C’est pour moi un honneur et un grand plaisir de m’adresser aux deux lauréats du Prix Habib Ould Mahfoudh 2020 pour leur souhaiter la bienvenue chez nous à Atar.
Nous avons, les membres de ma famille et moi même, été ravis par l'idée de les accueillir, en compagnie de l'écrivain à la belle plume Abdoulaye Ciré Ba dans la maison familiale, sise au quartier béni prospère ( Mbarka wa Amara )
Messieurs les lauréats, cher Doyen Abdoulaye
Étant donné que nous ne pouvons jamais nous acquitter, convenablement, du devoir d'hospitalité suivant la morale des Anciens en vertu de laquelle nous devrions vous dérouler nos paupières, en guise de tapis rouge, je tiens à vous accueillir en jetant des fleurs que j'ai cueillies dans le jardin de mon cœur à la grande cause de votre séjour å Atar.
Qu'il me soit permis, à cet égard, de saluer la décision de la fondation Habib ould Mahfoud d'organiser la cérémonie du prix du meilleur article 2020 dans notre ville natale.
Je remercie, également, l'Alliance française pour avoir accompagné, à Atar, ce genre d'activités culturelles dont la ville a bien besoin.
Cette ville dans laquelle les fondements de notre destin national avaient été jetés à la veille de l'indépendance et que le regretté Habib avait connue pour y avoir enseigné avant de se lancer dans la fabuleuse aventure de la liberté d'expression à laquelle son nom fut associé dans l'histoire politique de notre pays.
Un cas d'école
De ce point de vue, Habib à qui le prix en question est censé rendre un hommage mérité, fut, avant tout, un cas d'école.
En effet, l'homme de lettres qui fonda le journal indépendant mauritanien, "Le Calame", dirigé par mon ami le talentueux Ahmed ould Cheikh, que je salue au passage, appartient à l'école " Mauritanie Demain " fondée, en plein régime d'exception, par notre cher ami commun l'écrivain romancier Mbareck ould Beyrouk.
C'était une école que j'ai eu la chance d'accompagner en griffonnant mes premières sorties d'apprenti -plumitif et qui m'a permis en dévoilant, au grand public, mes passions de découvrir mes maladresses et autres bêtises.
Je me souviens avec un bonheur teintė de nostalgie de cette école animée par des illustres pionniers de la liberté d'expression tels que Mohamed Vall ould Oumere, actuel directeur de l'AMI que Habib avait promis, dans son satirique Mauritanides, de nommer à la tête du PRDS s'il deviendrait President! ou le distingué Professeur Idoumou ould Mohamed Lemine dont le " si j'étais Président " faisait rêver la classe des lecteurs éveillés, ou encore l'éminent Professeur et l'indomptable icône de la classe politique, Camarade Lo Gourmo et tant d'autres brillants cadres comme notre ami Moktar Bezbadi qui avait, assez tôt , intégré la secte des administrateurs assagis ..
Dans cette école, écrire fut pour moi, à titre personnel, l'occasion de me défouler en refoulant de mon for intérieur ce que je ressentais mais en m'y essayant, j'ai découvert l'intérêt de la liberté d'opinion pour la collectivité nationale.
C'est, précisément, sous cet angle que le nom de Habib fut associé, dans l'imaginaire collectif de sa génération, à la liberté de ton, au courage politique et qu'il est devenu, grâce au style satirique de la chronique "Mauritanides" , le symbole de la presse indépendante.
La pluralité des écoles
Bien entendu, cette école ne tarda pas à se voir supplanter par de nombreuses écoles qui ont rivalisé à la faveur du déclenchement du processus démocratique en 1991, des journaux indépendants ont fait leur parution pour accueillir le vent de la liberté qui souffla, dit -on, de la station balnéaire de la Baule, omme le " temps " de Mrabih Rabou ould Cheikh Bounena lequel démissionna de son poste juteux au Ministre de l'économie pour écrire la liberté ou comme Al Bayane, dirigé par le regretté Ghali ould Abdel Hamid, Président de la ligue des Droits de l'homme et animé par des illustres anciens combattants, à l'image de Yahya ould Bechir et tant d'autres journaux qui se sont succédés, telles des avalanches dans le ciel ouvert de la liberté d'expression comme " l'unité" du doyen Abdoulaye ciré Ba, le Calame de Habib, l'indépendant de Malainine Khaled, l'éveil hebdo de Sy Mamadou, la Caravane de l'illustre Brahim ould Abdallahi, Mauritanie Nouvelles de Bah ould Salek, Nouakchott info de Cheikhna ould Nenni etc. C'était la période des plumes de la presse d'expression française comme Wane Birane, Hindou mint Ainina, Ahmed ould Soueidi, Mohamed Sneiba. Kissima, Amal Daddah, Mariem mint Derwish, Moussa ould Abdou, Moussa ould Hamed, Isselmou Moustapha, Oumar Fall, Diagana et autres baroudeurs..
C'était avant la sahwa, comme diraient les islamistes de la presse libre d'expression arabe devenue écrasante à la faveur de la révolution numérique.
Les multiples visage de la pluralité des écoles
Il serait fastidieux d'énumérer les journaux indépendants et les innombrables journalistes et chroniqueurs qui ont fait et qui font encore partie de l'histoire de la liberté d'expression dans ce pays et je dois, d'ailleurs, conclure pour ne pas vous agacer par une interminable histoire qui ne pourra jamais être écrite convenablement.
Je conclurai, tout simplement, en disant que la pluralité des écoles dans ce domaine a été le fruit d'un acquis que nous devons, ensemble, préserver. Cet acquis qui tient à la liberté d'expression constitue, en effet, la grande conquête que nous devons léguer aux futures générations.
Quelles que soient la nature de nos opinions, la langue de notre expression, la cause de nos engagements, nous devons garder à l'esprit que la pluralité est une vitalité est qu'au lieu de chercher, vainement, à gommer les différences et, aussi les divergences en les couvrant par le voile des convenances et par la littérature de l'approbation, il faudrait apprendre à vivre avec l'esprit critique, lequel suppose le devoir d'apporter la contradiction..
C'est, justement, ce curieux sentiment que je ressens, dans mon for intérieur, en tant qu'obligation qui me rapproche de tous ceux écrivent la liberté et qui en font leur occupation habituelle.
Et c'est, aussi, à ce titre, que je vous souhaite amicalement la bienvenue chez moi.
Abdel Kader ould Mohamed