Monsieur Cheikh Ould Baya, président de l’Assemblée nationale et second personnage de l’Etat mauritanien, s’est illustré par des propos inqualifiables.
Monsieur Baya s’est permis d’interdire avec la brutalité qui le caractérise à une élue négro-africaine de s’exprimer en français au prétexte qu’ «un discours en français n’a plus de sens dans l’assemblée».
Il a d’autorité sommé la députée humiliée de s’exprimer dans une langue que ses électeurs peuvent comprendre. Décryptons.
Aux yeux de Monsieur Baya, il va de soi qu’une élue noire ne peut avoir pour électeurs que des Noirs. D’où « l’invitation » à s’exprimer dans une langue négro-africaine. Peu importe d’ailleurs que l’élue l’ait été sur une liste nationale. Le fait qui, par-dessus tout, importe à Monsieur Baya c’est qu’elle est négro-africaine. Autant dire que telle n’est pas la conception que les FLAM se font de la vie démocratique dans notre pays. Vie démocratique dont les débats parlementaires devraient être l’expression. Pour nous, les élus à l’Assemblée nationale devraient représenter l’ensemble de notre peuple dans sa diversité. L’idée de député communautaire ou ethnique ou encore racial est à nos yeux inconcevable.
Non content de sa « première » sortie outrancière, raciste et communautariste, Monsieur Baya s’en est pris à un autre député en des termes particulièrement sordides. Reprochant par ailleurs à l’élu de supposées origines étrangères, marocaines en l’occurrence, le président de l’Assemblée nationale s’est laissé aller à une xénophobie qui ne nous surprend pas à ceci près que ce sont plutôt les ressortissants des pays de l’Afrique subsaharienne qui en étaient habituellement les cibles. Il va de soi que pour nous ni le racisme ni la xénophobie ni la misogynie ne sont acceptables quelles qu’en soient les victimes. Les «dérapages» de Monsieur Baya, loin d’être un cas isolé, sont plutôt l’attestation caricaturale d’un système politique basé sur la discrimination, l’exclusion et le refus de l’altérité. La haine obsessionnelle du français, encore plus en vogue ces derniers temps, en est le reflet. Haine hypocrite et à géométrie variable servie au peuple comme gage d’un nationalisme frelaté alors même que ceux qui l’affichent ne rechignent ni à se soigner en France quand ils sont malades, ni à envoyer leur progéniture dans les écoles et les universités françaises ni à se former dans les académies militaires françaises.
Les FLAM ne sont pas dupes de cette manœuvre cousue de fil blanc qui n'a pour but que de renforcer la langue arabe. Une promotion des langues nationales doit commencer par la réhabilitation de l'Institut qui en porte le nom et l'introduction de l'enseignement de ces langues dans le système éducatif.
Les FLAM revendiquent certes la promotion de notre patrimoine culturel commun dans le respect de sa diversité étant entendu que cette promotion ne peut et ne doit être synonyme ni de fermeture ni d’intolérance à d’autres langues, à d’autres cultures par-delà toutes les diversités, source d’enrichissement. Nous refusons le repli et l’obsession identitaires. L’expérience nous a enseignés à quelles tragédies ils conduisent. En Mauritanie, ils ont fait le lit du racisme d’Etat érigé depuis des décennies en système de gouvernement.
Nous exigeons que Monsieur Baya soit sanctionné à la mesure de son forfait. A nos yeux, il est plus que jamais disqualifié et a perdu définitivement toutes qualités pour diriger l’Assemblée nationale. A supposer qu’il les ait jamais possédées.
Le 2 février 2020
Madame Habsa BANOR SALL
Porte-parole des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (Flam)