Calam(ités)

18 September, 2019 - 01:03

Depuis quelques jours, toutes sortes de supputations circulent autour du recrutement d’une quarantaine d’officiers qu’une certaine alchimie a sortis d’une seule communauté nationale. Cet enrôlement militaire a suffi pour réveiller les vieux démons, toujours aux aguets, de la division et l’animosité. Les réseaux sociaux se sont enflammés de publications incendiaires, dénonçant un racisme d’Etat que certains mauritaniens de la communauté négro-africaine ont profondément intégré, le faisant remonter aux regrettables événements d’il ya plus de trente ans. Evénements que des lobbies et groupes idéologiques d’obédience nationaliste arabe (Baathistes et Nasséristes) sont accusés, à tort ou à raison, d’avoir savamment orchestrés, en instrumentalisant l’appareil étatique insidieusement infiltré, pour procéder à un vaste programme de « dénigrification » de la Mauritanie. En réponse à ces accusations, de prétendus arabes auto-mandatés ont produit, à tort et à travers, articles et posts, tentant de justifier, très maladroitement, l’engagement, par voie de concours, de ladite quarantaine d’officiers. Il va sans dire que les arguments avancés, par les uns et les autres, clochent, à cause de l’excitation, la passion et les préjugés. Mais les faits sont là et il reste incontestable que la Mauritanie souffre, depuis très longtemps, de problèmes structurels qui menacent gravement la cohabitation intercommunautaire. Ils portent les germes et ingrédients d’une inéluctable implosion sociale, si rien n’est fait, en urgence, pour calmer (au sens colonial du terme) les promoteurs invétérés des extrémismes de tous bords. Cela n’est évidemment pas un appel à faire taire ceux qui militent, légitimement et pacifiquement, pour la résolution des précarités nées de l’accumulation des injustices et des inégalités dont ont souffert ou continuent à souffrir de très importantes communautés nationales. Il ne sert à rien de se voiler la face. La politique de l’autruche n’a jamais servi à rien. Il est grand temps que tous les Mauritaniens, du sommet à la base, comprennent que la refondation de l’Etat, sur des bases plus égalitaires, s’impose, pour éviter au pays des lendemains incertains. Il est éthiquement inacceptable que la composition du personnel des administrations publiques reflète des déséquilibres tellement flagrants qu’ils servent plausiblement d’arguments aux tenants des thèses de la marginalisation organisée des cadres de certaines communautés. Parfois, ces déréglages on ne peut plus clairs fondent les argumentaires de rapports internationaux dont la teneur ne grandit pas l’image du pays. A cet égard, celui produit, en 2016, par Philip Alston, rapporteur spécial des Nations Unies sur l’esclavage et ses formes contemporaines, est on ne peut plus éloquent. Pour commencer, la Commission nationale des examens doit revoir les mécanismes de recrutement aux concours nationaux d’accès à la fonction publique. Puis l’Etat doit faire prévaloir des critères objectifs, pour nommer aux hautes fonctions, en gardant à l’esprit représentativité et mérite. Ceux qui s’époumonent contre la politique des quotas ne sont, en général, que les parrains d’un « droit » instrumentalisé pour justifier une fausseté. Mais revenons à ce recrutement de la quarantaine d’officiers. Comment exiger une moyenne minimale de 12/20 au baccalauréat pour participer au concours préalable ? Volonté, manifeste et délibérée, d’éliminer une certaine catégorie de Mauritaniens issus d’établissements scolaires publics aux prestations catastrophiques (Cf. résultats du Bac 2019) ? Ou lacune, fondamentalement condamnable en une société pluriethnique comme la nôtre, dans le processus des modalités et des mécanismes garantissant la diversité au sein d’une institution aussi importante que l’armée ? Dans un pays normal, les intellectuels jouent un rôle très important de sensibilisation, d’apaisement et de rapprochement des cœurs et des esprits. En Mauritanie, « sauf ce que ton Allah bénit », ils sont une véritable catastrophe. Et de véritables pyromanes, en cette scabreuse affaire de recrutement d’officiers. Certains incitant à la révolte, d’autres justifiant les injustices et les inégalités. Préjugés insensés et injustifiés. Complexes ataviques et grégaires. Dérapages et incertitudes ne servent personne. Réfléchissons-y bien… pendant qu’il est encore temps.

Sneiba El Kory