Quand le Président entreprenait, il y a trente-six ans de cela, l’une de ses nombreuses visitations, toute la République suivait. Avec tous ses fonctionnaires : les plus hauts, les plus bas, les plus moyens et les entre-deux ; toute la république, avec tous ses badauds, ses troubadours, ses n’importe quoi et ses n’importe qui, comme disait l’autre, vont tous là où va le Président. Aujourd’hui encore, c’est toujours la même chose, on va toujours et encore là où va le Président ; en faisant toujours la même chose, exactement comme on faisait, il y a même encore plus de trente-six ans. En disant toujours la même chose. Les mêmes longues et fastidieuses réunions des quasiment les mêmes cadres se réunissant en quelque hôtel ou chez un quelqu’un de ces mêmes quasiment cadres qui refusent de partir à la retraite, après avoir pourtant culbuté généralement plusieurs fois le ‘’séroual’’ de leur papa. Les sempiternelles concertations des ressortissants de la région où doit se rendre le Président, pour lui garantir un accueil chaleureux et lui confirmer un soutien inconditionnel à son programme et à ses grandioses réalisations avant lesquelles le pays n’avait été dirigé que par des moins-que-rien pour qui pourtant ces mêmes ressortissants avaient organisé ces mêmes réunions, leur tenant ces mêmes commérages, maintes fois mâchés et remâchés par les veaux. Les mêmes rencontres tribales, régionales, départementales, pour qu’à la fin on sache quel cadre, quel groupe, tribu ou communauté a contribué à la réussite de la visite, comme disaient nos regrettables peshmergas dont les plus talentueux et entreprenants se sont recyclés en des secteurs plus porteurs et prometteurs. Les visitations d’hier sont comme les visitations d’aujourd’hui. Exactement comme les responsables d’hier sont les responsables d’aujourd’hui. Nous connaissons « Be’e’ta » qui était debout et qui s’est rassis. Notre version locale et adaptée de « bonnet blanc et blanc bonnet ». Il ne faut pas chauffer et resservir. Moi, ce que je ne comprends pas du tout est que depuis maintenant sept mois, voire huit, quasiment tous les noms que j’entends promus à quelque chose ne sont pas aussi nouveaux que ça ! Il y en a même qui ne sont même pas aussi blancs qu’on veille nous le faire croire. Par exemple, je m’explique… Excusez de cette mauvaise formulation, je suis tellement déçu et fâché ; déçu, parce que je dois enfin venir moi, fâché parce que je dois enfin venir ; ou bien je ne suis pas dans la cagnotte aux hommes et femmes providentiels que tous les présidents belotent et rebelotent depuis quarante ans. Bref, suivez le très simple raisonnement suivant. Les hautes fonctions et juteux strapontins sur lesquels certains et certains tournent et retournent, comme le ministère des Finances ou de l’Économie, la Banque centrale, les ports nationaux, les grosses directions, les pulpeuses institutions, les succulentes administrations sont soit profitables, soit dommageables. Dans le premier cas, moi et mes semblables vont variablement goûter, selon que nous soyons puissants ou misérables, à ces délices interdits. Dans le second, nous nous portons candidats, moi et mes semblables, à décharger nos prochains d’un si lourd fardeau qu’ils portent depuis un si long moment et de partager ainsi avec eux les dommages injustement subis. Qu’est-ce qui a changé ici ? Les nominations de quasiment les mêmes gens. Les députés qui votent le budget. Le Président va lancer des travaux sur quelques hectares. Le Premier ministre nomme un ou plusieurs attachés à son cabinet. Des ministres viennent et partent. La crise permanente ajoute une ou deux cordes à son arc, avec une augmentation inédite du prix des denrées de base et une rupture des stocks en carburant parce qu’un bateau n’a pas convenablement accosté. Des oulémas pris à partie par on ne sait quels « mécréants » ; un soit disant mariage de gays qui a défrayé la chronique. Donnez autant de chèques sans provision à des bandes malhonnêtes ! Dépénalisation totale ! À bas la contrainte par corps ! Salut.
Sneiba El Kory