Comme si de rien n’était : un soldat meurt, un autre prend sa place. Ainsi vont les traditions de l’armée. Comme prévu, les autres n’ont plus que leurs yeux pour pleurer et constater – bon, disons – les faits. Dégâts pour certains, pas dégâts pour d’autres. C’est ça, la démocratie. Ton avis contre le mien. Toi, tu dis que le ciel est en haut et que la terre est en bas. Moi, je dis que la terre est en haut et que le ciel est en bas. Toi, tu dis que ton candidat est élu dès le premier tour, avant même que le machin-là qui doit le faire le fasse. Moi, je dis que ce n’est pas vrai, que tu es entrain de voler la victoire et d’affecter la défaite. Maintenant que tout semble définitivement fini, allons-y encore pour cinq nouvelles années d’on ne sait pas encore quoi ! Ghazwani dit qu’il est nouveau. Complètement nouveau. Aziz confirme que c’est vraiment une autre personne. Il y a, certes, des similitudes. Ancien général. Toujours ami. Des classes, quoi, comme on dit en jargon militaire, qui ont tout fait ou presque, ensemble de Meknès à campagne de la présente élection, en passant par BB, BASEP, CMJD, HCE, affaire Sidi ould Cheikh Abdallahi (coup d’Etat pour certains, Rectification pour d’autres, voire Correction, Refondation ou Réforme…) puis encore bien d’autres choses beaucoup moins avouables jusqu’à ce fameux 22 Juin, autour d’un grand méchoui, avec l’annonce de la victoire pour le passage de témoin. Nous sommes sauvés et le pays avec ! Les aventuriers sont boutés dehors, les rideaux tombés, les masques aussi. La scène est vide, chacun peut retourner à sa place.
Excellente mise en scène. Tout s’est admirablement bien passé. Il n’y a que les naïfs à être surpris. Les résultats du scrutin du 22 Juin, on les connaissait depuis, au moins, trois ans. Merci, Georges Clémenceau, de nous avoir rappelé qu’ « une dictature est un pays où l’on n’a pas besoin de passer toute une nuit devant son poste, pour apprendre le résultat des élections ». S’il ya quelqu’un qui ne le savait pas, c’est peut être Aziz ou Ghazwani. Et autres incrédules, comme les candidats ou partis de l’opposition. Les cinquante-deux pour cent de Ghazwani sont les alter-ego des cinquante-trois pour cent de son ami Ould Abdel Aziz. Des pourcentages « fabriqués main », comme diraient les autres candidats, qui, soit dit en passant, sont « des gens du passé » qui vont nous faire « reculer en arrière » (sic !). Au Fondamental de la fin des années 70, on nous enseignait que l’histoire est le récit des événements du passé. Concrètement, cela veut par exemple dire que tous les candidats, surtout celui du changement civil, sont du passé. Et de fait, ces gens-là étaient déjà là, le 10 Juillet 1978, le douze/douze 84, le 5 Août 2005 et le 6 Août 2008, ils ont tout vu, tout entendu. De là à dire qu’ils ont tout compris, ça, on ne sait pas. Ensuite, la présence militaire n’est pas comme la présence civile. Toi, tu étais Premier ministre, en costume trois pièces. Tu savais où passait l’argent, d’où il venait, où il allait. Tu maîtrisais tous les circuits. Tu n’es pas comme moi et mon ami qui n’étions, alors, que des hommes en treillis. L’un là-bas, l’autre ici. Et c’est à peine si nous arrivions à nous faire écouter, de temps à autre. Vraiment très à peine. Moi, je ne serai ni Premier ministre ni rien. Mais je serai quand même là, à observer mes chantiers, à regarder mon vieil ami de plus de quarante ans, à vous regarder, à regarder mon ami à l’œuvre, car c’est à l’œuvre qu’on reconnaît l’ouvrier ; peut-être, même, le manœuvrier. Je serai l’ange gardien de mes réalisations. Et, bien sûr, de la Constitution. N’ai-je pas dit que je vais la respecter ? Ne pas la respecter, c’est absolument rien du tout. Ne demande pas à un « tbib » (docteur), demande à un « m’jarab » (expérimenté). Mais, bon, bye bye, le thé est versé, il faut le boire…En attendant de savoir de quoi demain sera fait. Salut.
Sneiba El Kory