Un enregistrement vidéo datant de quelques années circule, depuis quelques jours, sur les réseaux sociaux. L’ancien président Ould Abdel Aziz y évoque la gabegie qui mine l’économie du pays. Devant une foule enthousiaste qui croyait encore à ce qui ne se révèlera, finalement, qu’un cynique slogan creux, celui qui s’affirmera, à l’épreuve des faits, comme le plus grand prédateur de la République fait mine de s’emporter : « Deux, trois ou quatre personnes font main basse sur le budget de l’Etat et l’on ne réagit pas. Il n’est pas normal qu’à chaque changement de régime, on fasse table rase du passé et laisse les criminels impunis. » Le décor est planté : Le budget de l’Etat, les prêts, les dons, tout a été avalé. Le régime a changé et ses crimes restent, à ce jour, impunis. Risque-t-on de lui appliquer la sentence qu’il a lui-même édictée ? La demande populaire en ce sens est très forte, serait-ce trop demander à son successeur et ami ? Il y a, en tout cas, urgence à nettoyer les écuries d’Augias que ce pouvoir maléfique nous a laissées. En commençant par entreprendre un véritable audit des finances publiques, des sociétés injustement liquidées, des marchés de complaisance en tous les domaines, de la dette astronomique qu’il nous a fourguée, des attributions foncières et, pourquoi pas, du parc automobile. En dix ans, le pays a généré autant d’argent qu’en cinquante années d’indépendance et ne s’en est pourtant pas porté mieux. Un système éducatif des pires de la planète ; son homologue sanitaire à l’agonie ; un réseau routier toujours pas aux normes, malgré les milliards engloutis ; une dette atteignant les 100% de son PIB : aucun secteur n’arrive à tirer son épingle du jeu.
Pensait-il, Ould Abdel Aziz, qu’il passerait, un jour, du statut d’accusateur à celui d’accusé ? Qu’il tomberait en plein dans le mille de ce qu’il reprochait à ses devanciers ? La gestion des deniers publics n’a jamais connu une période aussi sombre que sous son magistère. Il va bien falloir, un jour ou l’autre, en rendre compte. On ne peut pas diriger un pays pendant onze ans, le piller systématiquement, avec le concours d’un clan vorace et se retirer, sur la pointe des pieds mais dans un bruit de tonnerre : celui d’une ribambelle de casseroles traînées.
En Afrique du Sud, l’ancien président Jacob Zuma, un des leaders de la lutte anti-apartheid, vient d’être rattrapé par la justice de son pays qui lui reproche d’avoir touché des pots-de-vin du groupe français Thales contre un marché d’armement. Il sera jugé pour corruption. Que dire alors du nôtre qui attribua la centrale électrique duale à la société finlandaise Wartsila, pourtant trente millions d’euros plus chère que les autres entreprises techniquement qualifiées ? L’aéroport et le port de Nouakchott, sans le moindre d’appel offres et dans une opacité totale, respectivement aux sociétés émiratie Afroport et singapourienne Olam ? Un blanc-seing pour piller nos côtes, pendant cinquante ans, à la société chinoise Polyhone Dong ? Dans n’importe quel pays aussi militarisé que le nôtre, un seul de ces crimes aurait valu, à son auteur, cour martiale et peloton d’exécution. Mais en Mauritanie kakie, l’impunité a encore de beaux jours devant elle. Sauf, si la pression de la société civile (qui commence à bouger timidement) et de la rue, décide le pouvoir à franchir le Rubicon. Il y va de notre salut, pour que plus jamais le pouvoir ne soit le chemin le plus court vers l’enrichissement illicite. Game over, une bonne fois pour toutes !
Ahmed Ould Cheikh