Malek, aujourd’hui, la soixantaine révolue, avait quitté son village natal de l’est du Brakna en 1973.
Il trouve beaucoup de plaisir à raconter sa propre aventure qui l’avait conduit à fuir son village pour partir à la découverte des villes jusqu’à franchir la frontière pour aller dans des contrées lointaines.
« J’ai quitté mes parents l’année de changement de la « Oumla » (ouguiya, monnaie nationale ayant remplacé le franc CFA) » en 1973, raconte le sexagénaire analphabète. C’était, dit-t-il, pour échapper à la pesanteur de l’autorité parentale et grandir mes 14 ans à l’écart de l’influence de toute autre personne.
Les parents de Malek avaient beaucoup d’autorité sur leur enfant unique qu’ils encourageaient à apprendre tous les métiers (garde de troupeaux ou travaux champêtres) pour devenir un homme bien éduqué capable de s’occuper de ses deux géniteurs..
Ce premier voyage (fugue) n’était pas de tout repos pour moi, poursuit-il. Je m’étais emparé d’une chèvre appartenant à ma famille que j’ai conduite au plus proche village pour la proposer au marchand de bétail le mieux disant. Cela s’était fait le plus vite possible. Le pécule reçu me permit de payer une place dans la caisse d’un camion à destination de Nouakchott que j’ai rencontré sur la route qui commençait à être bitumé par la Mendes (Societé brésilienne ayant construit la « Route de l’Espoir » reliant la capitale aux régions de l’est du pays).
C’était la première fois que je monte à bord d’un véhicule. J’ai eu beaucoup de vertiges et de vomissements, en plus de maux de tête. En guise de soulagement, un compagnon de voyage, plus âgé, me fit comprendre qu’il s’agit du « mal de voiture » appelé communément « Meyd ou Meyl ».
Les vrombissements continus du moteur du camion « Berliet » et les fumées amères dégagées par le moteur me tordaient l’estomac. Elles étaient plus étouffantes que la fumée du foyer allumé tous les jours par ma mère pour préparer les repas utilisant le bois sec qu’elle ramassait à la lisière du village.
J’étais étourdi, je ne savais quoi faire, ni où aller. Je savais, tout de même, que le camion va m’emmener à Nouakchott, sans jamais pouvoir imaginer les premiers pas que je devrais suivre une fois arrivé à destination. J’ai donné tout mon argent pour partir le plus vite et le plus loin du village.
Nous arrivâmes à Nouakchott en pleine nuit. Tous les passagers avaient débarqué, mais j’étais resté dans la caisse du camion. Le jeune apprenti chauffeur qui découvre ma présence m’enjoint de débarquer. Je l’ai supplié de me laisser dormir jusqu’au matin. Il accepta sans manquer de souligner que si le maître camionneur l’apprend, il risque d’être sévèrement pincé... Je n’avais aucune adresse qui pourrait me servir de refuge ou de pied- à- terre en attendant de trouver un boulot.
(A suivre…)
Ely Ould Maghlah