Dans l’article précédent, j’avais abordé la question relative aux résultats du bac publiés par le MEN et analysé les taux de réussite ayant frôlé des seuils, historiquement bas, dénotant d’une mauvaise qualité de notre enseignement consécutive à la détérioration générale du système éducatif mauritanien. Pour faire le récap, j’avais commencé par faire état des chiffres publiés par le MEN, les questionnements soulevés par cette contre-performance pour en arriver à la réhabilitation de l’Ecole républicaine comme seule et unique voie permettant de hisser notre système éducatif au niveau qui sied à l’image du pays.
Voici la suite de l’article
Cette école républicaine semble être le passage obligé pouvant nous éviter bien des dérapages notamment ceux en rapport à la question linguistique qui a déchainé tant de passions et fait perdre à notre système éducatif quatre décennies d’enseignement de qualité. Autant ces quatre décennies étaient éprouvantes pour la performance du système éducatif mauritanien, autant elles ont contribué à l’effritement de l’unité nationale et la cohésion des différentes couches sociales du pays. Bien que l’école républicaine ait fait l’objet d’un débat intense au plan national, et bien que ce débat ait permis l’émergence de nouvelles conceptions relatives à son expérimentation et à sa mise en place, force est de constater que les démarches concrètes sur la voie de son implantation effective n’ont pas été amorcées ni les conclusions du débat suivies d’effet.
Cette école républicaine aura le mérite de nous permette de résoudre et de dépasser la question linguistique. Puisque c’est justement cette question qui a motivé les deux décisions de réformes du système éducatif opérées il y a 20 et 40 ans. Il s’est agi d’une « marche à reculons » qui a coûté à l’Etat et à la collectivité nationale bien des efforts et peines perdues par la mise en œuvre des expériences « hasardeuses » qui se sont avérées infructueuses. Il faut reconnaître que l’époque des clivages ethnico-linguistiques est révolue à jamais et que l’idéologie n’a sa place dans le système éducatif, lequel doit rester à l’abri des divergences et des tiraillements politico-idéologiques des différents protagonistes. Quand une société se projette dans l’avenir, elle doit d’abord préserver, et soigner, autant que faire se peut, son système d’éducation et de formation de manière à préparer les générations actuelles aux défis de demain. Les buts ultimes de l’Education constituent les fondements de toute politique éducative. Elles expriment ce que l’on attend de l’Ecole, des attentes qui sont étroitement liées à l'idée que l’on se fait du bagage que toute personne doit posséder pour s'épanouir, mais aussi à l'orientation qu’on veut donner à la société.
C’est par cette école républicaine, délivrant un service gratuit et de qualité, que l’on pourra sauvegarder nos références culturelles et nos valeurs spirituelles et morales tout en préparant les générations à être les maîtres de leurs destins et à pouvoir s’adapter aux mutations profondes du monde de demain.
Une éducation à deux vitesses
Bien que le secteur privé soit d’un apport non négligeable dans le développement et l’amélioration de l’accès à l’Education, le foisonnement des écoles privées, ces dernières années, semble échapper à tout contrôle. Si cette prolifération des écoles privées est jugée défavorable au bon fonctionnement des prestations des services de l’école publique, il n’en reste pas moins nécessaire de réfléchir à son organisation en veillent notamment à la mise en place d’un cadre adéquat pour renforcer son contrôle dans le sens d’un strict respect des normes régissant le service éducatif. Il convient, à cet égard, de renforcer la régulation de cet enseignement par la mise en place d’un cadre de contrôle approprié. Ce foisonnement des écoles privées et l’attrait qu’elles exercent sur les citoyens nantis et moins nantis ne sont pas sans conséquence sur le bon fonctionnement des prestations de l’Ecole publique, ce qui fait que l’on constate, à regret, que cette dernière est désaffectée et est devenue des lieux d’Education, par défaut, des enfants des catégories sociales défavorisées. Une simple analyse des statistiques fait ressortir l’influence grandissante du secteur privé qui représente une proportion de 70,7% au préscolaire, 18,8% au fondamental, 29,4% au premier cycle secondaire, 52,3% au second cycle, 30,5% à la FTP et 9,8% au supérieur. Il va de soi que la qualité de service fourni par les écoles privées est sans commune mesure avec celle délivré par l’école publique, ce qui favorise davantage le délabrement de celle-ci, et implique que des mesures soient prises, dans les meilleurs délais, pour limiter les dégâts que ne cesse d’amplifier ce secteur privé au fil du temps.
L’épineux problème de la gestion des ressources humaines du système éducatif
La gestion inconséquente des ressources humaine du secteur éducatif s’est traduite, entre autres, par l’absence de critère de performances dans le choix, l’affectation et l’utilisation du personnel, le manque de motivation et de fidélisation du personnel de l’Education et l’absence de toute perspective de revalorisation de la fonction enseignante. A cela s’ajoute une anarchie dans la promotion et le reclassement du personnel, les nominations aux postes suivant tous les critères sauf ceux d’intégrité et de compétence, l’absence du principe de récompense et de sanction. C’est un milieu où prévalent toutes sortes d’anomalies qui s’expliquent évidement par un laisser-aller généralisé auquel se sont habitués les responsables éducatifs. Cette gestion anarchique provoque une frustration chez le personnel et la déception qui en résulte décourage beaucoup d’entre eux, et les conduit, à abandonner purement et simplement leurs postes.
