Les histoires à faire mourir de rire en Mauritanie ne manquent pas. C’est d’ailleurs tout ce qui ne manque pas. Le rire, chez nous, occupe une place spéciale dans le quotidien. Il fait rire. J’ai envie de rire. C’est à faire mourir de rire. C’est peut-être pourquoi tout est rire. Rien n’est sérieux. Rien ne vaut la peine, surtout si ça ne fait pas rire. Au moins ça fait rire, entend-on dire souvent. Mes frères, quelque chose où il n’y a pas de rire ne vaut pas la peine. Il est mort de rire. Le groupe a éclaté de rire. Les dernières se racontent à chaque coin de rue. On se les passe. On se les repasse. Certains sont devenus des spécialistes du faire rire. Quasiment tout le monde fait rire, en Mauritanie. C’est la règle. C’est la vertu. C’est la thérapie même. Il paraît, selon les Mauritaniens, que le rire allonge la vie, soigne les maladies, règle les problèmes. Les émirs avaient leurs bouffons. Les marabouts, leurs clowns. Le peuple, ses baladins. C’est la culture du rire. Elle est restée. C’est pourquoi, chez nous, rien n’est plus grand que cela. Tout est ordinaire. Seul le rire compte. Tout le monde fait rire en Mauritanie. Il y a juste quelques jours, un parlementaire a fait rire tout le monde, en déclarant que nos médecins sont mieux formés que les médecins français, grâce à notre prestigieuse Faculté de médecine et à nos ô combien brillants professeurs. Selon lui, la raison en est toute simple : nos médecins testent sur les humains. Leurs cobayes sont les citoyens. Alors que les autres expérimentent sur des poupées. A mourir de rire. Guinness des bêtises. Prix Nobel des bourdes. L’essentiel est que ça fasse rire. Les actes et les paroles qui font rire sont légion, dans l’histoire du pays. Paroles célèbres, du style « A tel pays, telle armée », « Si tu manges ce riz avarié, je te libère », « C’est toi qui m’as dit de faire un coup d’Etat » ou encore « Le BASEP, c’est nous ». Ça fait rire, tout ça. L’année 2015 : Année de l’enseignement. Pour cela, construction d’une trentaine d’établissements secondaires. Quelques bureaux pour l’inspecteur départemental d’El Mina. Des portes pour certaines écoles de Nouakchott. A faire mourir de rire. Donc, l’année 2015, Année de l’enseignement. Eradication des séquelles de l’esclavage. Mille sermons. Il n’y aurait même pas eu la moitié. Les imams semblent rebelles. Il paraît qu’ils réclamaient des perdium ou perdia, comme curriculum, curricula. Constructions de salles de classes. Diguettes de rétention. Mosquées. Mahadras. Mission de toute l’équipe de Tadamoun. Frais de mission obligent. Cérémonies officielles de réception des édifices, sur fond de folklore, entre esclaves tout joyeux et responsables en saharienne, comme accoutrement du président. Pour faire comme le chef, quoi. C’est bon, c’est réglé, c’est rigolo. Enseignement, c’est ok, puisque l’année 2015 a été déclarée Année de l’enseignement. L’esclavage, c’est ok, puisque Tadamoun a construit des classes, des mosquées et des digues dans les adwabas. Le passif humanitaire, c’est ok, puisque le Président a prié à Kaédi. L’unité nationale, c’est ok, puisque nous sommes comme l’œil : son noir a besoin de son blanc, nous racontent certains plaisantins de la cour. La démocratie, c’est ok, puisque le Président a reçu le chef de file de l’opposition. La santé, c’est ok, puisque nos médecins sont mieux formés que leurs homologues français. L’argent, c’est ok, puisqu’il y a de nouveaux billets. Les conditions des fonctionnaires, c’est ok, puisque les augmentations de salaire, c’est pour janvier prochain. La diplomatie, c’est ok, puisque Mohamed Ould Abdel Aziz est président de l’Union africaine. La presse, c’est ok, puisque son fonds de soutien est sorti. Etat civil, ok, puisque tout le monde s’enrôle maintenant. Passeport en cinq à six jours : tarif normal de trente mille, plus frais de gardien et du planton (entre trois à quatre mille). Passeport « dioni dioni », maximum vingt-quatre heures : Ce sur quoi deux se sont entendus : Parfois cent mille, parfois soixante mille. Ah, qu’est-ce qu’on rigole ! A mourir de rire.En ce bas monde, il n’y a que le rire. Salut.
Elle était jeune, dans la fleur de l’âge. Issue d’un milieu conservateur, étudiante en deuxième d’université, elle s’apprêtait à convoler en justes noces.