cause de ses tâtonnements politiques et économiques.
Ousmane Sonko a toujours fait de la dénonciation des accords du partage du GTA entre la Mauritanie et le Sénégal, un cheval de bataille. Selon certains observateurs et analystes politiques, Diomaye Faye et son coéquipier se sont attelés, dès leur arrivée au pouvoir, à faire les yeux doux à la Mauritanie pour que le président Ghazouani accepte une révision de cet accord, au prétexte que le Sénégal serait lésé. C’est qui explique la primeur des visites d’État de Faye à la Mauritanie. Aurait-il tapé à la mauvaise porte en exigeant de celle-ci ce que Sonko considère comme dû au Sénégal ? Peut-être. Ce qui est certain c’est que, décrié dans les sondages et violemment critiqué pour sa nonchalance dans la mise en place d’un programme promis à ses électeurs, Ghazouani ne va pas risquer se retrouver dans le collimateur d’une opposition qui, même divisée, est de plus en plus forte en nombre d’électeurs.
Il ne faut aussi pas perdre de vue que le Premier ministre sénégalais, persona non grata pour beaucoup de mauritaniens, est venu chez nous le 12 Janvier dernier, en misant beaucoup sur une rétrocession par la Mauritanie d’une partie du gaz, au nom de l’équité. Et que cet homme qui a tout arraché au régime de Macky Sall par la force n’éloigne pas l’option de prendre de la même manière ce qu’il croit revenir à son pays. Ce n’est pas une théorie fantaisiste : la découverte de gaz sur un site maritime chevauchant la frontière entre ces deux pays a bel et bien fait monter les enchères de leur armement respectif. Selon certaines prévisions, l’effectif de l’armée de terre sénégalaise devrait passer de vingt mille à trente mille hommes en 2025 et celui de sa marine de mille à deux mille environ. Il était également prévu de doter celle-ci de trois nouveaux patrouilleurs, ainsi que de missiles du groupe européen MBDA basé en France.
Réunion de Nouakchott, rencontre de la dernière chance ?
Têtu comme une mule, Ousmane Sonko croit obstinément que le Sénégal est en droit de rentrer en possession du quota qui lui revient. Toujours élémentaires, ses calculs lui laissent penser que Macky Sall ne devait pas accepter le partage de la manne gazière sur la base actuelle. Il ne voit pas d’un mauvais œil que les milliards de mètres cube de gaz qui reviennent aux deux pays soient divisés au prorata du nombre d’habitants par pays. Ce qui désavantagerait évidement la Mauritanie. Calculs primaires d’un Premier ministre primaire qui prend ses rêves pour la réalité.
On peut donc se demander que vint faire le Premier ministre du Sénégal en Mauritanie dans sa « visite de travail » de trois jours ? La question reste posée. Peut-être est-il aussi venu pour présenter ses excuses aux négro-mauritaniens – aux Halpulaars en particulier – pour ses propos tenus au cours d’un autre meeting, affirmant que les habitants de la rive mauritanienne du fleuve Sénégal sont tous des sénégalais, étayant les blablas de certains racistes extrémistes maures alléguant que tous les riverains du Fleuve, même ceux d’ici, sont sénégalais.
Peut-être que, comme l’a dit mon confrère Bakary Guèye, excellent journaliste analyste, président de l’Union de la Presse Française de Mauritanie (UPF) et adhérent à la Plateforme en ligne du Groupe de Presse Francophone de Mauritanie, je le cite : « […] il n’y aucune crise diplomatique entre le Sénégal et la Mauritanie, deux pays qui émettent sur la même longueur d’onde ». Peut-être mais on n’a pas besoin d’être un ingénieur du son pour se rendre compte que les émissions sur la même fréquence provoquent parfois des brouilles…
Mohamed ould Chighali
Journaliste indépendant
Groupe de Presse Francophone de Mauritanie