Ras-le-bol

21 January, 2020 - 23:08

Joao Lorenço, le nouveau président angolais, veut-il vraiment – le cas échéant, pourra-t-il – récupérer les quelque soixante milliards de dollars qu’auraient détournés soixante-douze dignitaires du régime précédent dirigé de main de fer – et crochue… – par José Eduardo Dos Santos ? Il en a, en tout cas, affiché la volonté, en faisant notamment publier la liste de ces pirates et geler les avoirs de la plupart d’entre eux. L’ex-Président et plusieurs membres de sa famille font partie du lot, avec près de 40% du montant réclamé (près du tiers, excusez du peu, pour les seuls José Éduardo : quelque huit milliards ; et sa fille Isabel : douze milliards). Le début de la fin de l’immunité présidentielle en Afrique (et ailleurs, y compris en les temples autoproclamés de la probité citoyenne des « élites »…) ? Le fait est que, partout, les peuples en ont largement ras-le-bol d’être les éternels dindons de la farce et demandent des comptes à la moindre occasion. L’alternance politique en est la plus évidente. Qu’en est-il de « la changité dans le stabilement » (version tournée en dérision par feu Habib du slogan de la campagne présidentielle de Maaouya Ould Taya en 1992, ‘’le changement dans la stabilité’’)  si longtemps chère au cœur mauritanien ?

Pour ce qui est de la changité, Ghazwani a commencé par couper la double queue du scorpion. Militaire, en limogeant le patron du BASEP, un peu trop aux bottes de l’ex-Président. Civile, en prenant, via l’UPR, résolument en main sa majorité présidentielle. Il ne resterait donc plus, au tonitruant Ould Abdel Aziz, que « sa » fortune dont il a eu l’outrecuidance de proclamer la réalité, attisant la « malsaine curiosité » des Mauritaniens d’en connaître la source. Milliardaire aujourd’hui, l’ex-Président ? À quelle enseigne, exactement ? Jamais probablement la demande populaire de comptes n’aura été aussi forte au pays du million d’épiciers dont beaucoup trop aujourd’hui tire le diable par la queue. Tant va la cruche à l’eau, Ould Abdel Aziz, qu’à la fin elle se brise…

Ghazwani accepterait-il de s’en voir trempé ? Aussi soucieux soit-il de ne jamais froisser quiconque, il a toujours eu jusqu’ici grand soin d’éviter, le plus discrètement possible, de se faire mouiller par les débordements des présidents qui l’ont hissé, l’un après l’autre, au sommet du pouvoir. Il y est, désormais, incontestable  sous les projecteurs, et sa traditionnelle discrétion ne peut plus être de mise. Ce n’est donc plus à titre personnel qu’il lui faut affirmer son goût de la propreté, le peuple le lui demande et cette attente lui vaut un surcroît de grâce. Pour assurer son stabilement, il lui faudra certainement se faire souffrance d’une inclination à détourner les yeux des détournements d’autrui. De son prédécesseur et ex-ami, surtout...

Ahmed Ould Cheikh