Le Ramadhan, mois béni, réservé aux prières désabusées, et aux macérations ne devait pas connaitre de paroles ou d’articles écrits à la plume trempée dans le fiel ou le vitriol. Mais lorsque un ainé septua ou octogénaire se prête à un tel jeu, cela autoriserait, le quinquagénaire couvant encore une dose de fougue résiduelle, à sortir son duvet et son encrier.
A en croire la généalogie, pourtant aujourd’hui libéralisée, voire libérée, nous sommes ni agnats ni cognats. Mais les chevaliers du même acabit se doivent respect et honneur. Alors, sauf votre respect, je me vais vous faire ma compréhension de votre article, dernièrement paru dans les colonnes de CRIDEM .
Je ne vous connais pas de prés, malheureusement ; mais en revanche, je vous ai toujours lu. Votre dernier « jet d’encre »porte la même empreinte que vos autres ; celle d’un écrivain plutôt alarmiste et pourfendeur. Pendant le règne un peu trop long de Maawiya, vous aviez comparé le pays au Liberia. Dans un autre article, vous aviez voué les prévaricateurs à la Roche tarpéienne. Dans le feu de la rédaction, vous vous êtes autoqualifié de « Cassandre », la jeune femme qui sonne toujours l’alarme sans jamais être écoutée…Jusqu’à ce que l’ennemi assiège la Cité. C’est vous dire que je vous lu en permanence, avec révérence. Par ses relents apocalyptiques,votre dernier article ne bifurque pas de votre ligne de prédilection ; mais vous innovez par ce qui me semble êtreune injustice .Injuste, vous ne l’avez jamais été ; et vous ne devez pas l’être. Normalement. Sans ambages, vous avez vitupéré Mohamed Ould Cheikh Ghazouani. Jusque-là, tout le monde lui épargne humiliation ou invectives. Mis à part de rares bloggeurs indélicats. Je trouve que vous n’avez pas fait dans la dentelle pour le descendre en flammes. L’estime quasi-référentielle que je vous porte, m’amène à vous dire que cela ne sied pas à votre auguste personne. En tirant sur O. Ghazouani, vous faites concomitamment une omission, il me semble : vous éclabousseriez, par ricochet, le Président Aziz, avec lequel vous aviez naguère partagé les délices de sa villégiature dans le Tiris profond.
Comme tout le monde, vous êtes libres de votre expression, mais les autres sont en droit ou en devoir de vous dire ce qu’il pensent de vous, ou ce qu’ils pensent de ce que vous pensez.
En effet, votre dédain des militaires et d’O Ghazouani est, me semble-t-il, nouveau. A l’instar de la majorité des intellectuels mauritaniens ; notamment les activistes politiques, vous avez, depuis le 10 juillet 1978, toléré, et coopéré avec les régimes prétoriens qui se sont succédé. Ce sont les intellectuels de tout acabit qui ont déroulé le tapis rouge devant les putschistes. On se souvient des joutes oratoires, des règlements de comptes et des passes d’armes ayant opposé Kadihines, Baathistes et Nasséristes ; des animosités paroxystiques culminant à la torture par voie de ‘’jaguar ’’, dans les cachots de la Police couverts de pissats. Depuis le 10 juillet, et sans répit, les bousculades pour cirer les bottes fangeuses des conjurés ont fait rage.
A mon sens, votre diatribe adressée au Général de la Paix, qui a repoussé la guerre hors de nos frontières, ne se justifie pas ; d’autant plus qu’elle a un mobile autre que l’amour de la Patrie. En fait, vos invectives acharnées contre l’artisan de l’une des armées les performantes de la région subsaharienne, trompe mal un accès d’ultraregionalisme, que vos lecteurs ont vite fait de déceler. D’aucuns trouvent que votre soutien ‘’indéfectible’’ pour O Boubakar, est dû à l’origine El Gor’e de celui dont la famille de chevaliers preux, Ehel Boussalev, s’est taillé une place de choix chez Oulad Ahmed du Brakna (Toujours entité hassane) et n’en réclamerait plus jamais mieux. D’ailleurs à en croire Ibn Khaldûn, la tribu serait une fiction politico-sociale qui subit fatalement le paradigme de la fission et de la fragmentation.
