Le mouvement de protestation contre une mesure très impopulaire du ministre de l’Enseignement supérieur : refuser l’inscription dans les universités nationales de tout bachelier de plus de vingt-cinq ans prend jour après jour de l’ampleur. Un véritable bras de fer entre un ministre, qui semble avoir carte blanche depuis son arrivée au département, et les six cents étudiants prêts à en découdre pour faire valoir un droit universellement reconnu à entreprendre des études supérieures. Il y a quelques jours, une de leurs nombreuses manifestations a été violemment dispersée par les forces de l’ordre dont le zèle et le (très) peu de respect des fondamentaux des droits humains ont malheureusement entraîné quelques blessés graves. La protestation est désormais soutenue par un fort élan de solidarité nationale, notamment des députés et des hommes politiques de tous bords. Le président de la République et son Premier ministre assistent « de loin » à l’empoignade sans merci. Mais, même s’il est admis que la proposition très controversée vient du ministre, son adoption et son application relèvent strictement de l’appréciation et de la discrétion du gouvernement dont le véritable patron n’a jamais été autre, en Mauritanie, que le Président. Les fortes récriminations adressées par le peuple (étudiants, parents, etc.) ne sont, en fait, qu’une façon de poursuivre le jet et laisser le jeteur. Selon des rumeurs très persistantes, les autorités seraient en voie de craquer sous la forte pression exercée par la contestation estudiantine. Ministre encombrant ? Son limogeage ne serait plus qu’une affaire de quelques jours. Avant l’annulation de la mesure. Le problème sera-t-il ainsi réglé ? Théoriquement, oui. Mais, dans la pratique, des carences structurelles existent et demeurent, notamment en termes de capacité d’accueil des étudiants dans les différentes facultés. Les prestations du Centre des œuvres universitaires (restauration, transport, hébergement) ne couvrent pas les besoins des quelques milliers d’étudiants actuellement inscrits. Certes, la revendication des bacheliers à poursuivre leurs études est tout-à-fait légitime. L’Etat a la responsabilité régalienne de leur garantir ce droit fondamental. L’élan de solidarité que leur mouvement a suscité est normal. Particulièrement de la part de certains députés de la majorité habituellement guère prompts à soutenir les bonnes causes. Faut-il y lire quelque chose de politique ? On n’est pas accoutumé, chez nous, à manifester contre un ministre du gouvernement, quels qu’en soient les violations des droits et les excès. Début de quelque positive évolution à dénoncer les irrégularités ? Le cas échéant, l’affaire des étudiants de plus de vingt-cinq ans n’est que tache dans la peau d’un bœuf. A peine pointe émergée d’un immense iceberg d’affaires qui mériteraient manifestations permanentes : devant le ministère de la Santé, pour les faux médicaments ravageant quotidiennement les populations ; devant celui du Commerce, pour les aliments périmés en vente libre ; de l’Intérieur et de la décentralisation, pour ce qui est de l’insécurité et de la répression abusive. Les problématiques structurelles de l’éducation, de chômage, de l’injustice sociale, de l’accès aux besoins de base, des accidents mortels de la route, du pillage des ressources nationales par des multinationales doivent susciter un mouvement général de tous les Mauritaniens. Faisons en sorte que la protestation ne soit plus ni circonstancielle ni orientée.
Sneiba El Kory