Cela fait six mois que le nouveau Président élu a pris fonction. Bien qu’il soit encore tôt pour émettre un quelconque jugement sur son action, certains s’y sont employés. Les avis sont mitigés. Pour les uns, quelques actes positifs ont été posés. D’autres estiment la situation inchangée, voire pire. Entre les deux, d’autres encore pensent qu’il est prématuré de chercher à évaluer les prestations du nouveau maître de céans et de ses collaborateurs, retenant cependant une action fort emblématique, après la formation du gouvernement qui a longtemps fait attendre les Mauritaniens : la mise en place, par le Parlement, d’une inédite commission chargée de scruter la gestion de sept dossiers sous la décennie de l’ex-Président Mohamed ould Abdel Aziz. Celui-ci ne semble outre mesure inquiet des conclusions auxquelles les travaux de cette commission pourraient aboutir. Dans une récente conférence de presse, il va même jusqu’à insinuer que les résultats de l’enquête pourraient ne pas être de tout repos pour certains de ses anciens amis. Une considération à moitié vraie puisqu’en ses onze années de pouvoir, beaucoup de ceux qui s’empressent aujourd’hui de le vouer aux gémonies et de le pointer du doigt furent de toutes ses manœuvres, du renversement du premier Président élu à son ultime tentative, quelques mois avant son départ, de ne pas lâcher le pouvoir, via le passage en force de l’idée d’un troisième mandat.
Selon ladite commission parlementaire, les investigations ont commencé. Elle devrait normalement en avoir beaucoup sur les bras, si tant est qu’elle s’emploie réellement, comme elle le prétend, à éclairer la religion des Mauritaniens sur les transgressions soupçonnées dans la gestion de certains dossiers durant la dernière décennie. Et à désigner ceux qui auraient mal géré les centaines de milliards qu’ils avaient en devoir d’administrer. Si tout va bien, les Mauritaniens sauront donc enfin où sont passés les dix-sept milliards et demi de dollars engrangés entre 2010 et 2014 ; qui en a fait quoi et sur quel ordre ; quelles furent les motivations et les modalités du prêt de cinquante millions de dollars consenti par la SNIM à un privé en charge de la construction du nouvel aéroport de Nouakchott ; à qui profita cette douteuse opération et dans quelles proportions… Les Mauritaniens devraient aussi enfin connaître comment et à quelles conditions furent passés les accords de la convention de pêche avec la société chinoise Poly Hong Dong l’autorisant à piller sans réserves nos côtes pendant vingt-cinq ans. Normalement, la commission d’enquête parlementaire nous révèlera encore les mécanismes d’adjudication des marchés de construction des routes ; les raisons et dessous de la vente des édifices publics ; le processus de faillite d’entreprises comme l’ENER ou de fermeture de la SONIMEX. Des informations sur le compte bloqué des générations futures et des éventuels retraits qui y ont été opérés devraient aussi être disponibles. Sur les raisons qui ont motivé la frappe d’une nouvelle monnaie, quels en furent les dividendes et au profit de qui ; sur le bradage des ressources nationales aux grandes multinationales, notamment l’or, et les grosses commissions occultes directement versées dans des comptes en banque à l’étranger. Il va sans dire que les membres de la commission mesurent le danger et l’ampleur de la mission qui leur a été confiée. Ils se savent tenus de s’armer de beaucoup de rectitude, d’impartialité et de responsabilité pour bien la mener. Pour cela, ils ne peuvent ni ne doivent accepter aucune pression ni interférences et ne jamais faire prévaloir le moindre sentiment ou affinité quelconque. Les Mauritaniens les regardent. Avec espoir et impatience de voir enfin la vérité jaillir sur une gestion catastrophique qui a tellement nui au pays.
Sneiba El Kory