
Le livre « Apostrophe, des dunes blondes aux embruns iodés » d’Elbane Hamady, professeur de mathématiques originaire d’Aioun El Atrouss en Mauritanie, est un recueil de 51 historiettes savoureuses, relatant avec humour et érudition des épisodes marquants de la vie de l’auteur. Ces récits nous transportent de son enfance dans le Hodh, à son adolescence au lycée national de Nouakchott, en passant par sa découverte du monde moderne lors de ses études supérieures en Bretagne.
Avec un style vif et captivant, Elbane Hamady peint un tableau d’un monde presque légendaire, mêlant traditions locales, cabines téléphoniques et trains à deux étages aux souvenirs personnels. Ces anecdotes, à la fois drôles et touchantes, témoignent du contraste entre une jeunesse mauritanienne empreinte de simplicité et l’exploration de nouvelles technologies et coutumes européennes.
L’anecdote de Sidi et son “véhicule imaginaire”
Parmi les récits marquants, « L’as du volant » incarne parfaitement l’humour et la dérision qui caractérisent l’écriture d’Elbane.
Dans cette histoire, l’auteur évoque son ami Sidi, un passionné de voitures, doué d’une mémoire incroyable pour retenir les plaques d’immatriculation et les moindres détails des véhicules. Pourtant, lorsqu’il propose de conduire ses amis à une soirée, la réalité se révèle hilarante : Sidi ne possède pas de voiture, mais seulement une clé suspendue à un porte-clés décoratif !
Le groupe finit par marcher jusqu’à la soirée, en retard mais dans la bonne humeur, entre éclats de rire. Ce récit met en lumière l’imagination débordante de Sidi et reflète une époque où les aspirations modernes coexistaient avec des réalités modestes.
À chacun sa vitesse : la découverte de la machine à laver
Un autre épisode inoubliable, intitulé « À chacun sa vitesse », relate la première rencontre de l’auteur avec une machine à laver, lors de son séjour en France.
Hébergé en internat, Elbane passait ses week-ends à l’auberge de jeunesse, un lieu animé accueillant des voyageurs éphémères de tous horizons. Une nuit, gêné par les ronflements de son voisin de chambrée, il décide d’aller surveiller la lessive qu’il avait programmée.
En appuyant sur le bouton de lumière, il découvre avec stupeur que le tambour de la machine semble vide. Plus de chemises, plus de pantalons… Il envisage même d’appeler la police ! Mais, juste le temps de reprendre ses esprits, la machine termine son cycle d’essorage à 1400 tours par minute, et ses vêtements réapparaissent, intacts.
Soulagé, Elbane réalise que la vitesse élevée du tambour rendait le contenu presque invisible. Avec humour, il compare cette expérience à la douceur du lavage à la main à Nouakchott et médite : « À chacun sa vitesse ».
Un vibrant hommage et une lecture délectable
À travers « Apostrophe, des dunes blondes aux embruns iodés », Elbane Hamady nous offre un voyage drôle et tendre dans un passé empreint d’amour, de simplicité et de découvertes. Chaque anecdote est un tableau vivant qui capte l’essence d’une époque de transition entre tradition et modernité.
Lors de son passage à Nouakchott l’an dernier, alors que j’étais en voyage, j’ai eu la chance qu’un ami passionné de livres récupère pour moi un exemplaire signé par l’auteur. Sur la première page, cette dédicace : « A Jemal Ahmedou, à ces souvenirs des espaces sans limites. Elbane Hamady. Amicalement. »
Quelle délectation de lire ces historiettes ! Chaque page est une immersion dans des souvenirs colorés et empreints d’humour, où la restitution de la mémoire est faite avec une précision et une tendresse rares. Ce livre n’est pas seulement un recueil d’histoires ; c’est une véritable ode à la vie, aux espaces infinis, et à la richesse des expériences humaines. Une lecture inoubliable.