Victimes, depuis plusieurs décennies, de réformes mal préparées avec des effets calamiteux sur le niveau des élèves, l’école publique mauritanienne est plongée dans un profond coma illustré par les résultats catastrophiques aux différents examens et concours. Pour réparer le mal, le gouvernement a fait voter une loi d’orientation relative à l’école républicaine en Juillet 2022. Mais, dans le contexte d’une institution publique confrontée à tant de problèmes – déficit d’infrastructures, manque d’eau et d’électricité, ressources humaines insuffisantes, problèmes de matériel didactique et pédagogique, insalubrité… – la mise en œuvre de ce texte fait des vagues. Son processus de réalisation prévoit notamment la suppression progressive du français comme langue d’enseignement au Primaire et fait désormais interdiction aux écoles privées de recevoir les enfants de première, deuxième et troisième année.
Du coup, un collectif des parents d’élèves victimes de cette loi s’est formé et fait de la résistance. C’est dans cet esprit qu’il a organisé, vendredi dernier (11 octobre) un sit-in de protestation devant le ministère de l’Éducation nationale et de la réforme du système éducatif. La limitation des classes primaires aux seules écoles publiques a en effet entraîné des sureffectifs cette année dans les classes. Les parents d’élèves affirment que celles-ci ne sont plus en mesure d’accueillir tous les élèves : « une classe prévue pour accueillir 45 élèves est contrainte d’en accueillir 70 aujourd’hui », se lamentent-ils.
En majorité des femmes, les manifestants ont bravé l’interdiction des autorités et réussi à déjouer les plans de la police pour dénoncer pacifiquement la situation « d’une école républicaine incapable de recevoir leurs enfants, du fait des classes surchargées, du déficit d’enseignants et de formation, de l’insalubrité, du manque de matériel pédagogique et didactique ; l’impact psychologique néfaste d’un tel environnement sur les jeunes élèves couronnant le tout ». Tous ces facteurs combinés « empêchent 45% des enfants mauritaniens d’accéder à l’école», conclut le collectif des organisateurs de la manifestation de vendredi.
La colère est également manifeste dans les écoles privées. D’autant que la loi d’orientation du système éducatif, adoptée en 2022, rend obligatoire l’inscription à l’école à partir de six ans. Elle prévoit aussi que l’enseignement primaire doit être progressivement réservé aux écoles publiques, ce qui suscite, depuis trois ans, la colère du secteur privé qui perd progressivement ses effectifs. Abdoulaye Cheikhou Traoré, enseignant à l’école privée « Espérance » de Nouakchott et membre du Syndicat des enseignants du secteur privé, a tiré la sonnette d’alarme, lors de la manifestation de vendredi dernier. « Petit à petit, les écoles privées vont disparaître. Cela fait trois ans que cela a commencé, cela veut dire que les écoles privées n'ont plus d'avenir. Cela va donc continuer jusqu'à ce qu’elles soient dissoutes. Moi, je trouve cela injuste et discriminatoire. Nous disons « non » à la ségrégation éducative et à la décision contestée. Nous voulons un pays de droit. »