Le Calame : La CENI a fixé au 22 Juin la date de la prochaine présidentielle. Comment le parti El Karama prépare-t-il cette échéance ?
Cheikhna Ould Hajbou : El Karama fait partie de la coordination des partis de la majorité qui a mis de l’ordre dans ses affaires, au cours de sa dernière réunion tenue il y a deux semaines, en adoptant son programme pour l’élection présidentielle. L’INSAF a été désigné à la présidence de cette session pour une durée de quatre mois qui peut être prolongée selon son règlement. Nous attendons de sa part une invitation à une réunion axée sur la campagne présidentielle. Nous y examinerons la question et saurons si la coordination la mènera de façon unifiée ou se scindera en plusieurs fronts en vue d’une même fin. Le sujet est donc en stand-by.
- La majorité présidentielle a demandé au président de la République de briguer un second mandat. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? Avez-vous le sentiment que le président Ghazwani accédera à votre demande ?
- Nous sommes une majorité pour le Président et partageons un point de vue commun sur le pays, ses affaires et les intérêts des citoyens. Eu égard aux acquis réalisés pour le peuple et la société et à la possibilité d’un second mandat garanti par la Constitution, nous avons jugé approprié, voire de notre devoir, de poursuivre la bonne marche de développement entamée par Son Excellence. Nous estimons qu’il faut lui accorder l’opportunité de servir le peuple, en renouvelant son élection une seconde fois, afin de continuer la marche prometteuse de renaissance, avec cette sagesse, cette courtoisie, cette perspicacité et cette direction clairvoyante des affaires de l'État et de la société.
- Parmi les nombreuses réalisations que vantent le gouvernement et la majorité durant les quatre années du premier mandat du Président, laquelle vous semble la plus pertinente ?
- Dans un monde soumis à des conditions instables, où les épidémies et les guerres coexistent, les peuples et l'État sont exposés à l'humiliation, à la désintégration et à l'invasion, la géographie humaine des pays est redessinée et, dans une région comme la nôtre, l’acquis le plus important et incontestable est sans doute la préservation de l'entité de notre pays, de sa stabilité et de sa sécurité. Des acquis obtenus dans une merveilleuse harmonie pour les habitants et les citoyens de notre chère patrie, al hamdoulillah ! C'est une des plus grandes réalisations, peut-être l'une des plus difficiles, qui vient en tête des acquis.
Puis interviennent les autres, indépendamment du désaccord sur leur nombre et leur nature. Il s’agit de grandes réalisations par rapport au temps imparti (quatre années), aux circonstances et aux capacités disponibles. Mais ce qui est également indiscutable et vraiment impressionnant, c'est cette école publique républicaine en gestation. Elle sera le véritable soudeur du tissu social des fils de ce pays et conduira à l'édification d'un citoyen imprégné d'un grand patriotisme et d'une véritable citoyenneté, si ceux qui sont chargés de la superviser révisent les programmes éducatifs en vue d’arriver à cet objectif.
L'autre actif de cet éventail de réalisations réside dans l’assurance-maladie accordée à un nombre considérable de nos concitoyens et dont la généralisation a été engagée afin de couvrir toute la population dans un avenir proche. Vous conviendrez sans nul doute avec moi qu’assurer une vie décente à des milliers de familles fragiles et démunies ne peut être comparé à aucun autre succès et que cela ne peut être réalisé que si l’artisan de ces performances dispose d’une vision sociale, juste et équitable dans la répartition des richesses entre les citoyens. Il vous suffit de vous référer ici au programme « Taahoudati » pour obtenir la réponse détaillée à la question générale que vous avez évoquée.
- La lutte contre la corruption est un engagement-phare du président de la République. Comment appréciez-vous ce combat ?
- À propos de la lutte contre la corruption, Son Excellence a fait preuve d'une forte volonté, d'un engagement moral et d’une fermeté sans faille pour y faire face. Des organismes de haut niveau ont été fondés à cet effet, des lois réactualisées et d'autres mises en place. D’importants résultats ont été obtenus, dont la récupération par l’État et la société d’une partie des fonds publics dilapidés, et la lutte se poursuit pour atteindre les objectifs souhaités. Vous savez comme moi que la corruption gangrène depuis très longtemps toutes les articulations de l'État et de la société. Plus grave, le mal dispose aujourd’hui d’un système qui lui sert de hub et malheureusement de légiste. La corruption est ainsi devenue un processus cumulatif qui risque de prendre une tournure héréditaire, même dans les générations nées alors que l'État national était absent (instabilité de l'institution présidentielle...). L’éradication définitive de ce phénomène prendra donc du temps. Elle nécessite de concrétiser l’élévation d’un bon citoyen, à travers une école publique pourvue de programmes visant à former une nouvelle génération dont les yeux ne lorgnent pas vers les biens publics. C'est une solution stratégique à long terme, qu’il faut doubler d’une constante politique de l'emploi sélectif du cadre étatique, frappant d’une main de fer les prévaricateurs et les sanctionnant tous de manière dissuasive.
