Bonjour à tous, bonjour à toutes où que vous soyez et d'où me lisiez-vous en ce moment ! Moi, c'est Mohamed ould Chighali. Je suis mauritanien, journaliste indépendant et nationaliste progressiste. Je suis maure blanc. Mais beaucoup de maures me détestent à cause de ce que je dis. Je suis ami à des milliers de halpulaars de tous âges, mais beaucoup de ces halpulaars me détestent. Les maures et les halpulaars qui me détestent me détestent à cause de ce que je dis. N’empêche ! Je continuerais à dire ce que je pense, parce que c'est la vérité, une vérité que malheureusement les Maures ne veulent pas entendre et une vérité dont certains halpoulars préfèrent ne pas parler. Je suis donc, comme d’ailleurs depuis ma naissance, entre le marteau et l’enclume.
La grande gueule que je suis va donc, avec votre permission, vous souhaiter à vous tous – à vous les maures qui ne m'aimez pas et à vous les halpulaars qui me détestez – une année de pardon des uns envers les autres et vice-versa. Je ne parlerais pas des évènements de Sory Malle, de Wothie et d’Azlat, localités de l'horreur. Je n'en parlerais pas, non parce que je ne crois pas à ce qui s'y est passé mais simplement parce que nous sommes dans un flou total par rapport aux évènements qui y sont survenus. Cela ne permet donc pas de voir clair en ce qui s'y est passé, ce qui y a été fait, par qui et qu'elles en sont les victimes. Quoiqu’il en soit, ce qui s'y est passé, s'il est confirmé par des preuves matérielles, est abominable et, si ces choses se sont passées à l’époque dans ces localités, l'État mauritanien en est évidemment totalement responsable et doit, par devoir de mémoire et de justice, en rendre compte.
L’horreur à Inal
Je me contenterais par contre de parler de ce qui c'était passé à Inal. Pour résumer à tous et de manière claire et précise ce qui se passa en cette nuit sombre de notre histoire, le 27 Novembre 1990, je dirais simplement que des maures (mes parents) ont lâchement assassiné des noirs halpulaars. Ils ont assassiné, d'une manière cruelle et abjecte, ces jeunes noirs sans défense. Aucun mauritanien, qu'il soit blanc ou noir, ne doit oublier ce qui s’est passé en cette nuit du 27 au 28 Novembre 1990. Qui ? Pour le compte de qui ? Et pourquoi un responsable décida-t-il que des vies soient arrachées à 28 jeunes mauritaniens parce que simplement ils étaient noirs ? Aujourd'hui, la question n'est plus celle-là. Ce qu'il faut retenir, par contre, par devoir de mémoire, par devoir de refus de l’injustice et pour cette postérité macabre, c'est que 28 noirs, tous mauritaniens, furent lâchement assassinés par des maures. Il ne faut pas avoir peur de dire la vérité. Cette vérité est malheureusement cruelle mais c'est une vérité dont il ne faut pas avoir peur de parler.
Maintenant, même si ces maures assassins se cachent aujourd'hui derrière la loi d'amnistie de Juin 1993 – une loi qui n’est pas un verset du Saint Coran et qui n'a aucun sens moral – pour essayer d'enterrer leur lâcheté, on ne doit pas perdre son temps à chercher à jouer à la Gestapo pour essayer de dénicher, un-à-un ces sanguinaires misérables de la honte islamique pour les arrêter et juger. Cela ne sert à rien et ne nous avancera en rien, comme l’avait dit d’ailleurs l'ex-président Mohamed ould Abdel Aziz. Cela ne nous avancera en rien, même si l’on exhibait ces criminels et « chiens de leur maître » pendus à leur tour.
Juger un vieux militaire retraité qui tortura Wélé Ousmane Abdallah jusqu’à ce que mort s’en suive ou juger un autre qui pendit le soldat de 1ère classe Ciradio Lô ne mène à rien. Ces deux assassins sont tous les deux des pauvres types qui tirent aujourd'hui le diable par la queue en travaillant pour une agence de sécurité. Cela donc ne servira à rien et ne rendra la vie ni à Ciradio ni à Wélé.
Cela ne sert à rien et cela ne nous avance en rien. Le problème dit du « passif humanitaire » doit être résolu définitivement, de manière concertée et consensuelle. Et ce problème ne pourrait être résolu que par le travail d’une plateforme de personnalités publiques, morales et religieuses étrangères à la question, loin des courtiers politiques qui se sont substitués aux vrais ayants droit. Des personnalités publiques, morales et religieuses reconnues pour leur impartialité, leur esprit apolitique et qui seraient fondés de pouvoirs aussi bien par les autorités que par les victimes et les ayants droit pour trouver une solution définitive, irrévocable et sans appel au problème.