Votre grande expérience et votre caractère trempé, ne vous laissent certainement pas facilement émouvoir, mais voici ce qu’on a dit de votre sortie quelque peu intempestive, du reste. Souffrez alors que je vous interloque. Sans trop d’acrimonie.
Comme bien des cadres de ce qu’on s’accorde à appeler ‘’ Ehel Sahel ‘’, vous trouvez apparemment que le Pouvoir ne doit pas quitter Ehel Sahel ou l’Adrar. D’ailleurs, on se rappelle la logorrhée sectaire et hautement hystérique d’un certain Kemal Mohameddou , prenant les gens du Chargh pour moins que des cancrelats. Voici, au passage, un excellent journaliste pour une « Radio Mille collines » Alors je n’avaispas riposté à l’agresseur, le trouvant, tout simplement, ridicule. A propos, il n’est pas de l’Adrar ; du moins pas plus que moi. Je suis originaire de l’Adrar, moi aussi, remarquez, Sire ! Et par des racines profondes, plusieurs fois séculaires et tentaculaires. C’est là que mes aïeux furent portés dans les fonds baptismaux. Je serais plutôt immigré au Hodh. De ses contrées dites du « Sahel », on ne peut avoir que beaux souvenirs. Tous ceux qui y sont passés, sont immanquablement marqués par deux colonnes de fumées : celle du barbecue et celle de l’encens et tant d’autres fragrances. A profusion. Pour tout le Monde. Et si une parole inconsidérée venait de ce côté, elle serait l’expression qui confirme la règle. A propos, et en fait d’exception, j’ai été obligé d’abhorrer un seul individu de cette région. Pour ses agissements excentriques. Pour sa corruption et sa concussion.Ce n’est pas vous, bien sûr. Bref. Je ne nomme personne, suivez mon regard…
S’agissant de SMOB, que vous avez bien raison de magnifier, je crois avoir dit, avant même que lui-même n’y songe, qu’il est effectivement présidentiable. L’homme a de l’allant, de l’allure et pas mal charismatique. Mais la donne politique et stratégique ne le fait pas gagner pour cette présidentielle-là. Pour une raison objective : Il n’est pas l’oiseau rare que les Mauritaniens cherche éperdument ; le leader qui va, entre autre, maitriser le dossier de la Sécurité et de la sérénité. C’est d’ailleurs, fatalement ce que tous les Etats en proie à l’Insécurité cherchent maintenant. A tous les moments de l’histoire, il y a un impératif ou un paradigme prévalent, à travers lequel on perçoit l’homme de la situation. La France eut à tirer le Général De Gaulle de son sommeil de Colombey– les deux églises, pour régler le conflit algérien. L’Algérie elle-même a dû rappeler Bouteflika pour faire le « Wiam ». La France, délurée, envoyait un Français de première génération à l’Elysée, pour sa capacité d’assurer la Sécurité. On avait bien apprécié qu’en tant que Ministre de l’Intérieur, Nicholas Sarkozy de Nagi-Bocsa eusse eu à descendre quarante-cinq fois dans des commissariats de proximité.
De toute façon, le sentiment tribal, ethnique ou régional ne doit pas marquer nos choix électoraux.
Frangin, que votre auguste personne ne se mette en colère, et qu’elle considère du moins que je me vais contribuer à un espace public apaisé et dépêtré du sectarisme et des logiques primordiales.
Si j’étais à côté de la plaque, j’ouvre les prunelles et les ouïes à votre réaction éventuelle.
Respectueusement votre
Brahim Bakar Sneiba