- Il y a quelques jours, le président de la République a été désigné président de l’Union Africaine. Que représente pour vous et votre parti ce choix de ses pairs africains ? Qu’attendez-vous de son mandat ?
- À El Karama, nous considérons le choix, par tous les Africains, de Son Excellence Mohamed ould Cheikh Ghazwani pour présider l'Union Africaine comme approprié et sage. Avant tout, cela va dans l’intérêt de tout le continent africain, si instable et en proie à des tensions multiples et complexes. Cela sert sa stabilité, vu l’expérience, la sagesse et l’aptitude de notre Président en matière de gestion des crises. Il est par nature une personnalité consensuelle et son pays constitue un modèle de continuité dans la région : le Continent a besoin d’en tirer profit. Le deuxième aspect s'inscrit dans le cadre de l’éclatant succès diplomatique réalisé par notre pays depuis l’arrivée de son Excellence au pouvoir. Tout le monde a salué ses exploits diplomatiques sans précédent dans les forums internationaux. Il représente également pour nous, en tant qu’État, le caractère leader de la Mauritanie jouissant d’une position régionale et géopolitique assez forte pour mériter cette présidence tournante. Tout le monde aspire à une position importante pour notre pays, au regard de sa force potentielle en termes de perspectives économiques...
Ces questions et les autres que nous avons mentionnées emmènent El Karama à regarder l'avenir avec Son Excellence d’une façon positive et prometteuse. La position de notre pays sur le plan diplomatique et économique se renforcera, assurant un plus grand bien-être pour nos citoyens, dans un mandat exceptionnel marqué par l'industrialisation et l'autosuffisance dans tous les domaines de base. La révision des accords et des conventions avec nos partenaires n’est qu’une infime illustration de cette orientation visant à développer le pays et à affranchir notre État d’accords nuisant à son rôle dans l’environnement régional et international et dans ses plans de développement pour assurer le bien-être de ses citoyens.
- L’actualité politique est marquée par la levée de l’immunité parlementaire du député Biram Dah Abeïd, président du Mouvement IRA. Que pensez-vous de cette décision du bureau de l’Assemblée nationale ?
- L'Assemblée nationale est une institution législative avec un système qui la gouverne en relation avec les autres institutions de l'État. Tout le monde le sait. Elle garde la même distance vis-à-vis de tous ses députés et toute action qu'elle entreprend est censée être soumise à la loi et à son règlement intérieur. Je n’ai pas l’habitude de politiser une affaire qui revêt un caractère judiciaire mais il était possible d’éviter d’arriver à cette situation si la sagesse et la réflexion avaient prévalu et si les intéressés avaient joué leur rôle en acceptant de discuter pour régler le malentendu survenu entre certaines des parties.
- Les signataires du pacte républicain (INSAF, UFP, RFD) se préparent à lancer les ateliers de concertations à son sujet. Que pensez-vous de cet accord ? L’absence de la majorité de l’opposition ne risque-t-elle pas de réduire son impact et, du coup, sa portée ?
- Le Pacte n’est qu’un cadre de discussion et de dialogue présenté par certains partis politiques ; tout le monde a été invité à délibérer à son sujet ; plusieurs réunions ont été tenues ; la plupart des partis en ont pris connaissance et certains ont dit ne pas s’y intéresser : voilà où l’on en est. Et c'est précisément en ce qu’il n’est qu’un cadre de discussion qu’il fera l’objet de concertations et que le document final se limitera aux points consensuels constituant la seule conclusion que l’État s’engagera à mettre en œuvre et à préserver. Nous ne voyons donc aucun mal à ce que chacun participe à ces discussions. Tous peuvent s’y impliquer, syndicats, acteurs de la Société civile et même des personnalités nationales non organisées dans un cadre formel. C'est ce qui va se passer et nous sommes désolés pour ceux qui n'y participent pas pour des raisons personnelles.
- Comment se porte Al Karama depuis les dernières élections locales ?
- Mesurant le pouls de notre parti, le médecin – c’est-à-dire le peuple mauritanien – l'a trouvé modéré, sortant des élections avec un résultat acceptable, quoiqu’il ait été partout confronté à un épuisant ensemble de pressions, persécutions, fraudes et chantages exercés ici et là sur ses candidats. Au final, cinq députés, sept maires, plus de cent conseillers municipaux, sans compter les conseillers régionaux... Bref, Al Karama se porte bien.
- Je vous remercie.
- Merci à vous également.
Propos recueillis par Dalay Lam