Si tu vois que les gens sont aveugles, dit l’adage populaire, « épingle » ton œil. Un autre nous dit encore que la mort parmi les dix est un plaisir. Alors, moi, je vais épingler mon œil et mourir parmi les dix, en réclamant le bilan des cent jours du président Mohamed ould Cheikh Ghazwani, sans même savoir pourquoi cent et pas deux cents, quatre cents ou mille, voire carrément attendre la fin du mandat, pour savoir où sommes-nous allés, si jamais l’on soit parti. Bref, c’est juste pour faire comme les autres : les Français, les Américains, les Anglais, les Sénégalais, les Burundais. Oui, oui, faire comme les autres…mais pas exactement. Il paraît que le Président a demandé à ses ministres de lui dresser le bilan. Un peu comme dans une partie de belote, quand un joueur te demande : c’est quoi le bilan ? Vous savez, entre le jeu et le sérieux ; il n’y a pas grande frontière. Ou l’on est dans l’un ou l’on est dans l’autre. C’est comme ça. Cent jours après départ de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz et l’arrivée de Mohamed Ould Cheikh Ghazwani. L’un est parti. L’autre est venu. Il y a eu quelques conseils de ministres. Une centaine de nominations. Le nouveau boss a voyagé deux fois à l’étranger. Deux à trois pluies à Nouakchott, les Mourabitounes locaux disqualifiés de la CHAN, des dizaines d’accidents mortels sur les routes nationales. L’année scolaire a commencé il y a un peu moins d’un mois. Un défilé de quelques personnalités de l’opposition et de la société civile à la Présidence. Certains venant après les autres. Il y a eu le changement du siège de l’UPR d’une maison à une autre. Le G5 Sahel a chèrement payé le sien à cinq cents millions d’anciennes ouguiyas dont cent millions sont encore wanted, quelque part en balade dans quelques poches occultes. Il y a eu le remplacement du vice-président de l’Assemblée Nationale, le limogeage de l’administrateur directeur général de la SNIM, beaucoup de vols et de viols. Les ministres continuent à « ministrer », Le Président à « présider ». Les états-majors toujours à leur place, tout comme le BASEP et la Banque centrale. Il y a eu des mouvements dans la police et dans le Groupement général de la sécurité routière. Les résultats de certains concours nationaux ont été publiés, d’autres pas encore. Il y a eu la sortie d’une promotion de la Garde nationale, de fortes inondations au Guidimakha, les manifestations des bacheliers de plus de vingt-cinq ans se poursuivent. Certains ministres ont voyagé. D’autres pas encore. Un petit groupe du ministère des Finances et de la Banque mondiale sont allés « cravacher » soixante millions à Washington. Cent jours après le départ de l’un et l’arrivée de l’autre, les vendeurs ambulants des marchés de Nouakchott sont toujours là. Les voituriers stationnent toujours abusivement. Les faux-médicaments toujours dans les rayons des officines. Les aliments et boissons périmés toujours achalandés dans les épiceries. Les délestages intempestifs n’ont pas encore diminué. Les amoncellements d’immondices croissent dans tous les quartiers de Nouakchott. C’est à ne pas oublier que certains ministères ont changé leur écriteau et la direction de quelques-unes des portes de leurs bureaux. Les ânes, les chèvres et les badauds se promènent toujours « fièrement » en plein centre-ville. La commission lunaire a changé de tutelle : adieu le ministère de l’Intérieur et de la décentralisation et bonjour celui des Affaires islamiques ! Dans le bilan des cent jours, il y aura la célébration du Mawloud à Chinguetti et celle de l’Indépendance à Akjoujt. Respectivement pour un budget de quelques centaines de millions et de deux milliards. C’est quand même quelque chose. Petite anecdote : à quelques encablures de l’école fondamentale où le président a donné le coup d’envoi de l’année scolaire en cours, des centaines de petits enfants ânonnent sous les toits croulants et vétustes de quelques baraquements d’infortune. Mais c’est vrai : cent jours, ce n’est pas beaucoup. Salut.
Sneiba El Kory