Nous, nous formons une constellation de phénomènes uniques. Nous, c'est nous tous. Enfin, presque tous, sans grande exception. Il y a chez nous des mots très en vogue dont on use et abuse. Des expresso, des textos qu'on utilise à tort et à travers. Par exemple, cette histoire de recyclage soutiré d'un jargon écologique tout aussi à la mode. Ailleurs, on recycle les déchets. Ici, ce sont les hommes et les femmes, parfois même les ceusses ou celles qui viennent de franchir la frontière majorité/minorité, pas majorité/opposition. Ici, on ne vieillit pas. On ne se fatigue pas. On ne passe pas la main. C'est le « tout-accaparement ». C'est à moi. C'est pour moi. Sans moi, rien ne peut marcher. Avec moi, rien n'est foutu. Ça, c'est « mon » parti politique. « Ma » tribu. « Mon » organisation de la Société civile. « Ma » concession rurale. « Mon » financement. « Mon » école. « Mon » troupeau. « Mes » moutons de Panurge. « Mon » site. « Mon » journal. C'est « ma » radio. « Ma » télé. « Ma » banque. « Mon » général. « Mon » wali ou « mon » hakem. « Ma » circonscription électorale. « Mes » électeurs. « Mes gens ». Jusqu'à la mort : pas de retraite, pas de démission, pas de jubilé. Tant que je suis là, je suis là. Tout, c'est moi. Vous autres, tournez autour de moi ! Ce parti, c'est ma chose. J'en fais ce que je veux. Entre 1992 et maintenant, c'est combien ? Trente ans. Ok c'est juste un mandat et je vais en commencer un autre. De quel renouvellement de la classe politique parlez-vous ? À quelle rénovation de la Société civile pensez-vous ? Moi, je suis inoxydable. Inchangeable. Unique. Ya que Ma Majesté qui peut conduire ce parti. Jusqu'à l’on ne sait encore combien de temps. Un peu de patience, SVP ! Trente, quarante ou même cinquante ans, ça finit toujours, de toute façon ! Et puis un parti politique, une organisation ou un syndicat, quelle différence avec une concession rurale, un troupeau de vaches ou de moutons hérité de nos parents ? Ah bon ? Moi, j’ai formé le parti que le ministère m'a reconnu après beaucoup de fatigue, pour que je le donne à quelqu'un qui n'est ni mon fils, ni ma fille, ni mon cousin ? L’alternance, c’est chez les autres. Monsieur le Président, alternez comme vous voulez ! L'État, ce n'est pas vous. Alors que mon parti, c'est moi. Mon syndicat, c'est moi. Mon organisation, c'est moi. Ma fondation, c'est moi. Mes militants, mes adhérents, mes syndiqués sont en moi et non pas en dehors de moi. Salut.
Elle était jeune, dans la fleur de l’âge. Issue d’un milieu conservateur, étudiante en deuxième d’université, elle s’apprêtait à convoler en justes noces.