1. Un témoignage entre analyse stratégique et réalité humaine
Le chat sur la dune est un ouvrage unique qui croise récit de terrain et réflexion géopolitique. Rédigé par le Colonel Charles Michel, docteur en géopolitique et officier supérieur de l’armée française, il retrace dix années de missions dans le Sahel (2013-2022), période marquée par les interventions militaires françaises Serval et Barkhane. Préfacé par Michel Goya, l’ouvrage est autant un témoignage personnel qu’une analyse critique des opérations militaires.
J’ai eu le privilège de recevoir ce livre accompagné de cette dédicace :
« En souvenir d’une belle rencontre magique. J’espère qu’il trouvera au détour de ces pistes sahéliennes des nouvelles questions sur un espace qu’il connaît bien. En hommage à son amour des livres et à la constitution de cette belle bibliothèque… »
Cette attention particulière reflète le lien personnel qu’un auteur peut établir avec son lecteur. Au-delà du geste, la dédicace confère à l’ouvrage une valeur sentimentale unique, renforçant son caractère mémoriel.
2. Les thématiques centrales du livre
a. Une immersion dans le quotidien des opérations
À travers ses notes personnelles, ses rapports officiels et ses interactions avec les populations locales, le colonel Michel donne vie aux paysages sahéliens, vastes et hostiles, tout en illustrant les défis humains et logistiques des missions militaires. Ses récits mettent en avant des populations profondément attachées à leurs cultures, mais confrontées à une instabilité chronique.
b. Une réflexion stratégique et critique
Le livre explore les paradoxes des interventions militaires françaises, déconstruisant plusieurs clichés :
• Le sentiment anti-français dans la région n’est pas uniforme, mais il est exacerbé par des perceptions d’ingérence.
• L’échec apparent des interventions n’est pas uniquement militaire, mais reflète la complexité des dynamiques locales, où s’entrelacent insécurité, pauvreté et rivalités ethniques.
c. La méthode tripartite : sécurité, dialogue, développement
Dans son analyse, le colonel Michel met en avant une approche intégrée qu’il a appliquée lors de son séjour à Gao :
1. Sécurité : Stabiliser militairement les zones en conflit.
2. Dialogue : Construire des ponts avec les communautés locales pour renforcer la légitimité des interventions.
3. Développement : Investir dans des projets économiques et sociaux pour offrir des alternatives durables aux jeunes vulnérables à la radicalisation.
3. Un échec stratégique dans un contexte mouvant
Malgré la lucidité des analyses du colonel Michel et la pertinence de sa méthode, la réalité actuelle du Sahel montre les limites des interventions françaises. Les régimes militaires, issus de coups d’État successifs, se durcissent et affichent une défiance accrue envers l’influence française. Les missions Serval et Barkhane ont cédé la place à une nouvelle donne géopolitique : un retrait français, un renforcement de la présence russe à travers le groupe Wagner et des tensions croissantes entre les acteurs locaux.
Ces évolutions laissent présager des lendemains incertains pour une région où les fractures ethniques, sociales et politiques redessinent de nouvelles configurations. Ces bouleversements appellent à réfléchir sur l’avenir des ensembles sahéliens et sur leur capacité à sortir de l’instabilité chronique. Le colonel Michel pose ainsi indirectement des questions cruciales :
• Peut-on stabiliser durablement le Sahel sans une approche réellement intégrée et globale ?
• Quel rôle peuvent encore jouer les puissances extérieures face à une montée des nationalismes locaux ?
4. Conclusion : une œuvre pour comprendre et questionner
Le chat sur la dune dépasse le simple récit de terrain pour devenir un outil de compréhension des dynamiques sahéliennes. Il offre une perspective unique sur les défis et les paradoxes des interventions extérieures, tout en invitant à repenser les stratégies futures.
Loin de fournir des réponses simples, l’ouvrage interpelle sur la manière de conjuguer force militaire, engagement humain et développement durable dans des contextes aussi complexes. Il reste toutefois teinté de la réalité : la France, malgré ses efforts, n’a pas su inverser la tendance dans cette région stratégique. Les questions soulevées par le colonel Michel sur le terrain résonnent plus que jamais face à un avenir sahélien incertain.
Est-il écrit quelque part qu’en ce qui concerne la qualité du réseau Internet, nous resterons indéfiniment en queue de peloton ?