Nous avons tous écouté attentivement le discours du nouveau président de la République. Ce discours prononcé dans une salle comble, devant de nombreux témoins (onze chefs d’Etat et des centaines d’invités de marque), renferme des mots clés qui poussent à l’optimisme. Dans un article que j’avais écris et publié sur ma page facebook avant le début de la campagne, j’avais dit que Ould Ghazouani et Ould Abdel Aziz sont peut être des amis de très longue date mais cela ne signifie pas forcément que les deux personnes sont «pile et face» de la même pièce. Je crois -et je souhaite que l’avenir me donne raison-, qu’Ould Abdel Aziz et les militaires qui ont proposé Ould El Ghazouani comme candidat à la magistrature suprême ont rendus un très grand service au pays. S’ils avaient porté leur choix sur cette personne dans leur intérêt, en tous cas le discours d’investiture du nouveau président et les mots clés tendaient à rassurer les citoyens que son arrivée au pouvoir est plutôt dans l’intérêt de tous les mauritaniens que ceux-ci soient compris dans les 52 % qui ont voté pour lui ou qu’ils soient compris dans les 48 % qui ont voté pour les autres candidats. Il a promis sans le dire vraiment –peut être de peur d’offenser son ami- que rien ne sera plus comme avant. Ould Abdel Aziz a quitté le pouvoir rendant un service inestimable au pays en acceptant finalement une transition pacifique et démocratique. Il aurait pu jouer aux prolongations comme Kabila dont le pays est ravagé par une guerre civile. Se maintenir au pouvoir sans discontinuer comme Danis Sassou Nguesso l’inamovible homme fort du Congo que, ni la limite d’âge, ni la limitation des mandats ni la force de l’opposition n’arrivent à faire quitter le pouvoir. Il aurait pu jouer au «politiquement » increvable Paul Biya dont le pays fait face à des foyers d’incendies allumés par des séparatistes dans le nord. Ould Abdel Aziz aurait pu jouer à l’entêté Oumar El Béchir, renversé après trente ans de dictature et qui fera face le 17 août à la justice de son pays. Ould Abdel Aziz aurait pu jouer au contesté El Sissi d’Egypte qui s’impose en faisant couler le sang de milliers d’innocents. Il pouvait aussi si il le voulait jouer au «génocidaire » Paul Kagamé qui n’envisage pas de céder sa place avant sa mort. Il aurait pu faire comme Alpha Condé de Guinée dont le régime finit en lambeaux mais qui malgré tout, règne encore sans partage écrasant son opposition dans la violence. Mohamed Ould Abdel Aziz n’a rien fait de tout cela. Il a choisi la voix de la sagesse, même si ce choix n’a été fait qu’après une très longue période d’hésitation marquée par des tentatives maladroites de briguer un troisième mandat. Donc, en acceptant l’alternance pacifique et démocratique Mohamed Ould Abdel Aziz a permis à la Mauritanie de gagner. Elle est sortie la tête haute et victorieuse d’une épreuve à haut risque. Nous devons tous rendre à César qui appartient à César et reconnaitre que finalement Ould Abdel Aziz est sorti du palais par la grande porte, même si cette porte s’ouvre pour lui sur de très nombreuses inconnues. Que deviendra-t-il maintenant ? Quelles seront les conséquences de ses agissements, et où vont l’entrainer les dossiers bien ficelés qu’il a laissé derrière lui et qui renferment des affaires montées sur des fonds de corruption ou de gabegie ? Ce que deviendra Ould Abdel Aziz après son départ et qu’est ce qui va se passer pour lui dans l’avenir ne nous regarde pas. L’avenir que réservent à’ Ould Abdel Aziz ses agissements n’est pas l’avenir de la Mauritanie. Nous le souhaitons bonne chance et le remercions sincèrement d’avoir laissé derrière lui une Mauritanie qui a fait ses preuves et s’est illustrée par une bonne alternance démocratique. Les questions qui se posent pour nous désormais sont celles de savoir qui est réellement Ould El Ghazouani ? Est-il venu au pouvoir pour assurer l’intérim de l’homme qui s’est battu personnellement pour le faire élire ou est-il venu au pouvoir pour exécuter un programme de campagne qui apportera une solution définitive aux problèmes réels des mauritaniens. Nous sommes en droit de nous poser ces questions. Nous sommes en droit de nous poser ces questions parce que l’avenir de la Mauritanie d’ici à aout 2024 restera entre les mains de cet homme inconnu de la majorité des mauritaniens. Nous avons décidé dans