Les résultats de la première session du baccalauréat, publiés par le ministère de l‘Education nationale, au titre de cette année 2019, n’ont pas dérogé à la règle et les taux de réussite enregistrés ont été, tout simplement, scandaleux. Seul un quatorzième de l’effectif global des candidats a pu tirer son épingle du jeu en obtenant le précieux sésame. Ce qui nous renvoie au taux le plus faible jamais enregistré depuis que ces épreuves sont organisées sur le territoire national. Un candidat mauritanien sur quatorze est déclaré admis au bac en première session, soit un taux d’environ 7%. Jamais dans l’histoire des épreuves du bac, nous n’avons enregistré un taux de réussite aussi faible.
En baisse de 5.62% points par rapport à l’année dernière, le taux moyen de réussite au bac 2019 met en évidence une détérioration profonde de notre système éducatif national. Un système éducatif qui a fait l’objet de multiples réformes sans que les résultats escomptés ne soient au rendez-vous. Un gâchis d’autant plus énorme que les espoirs d’une amélioration des niveaux des élèves du secondaire et un réel redressement du système éducatif national s’amenuisent et rendent toute chance d’infléchissement des tendances actuelles quasi nulles.
Pourquoi en est-on arrivé là ? Quelles sont les causes réelles de cette contreperformance inédite ? Pourquoi est-ce qu’il n’est pas envisageable, ni possible de trouver des solutions adaptées à cette gangrène du système éducatif ? Les moyens humains et matérielles mis en œuvre sont-ils à la hauteur des enjeux de l’Education ou manquent-ils, tout simplement, à l’appel ?
Existe-il une réelle volonté, au plus haut niveau, de prendre à bras le corps cette question lancinante ?
Comment est-ce qu’il est possible de voir que des taux d’échec aux examens supérieurs à 93% ne puissent susciter aucune indignation voire une réaction ferme, de la part des autorités, alors même que les sujets de moindre importance requièrent plus d’attention, occupent l’opinion publique et font jaser tout le monde ?
Autant de questions que nous sommes en droit de se poser tant la surprise est immense à la suite de la publication de ces résultats déshonorants.
Nous commençons à nous habituer malheureusement aux contreperformances de notre système éducatif au point que des taux de réussite si désastreux ne font réagir personne comme si cela constituait une chose normale et qu’il n’y a pas lieu de se faire des soucis ou de s’inquiéter de l’avenir de ces générations de jeunes mauritaniens sacrifiés à l’autel des caprices de réformes sans lendemain. Plus les performances de notre système éducatif sont piètres, plus nous nous désengageons de notre responsabilité collective et plus les autorités éducatives font semblant de s’intéresser à trouver des remèdes adéquats.
Cette passivité à laquelle nous assistons, aujourd’hui, dénote, sinon, la confusion totale qui règne au sein de l’appareil éducatif, du moins, le profond malaise qui se traduit par une mauvaise définition de nos priorités et la vision qui doit être la nôtre pour faire face aux enjeux et défis de l’Education en Mauritanie.
Historique des échecs à répétition
Un survol des statistiques nationales sur les dix dernières années nous montre des taux moyens de réussite au bac autour de 13.88%. Depuis 2010, ces taux de réussite n’ont cessé de se détériorer jusqu’à atteindre le seuil fatidique de 7% au cours de cette année 2019. Du point de vue des variations des taux de réussite sur les dix dernières années, on remarque que ces taux ont légèrement évolué en dents de scie affichant, toutefois, une régression constante comme le montre le graphique suivant :
Par contre, c’est le taux de cette année 2019 qui sonne le glas de notre système éducatif, car avec un taux de moins de 8% de l’effectif global des candidats, il y a bel et bien quelque chose qui ne va pas et qui appelle la mise en œuvre de solutions radicales quitte à se débarrasser de cette grosse structure qui s’appelle le MEN qui continue d’engloutir des sommes colossales, chaque année, pour des résultats aussi maigres que décevants.