Les gaspillages provoqués par la faillite du système éducatif
Pour apprécier, à sa juste valeur, l’étendue de la « casse » provoquée par la faillite du système, il convient de préciser que les flux d’étudiants ayant été contraints à quitter le système sans diplôme et sans qualification, se sont accrus au fil du temps provoquant ainsi un goulot d’étranglement au seuil des deux diplômes du cycle secondaire (BEPC et Bac). Ces effectifs en échec scolaire prématuré s’agrandissent dans la mesure où leur nombre augmente d’une année sur l’autre du simple fait de l’évolution des taux brut de scolarisation et de l’augmentation exponentielle des taux d’échec aux examens et concours. C’est une perte d’autant plus grande qu’elle s’accompagne d’une insuffisance de récupération par le bais d’une reconversion ou d’un recyclage de ces effectifs, lesquels finissent par regagner la rue en l’absence de toute perspective d’insertion dans la vie active. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le gaspillage financier ne s’est pas résorbé et s’est même exacerbé en raison de l’augmentation des flux annuels d’étudiants qui s’entassent et restent bloqués au seuil des examens de BEPC et du Bac. Aux taux actuels de l’échec aux examens du cycle secondaire estimé à 60%, auxquels il faut ajouter l’augmentation des flux annuels des candidats, il y a lieu de s’inquiéter sérieusement du sort réservé à ces cohortes de jeunes mauritaniens « fichues » et sans espoir de débouché ou d’insertion dans leur propre pays du fait de la faillite du système éducatif. Un système éducatif qui peine à assurer, ne serait-ce qu’une alphabétisation des flux d’étudiants, qui le rejoignent.
Quelques-unes des propositions d’amélioration
Sur le plan des ressources humaines du secteur éducatif
Sans être prétentieux, je voudrais souligner que les ressources humaines représentent un pilier essentiel du système éducatif sans lesquelles toute tentative de redressement serait vouée à l’échec. L’élément humain, auquel il faut accorder une attention toute particulière, doit se tailler la part du lion dans tout processus de rénovation et de redressement du système éducatif. L’intérêt que doit revêtir la réforme de la gestion des ressources humaines du secteur éducatif doit être fonction de l’ambition que la collectivité nationale se fixe au plan du renforcement des capacités professionnelles et techniques du personnel de l’Education ainsi que celui de l’amélioration de l’efficacité interne et externe du système. Encore faudrait-il que ce personnel soit perfectible et/ou récupérable pour que les mesures prises donnent leur plaine mesure.
A cet effet, il y a lieu de réfléchir à la mise en œuvre des mesures suivantes :
- Le changement d’approche par rapport à la gestion des ressources humaines et matérielles du système éducatif tenant compte de critère de l’équité dans la répartition des personnels sur la base de leurs profils (réduction des aléas dans l’affectation des enseignants aux établissements) pour une transformation plus efficace des intrants en résultats ;
-La mise en place dans les différents ordres d’enseignement, des ratios élèves/ enseignant, divisions pédagogiques/personnel d’encadrement et d’appui et veiller à leur application.
- La conception et la réactualisation d’une base de données fonctionnelle et fiable permettant d’avoir à tout moment l’évolution des effectifs en charge de l’Education, leur répartition par profil et par lieu de déploiement ;
-Elaboration et mise en œuvre de plans intégrés de formation initiale et de formation continue au profit des personnels d’encadrement, de formation et d’appui administratif et technique et consacrer le principe de récompense et de sanction pour mettre en place les conditions d’une émulation saine favorisant l’effort et la culture de performance ;
Sur le plan de la démultiplication de l’expérience des lycées d’excellence
Au vu du caractère concluant de l’expérience des lycées d’excellence conduite ces dernières années, les taux d’acquisition et de passage des élèves étant satisfaisants, il y a lieu de considérer que le moment est venu de capitaliser sur cette expérience en faisant en sorte que son élargissement aux chefs-lieux des Moughataa, et pourquoi pas dans les chefs-lieux des communes, soit bien réel et possible. C’est vrai que cette généralisation entraînera des coûts relativement conséquents eu égard à limitation des ressources financières allouée au secteur mais la tentative en vaut la peine pour deux raisons très évidentes :
- L’élargissement de l’expérience des lycées d’excellence permettra d’avoir un nombre élevé d’élèves à profil technico-scientifique bien formés et suffisamment outillés de façon à atteindre une masse critique au sein du système éducatif capable de constituer le fer de lance de toute politique de rénovation, de développement et d’amélioration du système éducatif à l’avenir.
- L’autre raison tient au fait que les taux importants de réussite enregistrés au sein de ces structures d’excellence serviront de tampon en permettant de pondérer, autant que possible, les résultats catastrophiques enregistrés au sein d’autres structures éducatives normales.