notre majorité de mettre la Mauritanie entre les mains d’un novice en politique qui a été catapulté au pouvoir par des politiciens et des hommes d’affaires qui tiraient seuls profits de la richesse d’un pays dont 90 % de la population vit sous le palier le plus bas de la pauvreté et par leurs propres moyens. Nous sommes en droit de savoir celui qui a remplacé Ould Abdel Aziz, le remplace à quelle fin ? Pour jouer dans une comédie le rôle d’un militaire maquillé en civil, ou le rôle d’un civil maquillé en militaire ? En tous cas la Mauritanie a beaucoup souffert de la comédie de ses dirigeants. Elle a beaucoup souffert de cette comédie qui faisait croire que la justice est indépendante, alors que les magistrats ont les mains liées et les bouches cousues pour les empêcher de dire le droit, de statuer en toute indépendance entre les justiciables. La Mauritanie a beaucoup souffert de cette comédie d’état qui donnait l’impression que le pays luttait contre l’esclavage alors qu’il ne faisait rien pour briser les chaines qui rattachent ces esclaves contre leur volonté à leurs anciens maitres. La Mauritanie a beaucoup souffert de cette comédie d’état qui chante l’unité et la cohésion nationale alors que les noirs sont défavorisés et sont sous représentés dans toutes les instances dirigeantes du pays et quasiment absents dans la hiérarchie supérieure militaire. La Mauritanie a beaucoup souffert à cause de cette comédie d’état qui cache la réalité des inégalités entre les différentes composantes du peuple. La Mauritanie a beaucoup souffert de cette comédie d’état qui donne l’impression que le pouvoir s’ouvre au dialogue politique avec l’opposition alors que des portes blindées sont fermées devant cette opposition. La Mauritanie souffre à cause de cette comédie d’état qui n’est en réalité qu’un cumul de mensonges d’Etat. Mohamed Ould Cheikh Ahmed Ould El Ghazouani ami, frère ou compagnon d’arme de Mohamed Ould Abdel Aziz est avant tout un mauritanien. Et comme tel, il connait parfaitement comme chacun d’entre nous et parfois mieux que nous, les forces et les faiblesses qui ont caractérisés les dix années de pouvoir de Ould Abdel Aziz. Dix années qui ont été marquées par beaucoup de réalisations dans différents domaines et dans différents secteurs même si ces réalisations n’avaient en réalité qu’un bût lucratif qui profitait au président sortant par personnes interposées ou qui profitaient à son entourage. Ould El Ghazouani sait également comme nous tous d’ailleurs, que les dix années du président sortant ont été marqués aussi sur le plan de la démocratie, de la justice et du social par beaucoup d’insuffisances, beaucoup de maladresses et beaucoup de tâtonnements. De ce fait Ould El Ghazouani doit être conscient qu’il hérite de son prédécesseur, donc de son ami, une situation économique du pays très confuse et quelques fois très désastreuse. Il doit donc quelque soit la gravité de cette situation poursuivre le travail de son prédécesseur en complétant les insuffisances et en corrigeant les tirs qui n’ont pas atteints leurs cibles. Mais il doit surtout éviter les erreurs commises par son ami durant ses deux mandats pour concilier le pays avec une image d’une nation où il fait bon de vivre où tous les mauritaniens dans leurs diversités se retrouvent, se respectent dans la paix et la non violence.
Un pays, -et c’est comme cela partout ailleurs – n’est pas géré par le président seul. Il est géré par un groupe collégial composé de collaborateurs et de proches. Mais quand un président dirige un pays il doit toujours avoir à l’esprit qu’il ’est un homme sur lequel chaque citoyen fonde un espoir. Quelques soient les relations qu’il nouera avec ses proches, ses parents et ses amis, Ould El Ghazouani ne doit jamais oublier qu’à travers le pays il y’a partout des milliers de pauvres anonymes qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté et qui sont souvent incapables de donner un repas par jour à leurs enfants. Devant Dieu et devant les hommes le premier responsable du pays est comptable de ses actes. Il doit donc Poursuivre le chemin du progrès et du développement en évitant de tomber dans les erreurs de son ami qui a été détourné de ses engagements et de son objectif initial par un entourage qui l’a dévié de son chemin pour son propre intérêt.
Mohamed Chighali
Journaliste indépendant.