Nous sommes dans une sous-région enregistrant des contreperformances de son système éducatif, les taux de réussite au bac n’étant souvent pas à la mesure des ambitions affichées des autorités éducatives de ces pays. Néanmoins, les statistiques de l’Education dans ces pays révèlent des taux de réussite parfois quatre fois supérieur aux nôtres. Au Sénégal voisin comme en Algérie et au Maroc, les taux de réussite au bac toutes sessions et toutes séries confondues se situent nettement au-dessus de 40%, loin du seuil fatidique de 10% que nous enregistrons depuis trois ans.
Pas de baguette magique
De prime abord, il convient de préciser que le diagnostic du système éducatif a été conduit et que les mesures identifiées et adoptées n’ont fait l’objet d’aucune mise en œuvre efficace, encore moins, d’un suivi rigoureux.
Loin de moi l’idée de prétendre pouvoir disposer de solutions miracles à notre système éducatif malade, son diagnostic étant suffisamment complexe, je remarque, avec humilité, que nos responsables éducatifs se sont trop focalisés sur l’approche quantitative ignorant que la mise en place des infrastructures et leur équipement ne peuvent pas, à elles seules, changer la donne. Les statistiques du premier diplôme de l’enseignement supérieur (baccalauréat) le montrent de la manière la plus claire qui soit.
Les mesures qui doivent être adoptées sont celles qui s’inscrivent sur le court et le moyen terme (6 à 12 ans). Cet horizon temporel est la plus courte qui soit en matière de planification pluriannuelle des actions destinées à traiter des problèmes pour en obtenir des effets immédiats dans la perspective de lancer d’autres plus substantielles qui s’inscrivent, elles, dans le long terme.
Sans plus tarder sur les causes à l’origine de ce désastre, je dirais, tout simplement, que la baisse des niveaux des élèves et des enseignants, les curricula scolaires désuets, la négligence systématique des administrateurs, le désengagement des associations de parents d’élèves, l’absence de rigueur et de la culture de performance, et l’opacité de gestion sans oublier, bien évidemment, la qualité de l’enseignement sont autant de facteurs explicatifs à cet effondrement.
Rejeter la responsabilité sur le seul dos du Ministère et de son staff y compris ceux de l’encadrement et de la formation me semble exagéré au regard du cumul historique des échecs et des problèmes qui se sont accumulés des décennies durant. Par contre, renvoyer la responsabilité de cet échec au dos des élèves et au contexte socioculturel qui a émergé à la suite de l’inversion des normes sociales, me paraît, tout aussi, injustifié.
Responsabilité partagée
La responsabilité de traiter à la racine les maux dont souffre le système éducatif national relève du seul ressort de la collectivité nationale, laquelle doit être sincère et franche dans la recherche et l’identification de solutions urgentes par la fixation d’un cap avec des objectifs très réalistes. Remarquez que j’ai bien veillé à employer le terme de collectivité pour signifier, à qui veut bien l’entendre, que l’action de l’Education et de l’Instruction Publique est une œuvre collective à laquelle doit être associée tout le monde. Autant dire qu’une mobilisation sociale aux allures des états généraux citoyens sur l’Education sont les seuls à même de pointer du doigt tous les problèmes et de faire en sorte que chacun et chacune prennent sa part au redressement du système éducatif national.
Redonner confiance à l’Ecole républicaine
Sans rentrer dans les détails relatifs au développement des programmes et plan d’actions et pour éviter d’avoir à emprunter un jargon très usité des officiels de l’Education Nationale qui s’apparente beaucoup plus à des slogans qu’à des action concrètes, je dirais que le socle sur laquelle doit reposer toute réforme de l’Education Nationale doit passer par la création et la réhabilitation de l’Ecole républicaine, obligatoire, gratuite et suivant un programme commun à toute les franges sociales ; une sorte de creuset où se fondent les enfants de la République, dans leur diversité, pour en ressortir très agrandis par le savoir et le savoir-faire, par l’esprit de civisme. Des individus, à l’esprit civique, instruits, qualifiés et capables de relever les défis de développement.
A suivre ………