Je me souviens – certains d'entre vous sans doute aussi – que j'avais dit, il y a trois ans de cela, que des personnalités publiques et morales comme Ahmedou ould Abdallah, ancien conseiller du secrétaire général des Nations Unies ; Mohamed Vall ould Bellal, ancien président de la CENI ; Cheikh Sid'Ahmed ould Babemine, colonel à la retraite et ancien ministre des Affaires étrangères ; Ndiaye Ousseynou Kane, ancien ministre de la Santé ; Vatimetou mint Abdel Malick, présidente de la région de Nouakchott ; maître Ahmed Salem ould Bouhoubeïni, le saint prédicateur Ould Sidi Yahya et le respecté politicien Messaoud ould Boulkheïr pouvaient contribuer, avec d'autres mauritaniens de profil semblable, à trouver une solution définitive à ce problème qui met face-à-face – dans un conflit qui dure depuis plus de trente-cinq ans ! – les halpulaars à certains maures par qui tout ce malheur est arrivé.
Rapiécer le tissu de la cohésion nationale
Je pense qu'au-delà de l'aspect matériel et financier de la question, comme je l'ai suggéré dans un précédent article et dans une autre chronique, le régime en place peut, s'il est sincère dans sa volonté de mettre fin à ce conflit qui oppose les halpulaars à certains maures racistes appartenant à une autre époque, prendre par exemple les décisions suivantes :
- Faire construire par le Génie militaire, en guise de repentir concret, une cité dite « Cité Ghazouani de l'Unité nationale ». Dans cette cité, le régime attribuera à chacune de toutes les familles des victimes des années de braise, un logement décent et le gouvernement prendra en charge, au moins durant une décennie et gratuitement pour toutes ces familles, le coût de scolarisation des enfants, de consommation d’eau, de gaz et d'électricité ; leur assurer la sécurité sociale et l'assurance-maladie. Ces familles vivront en cohésion avec celles de militaires tombés au champ d’honneur à Limghaïty, El Voulania ou dans les tranchées de la guerre du Sahara ;
- Décréter une loi d‘amnistie qui protège tous les opposants négro-mauritaniens qui s’étaient réfugiés en Europe, aux États-Unis, en Australie ou ailleurs. Cette loi leur garantira un retour sans aucun risque de poursuites judiciaires et leur permettra, ainsi qu’à tous les diplômés candidats à ce retour volontaire, une intégration systématique dans la Fonction publique ; restituer solennellement et officiellement aux familles les corps des victimes des répressions de 1989 à 1991 et assister officiellement à leurs funérailles ; revoir les conditions de recrutement dans la Fonction publique pour égaliser les chances de tous les Mauritaniens à l'accès au recrutement dans l'Administration et l'enrôlement au sein des différents corps constitués ; régulariser toutes les situations inhérentes aux documents sécurisés et actes civils pour tous les négro-mauritaniens qui en ont été privés, quelle qu’en soit la raison ; profiler l'École républicaine afin que tous les enfants négro-mauritaniens puissent s'épanouir dans un système éducatif public réellement respectueux de toutes nos composantes nationales.
Faire la paix avec les « Rohingyas » de chez nous
Je souhaite que cette année 2025 soit celle de la résolution définitive du passif humanitaire et politique, ce passif qui maltraite physiquement, moralement et politiquement les halpulaars de chez nous, meurtris par trente-cinq années de souffrances sous toutes formes. Eux, les halpulaars qui sont les réelles victimes de génocides cumulés : génocide extrajudiciaire, génocide éducatif et culturel et génocide biométrique. Ce n'est pas normal, ce n'est pas juste et cela ne peut plus, ne doit plus durer. Notre pays a fait trop de mal aux halpulaars, un mal qui « composte » au fin fond d'un volcan qui gronde et qui peut, à tout moment, provoquer une éruption qui serait une catastrophe incontrôlable.
Ce n’est pas normal, que des maures se battent, tous les jours, à coups de millions et de milliards pour obtenir des marchés juteux, des terrains dont les prix frôlent l’inaccessible pour le simple citoyen ; que Taazour jette des milliards par les fenêtres pour des gens qui ne méritent rien du tout… et que tous oublient l’essentiel. Qu’ils oublient que des orphelins et des veuves regardent, impuissants, ce triste tableau, réduits à attendre que les pouvoirs publics mettent fin au supplice moral et psychologique qu’ils subissent depuis plus de trente-cinq ans.
Ghazouani est l’homme de la situation. Beaucoup de mauritaniens le croient. Personnellement, je ne mets pas en doute un seul instant sa capacité à trouver une solution définitive à ce problème douloureux qui empoisonne, chaque jour de plus en plus, la vie politique de notre pays. Le futur de la Mauritanie, unie et prospère, le « Vivre ensemble » dans un avenir apaisé dépend de la volonté personnelle du président Ghazouani. Il doit regarder droit dans les yeux tous ceux qui ne veulent pas que le problème douloureux, grave et à haut risque du passif humanitaire soit résolu et leur dire sans aucun détour : « Je n’accepte pas que la Mauritanie devienne un jour une Libye, un Soudan ou un Yémen ».
Que vous soyez d’accord avec moi ou non, je vous souhaite à vous tous, où que vous soyez, une bonne et heureuse année et vous demande de prier pour moi, pour que les autorités judiciaires de ce régime ne m'envoient pas en prison, parce que, simplement, je viens de dire ce que des halpulaars d'ici ont peur de dire à haute voix, et parce que, beaucoup moins simplement, le racisme de certains, maures ou noirs, handicape le vivre ensemble dans notre pays. Merci à tous !
Mohamed ould Chighali
Journaliste indépendant