Le peuple burkinabé a parlé. Il s’est levé, comme un seul homme, pour dire non à une dictature imbécile. Il a donné l’exemple à toute une Afrique asservie par des tyrans accrochés à leur trône. En une journée d’émeutes et de bravoure, il a balayé un pouvoir, vieux de 27 ans, qui refusait de voir plus loin que le bout de son nez. Un régime qui voulait toujours plus. Un président assassin qui s’entêtait à vouloir changer la Constitution, pour briguer un troisième mandat et, pourquoi pas, un quatrième ou un cinquième. Et qui n’a pas compris, ou trop tard, que le monde a changé. Que la caution de l’ancienne puissance coloniale ne suffit plus pour se maintenir au pouvoir. Que la jeunesse africaine aspire, désormais, au changement. Que le printemps arabe a fait des émules au sud du Sahara.
Une journée, une seule, et voilà un pouvoir de plus d’un quart de siècle qui s’effondre, comme un château de cartes. Celui qui voulait apparaître, aux yeux du Monde, comme un « sage », un médiateur de tous les conflits, un militaire devenu démocrate, n’était, en fait, qu’un pompier pyromane, attisant la haine en Côte d’Ivoire, en Sierra Leone, au Liberia et au Mali. Qu’un leurre, un fétu de paille que la première bourrasque a emporté.
Et les vautours, qui rôdaient dans les parages, n’ont pas tardé à entamer leur parade macabre. Les militaires, jusque-là tapis dans l’ombre, transis de peur, se proclament, chacun, calife à la place du calife. Le vaillant peuple du Faso devrait être plus vigilant, pour qu’on ne lui vole pas une victoire arrachée de haute lutte et au prix du sang. Un militaire qui s’arroge le titre de président de transition n’est jamais un bon signe. Demandez, aux Mauritaniens, ce qu’il est advenu de leur première transition. Les militaires ont, en effet, une déplaisante propension à prendre rapidement goût au pouvoir et à chercher, par tous les moyens, comment s’y incruster.
Les nouveaux-venus burkinabés y parviendront-ils ? Ou « l’automne sahélien » est-il l’annonce, enfin, de leur hiver ? Un peu de fraîcheur, après tant de canicules militaires, ne serait vraiment pas de trop. Peuple burkinabé, boutez-nous, une bonne fois pour toutes, cette galonnade à ses casernes !
Ahmed Ould Cheikh