Ould Ghazouani, discours et acte posé … Radioscopie

13 August, 2019 - 20:43

Lorsqu’on parcours les discours de  ould  Ghazouani  on ne saurait ne pas noter quelque chose  d’inédit, qui tranche  avec  ce qui se faisait ou se  disait habituellement, jusque- là : il se déclare ‘’président de tous les mauritaniens ‘’, ‘’ouvert à  tous les acteurs politiques’’, animé d’une volonté de réforme,  décidé  à  ‘’ s’attaquer à tous les déséquilibres et  à toutes les manifestations d’injustice ‘’,  enclin  à ‘’ installer le pays  sur le chemin de l’alternance démocratique ‘’, et  à  préserver, enfin,  ‘’ l’unité nationale’’ –même si ce terme reste  de nos jours galvaudé, particulierement  avec Abdel Aziz...

Avouons que ce sont  là des propos réconfortants, qui font plaisir à entendre, même si deux ou trois actes forts auraient  mieux parlé  que tous les mots ;  même si  les mesures d’apaisement  attendues  demeurent  insuffisantes  –nos  jeunes croupissent  toujours  arbitrairement en prison - ; même si  le passé de nos  régimes  militaires incite à  plus de  circonspection …

Un  chapelet de bonnes intentions, beaucoup de promesses  que  l’avenir  confirmera ou infirmera….

Cela dit, à l’ examen  de l’éventail  des  solutions préconisées  des problèmes- évoqués  à mi-voix -, on ne peut  ne pas penser  que ce Président, lui aussi, risque de faire fausse route, comme ses prédécesseurs qui se sont fourvoyés ; parce que  l’approche est  mauvaise tant pour les solutions, sectorielles, artificielles, préconisées que pour  l’attelage gouvernemental de technocrates, venu avant l’heure, malgré  le frémissement, positif, consenti  dans le  partage du pouvoir  en faveur  de  la composante  haratine. Approche mauvaise globalement, disons-nous, qui prend  l’effet pour  la cause et aborde  la question de  ‘’l’Unité nationale ‘’ à  l’envers voire  de travers …

En effet, on ne saurait résorber convenablement  un mal, quel qu’il fut, si l’on ne pose  pas correctement  le diagnostic. Reconnaitre  tout court  que  ‘’l’Unité nationale est  malmenée’’ sans  se demander  pourquoi  ni comment  cela est arrivé ne nous fait pas avancer ! Au lieu de partir de la clef de voûte  qui sous-tend tous les maux  -le Système- , on se dépêche de  produire  des  solutions sectorielles,  vagues, décousues … A titre d’exemple, le président se propose de  consolider  cette Unité  nationale –j’entends  telle qu’elle existe- ;  comment  consolider quelque chose de mal fait ? Il parle de ‘’ faire jouer au secteur privé un rôle important ‘’…Mais le faire sans réformer ce secteur-et même toute l’économie - aux mains d’une seule composante nationale  n’est -ce pas reconduire l’iniquité actuelle, creuser  davantage  l’Unité ?  ‘’Accorder , par ailleurs, l’indépendance au secteur de  Justice’’, à mi-chemin entre conservatisme et modernisme, que l’on sait monocolore et monolingue, n’est ce pas aller à  rebours  même de la  consolidation de notre unité ? Tout comme  ‘’ développer l’agriculture ‘’ dans les conditions de spoliation actuelle des terres  de la vallée du fleuve, sous le couvert d’une réforme foncière à deux vitesses, ne peut, en aucune  manière, à mon sens, ‘’ renforcer notre cohésion  sociale (ou nationale)’’, comme on le prétend , bien au contraire! Que signifie, du reste, dans ce discours ‘’ œuvrer  à la  promotion et la valorisation de la culture et des Arts ‘’, dans un environnement où, jusque–là , une seule culture  est  restée,  dominante, valorisée, assumée…

Dans la même veine  sont alignées  en vrac des solutions  vagues, artificielles,  pour les secteurs de l’Education, de l’emploi des jeunes, des Forces armées, de l’agriculture,  de l’économie  etc …

Non, il faudrait radicalement changer d’approche ; le Tout est plus important que les parties et de la solution du Tout découlera celle des parties. Partir donc de la cause première  : un Système-clé de voûte- qui, partout,  discrimine …Une  discrimination –cause fondamentale- partout installée, qu’il faut débusquer  dans sa nature et dans ses manifestations dans chaque secteur à ausculter. Mais également  et  surtout  ne  pas perdre de vue  que ce qui fait le lit d’une coexistence pacifique, fraternelle,  viable et  durable, c’est  l’Unité dans la diversité  à travers l’égalité des langues et cultures, l’Unité dans l’équité et l’égalité des chances devant les opportunités, l’Unité dans l’égale dignité,  c’est -à -dire dans la reconnaissance de chacun dans son  altérité…

‘’ Un pays, nous rappellait  Yehdih, est d’abord fondé sur une volonté des diverses parties de coexister, de vivre ensemble dans la paix. Sans  ce choix et cette volonté, c’est une partie perdue’’. Cette volonté de vivre ensemble devra justement,  nécessairement,  reposer  sur  ces  paramètres  là ... Veillons  à ce que ce fil - désormais ténu - qui nous retient ne soit pas rompu. Ce serait une erreur de croire que la répression, rien que la répression suffit  à  étouffer les aspirations légitimes des peuples.

D’autres défis, non moins importants, m’ont  semblé  avoir été occultés ou absents  dans  ce discours d’investiture  : la montée dangereuse de l’intégrisme réligieux, intolerant que le Président Aziz instrumentalisa sans scrupules,  la lutte affirmée contre la corruption -vecteur essentielle de la bonne gouvernance-, le problème d’ordre  pour ne pas dire cette pagaille générale qui règne dans tous les secteurs de la vie publique, puis secondairement –secondairement ?- les montagnes d’ordures  qui empestent  notre  capitale  et ces meutes de chiens  errants qui  ne  semblent  plus gêner personne… 

 

Samba Thiam

Président des FPC