‘’Une élection présidentielle ne relève pas d’une simple arithmétique électorale mais d’une alchimie entre un homme et un peuple’’ (Jaques Chirac)
Mon Général.
Je pense sincèrement que cette sage citation du président Chirac résume l’ensemble des énoncés de la problématique électorale à laquelle vous êtes aujourd’hui confronté. Je crois aussi, que vous gagnerez à vous en imprégner, afin de conjurer le sort des mauvaises surprises qu’engendrerait votre défaite inéluctable, sinon hautement prévisible.
Entouré de personnes, pour la plupart devenues célèbres par la seule manipulation des chiffres et… des lettres ‘’BR’’, on essayera sans doute de vous faire croire que tout se jouera désormais sur une simple arithmétique électorale. Et, pour vous rassurer sur la transparence du scrutin que vous réclamez naïvement, on vous dira que la machine à frauder arrondira les angles des bavures sur lesquelles les apprentis sorciers de l’administration se seraient rendus coupables pour vous venir en aide.
Il faut dire que vos ‘’amis’’ n’auront pas besoin d’investir beaucoup d’efforts afin de vous convaincre d’une telle ineptie. Vous y croyez déjà d’ailleurs, puisque pour affronter vos adversaires, vous avez fait vôtre le glorieux bilan en chiffres du président sortant. Des milliers de ponts, de ports, d’aéroports, de routes bitumées, de projets de développement, de promesses non tenues etc. Par conséquent, vous avez convenu de placer votre destinée politique sous le signe d’une continuité, d’autant plus aléatoire et controversée, que le président à laquelle elle est imputable, se croit inamovible, ce qui laisse peu de place à un président bis.
De ce point de vue, vous êtes donc l’otage d’un système. Et si, pour vous en libérer, vous arguez du seul prétexte recevable et qui consiste à douter de l’engagement, en votre faveur, de ses thuriféraires et des troupes ‘’troupeaux’’ de l’UPR, qui en constituent la seule base, on vous fera changer d’avis en vous renvoyant pompeusement aux 1 200 000 adhérents, sur 1 400 000 électeurs. Ould Jay et Ould Mohamed Khouna, dans l’une des envolées lyriques dont ils ont le secret, vous diront la main sur le cœur, qu’ils se portent garants de la ‘’fidélité’’ du parti. La même chanson qui a conduit votre mentor au désastre du référendum constitutionnel et à celui des élections législatives, régionales et communales passées.
On fera venir dans vos meetings des dizaines d’hommes d’affaires, de commerçants, de cadres et de notables, habillés en grands boubous Ezbi brodés sortis pour l’occasion. De ‘’grands électeurs’’ passés maitres dans l’art de voter contre celui auquel ils témoignent une sympathie apparente. Pour avoir sous-estimé la capacité de nuisance de ces ‘’grands électeurs’’, Aziz l’a compris à ses dépens, avant de vous en faire un cadeau empoisonné.
On essayera de vous fixer sur l’importance accordée à vos sorties, par le nombre de voitures rutilantes qui prennent d’assaut vos meetings et par celui de bouffons, chantant vos louanges, dans une cacophonie de haut-parleurs qui fait penser aux déplacements de Mobutu, avec la symbolique et la solennité en moins. Des intellectuels et des journalistes, payés à la tâche, déploieront tout leur savoir faire pour vous conforter dans la conviction, que vos discours sortent de l’ordinaire et qu’ils sont le reflet de compétences et d’un génie que vous aurez du mal à vous reconnaitre.
Des cyniques maitres de cérémonies de la fraude vous auréoleront de titres volés à la rhétorique des grands démagogues, genre ‘’candidat du consensus national’’, comme si ces serviteurs de la pensée unique, du faux et de l’usage du faux, avaient été mandatés par la nation tout entière, à l’effet de lui trouver un nouveau Messie en treillis.
A la fin et, à supposer que vous gagnez cette élection, ce dont j’ai de sérieuses raisons de douter, vous finirez par vous rendre compte de la dure et triste réalité. Vous vous rendrez compte que vous avez été le dindon d’une farce qui ne fait plus rire. Que vous êtes un homme esseulé qui doit affronter les réalités d’un pouvoir qu’il exerce par procuration, sous l’œil vigilant d’un Ould Mohamed Khouna (au meilleur des cas) ou, un malheur venant rarement seul, d’un Ould Jay ou encore d’une Coumba Ba, dont vous connaissez la fidélité au spectre qui plane sur votre liberté d’action.
Mon Général.
Ce rôle ne vous sied pas. Votre position sociale et professionnelle, votre culture et l’aura de votre famille, vous en interdisent l’échelon dans l’organigramme de cette lugubre mise en scène, qu’on semble vous faire jouer à votre corps défendant.
Vous êtes le fils d’une illustre famille de marabouts, connue pour son attachement aux vertus de la grandeur. Attitude qui lui a permis de figurer aussi au registre des hauts faits guerriers de la lutte contre la colonisation, puisque c’est justement votre grand père qui a armé le bras de feu Sidi Ould Moulaye Zein, du sabre qui tua Coppolani.
Je peux cependant comprendre que vous ayez des ambitions présidentielles. C’est légitime et j’avoue d’ailleurs avoir été attiré par la tonalité de votre premier discours, avant de déchanter et de prendre le large, comme beaucoup de ceux qui se sont trompés en croyant y déceler des signes de rupture d’avec la période Azizienne.
Mais ce que je peine à comprendre et à intérioriser, c’est votre acceptation de jouer au héros principal de ce mauvais film de série B, préjudiciable aux intérêts fondamentaux du peuple mauritanien, à son histoire, à sa démocratie et à votre propre notoriété.
Sans vous connaitre personnellement, je pense que vous ne devez pas être du genre à faire dans la demi-mesure. De deux choses l’une donc, ou vous serez un grand candidat et vous en assumez l’ambition, ou, ne s’accommodant que modestement du rôle de second couteau, vous tirez votre révérence avec cette dignité que partagent, sous nos cieux, les hommes du désert et le dromadaire.
Il s’agit, je le sais, d’un dilemme Cornélien. Deux choix difficiles dans votre cas, pour des raisons évidentes. Des raisons qui vous font perdre de vue, que le pardon du peuple est toujours à la mesure du courage que nous mettons à le lui demander, mais faut-il encore avoir l’autorité morale de s’adresser à lui.
Il vous restera à connaitre, comme le dit Jaques Séguéla, que ‘’faire une élection, c’est raconter une histoire de telle façon que l’enfant qui sommeille en tout électeur croit que le candidat est le seul héros crédible de cette histoire’’. Le cas échéant, J’espère pour vous que l’histoire, que vous vous apprêtez à raconter aux mauritaniens, n’est pas celle de la triste décennie Azizienne dont ils essayent de tourner la dernière page noire, marquée par le bradage de la SNIM.
Si, malgré tout ceci, vous tenez à rester candidat, vous devez donner des signes forts à vos sympathisants, qui commencent à penser que l’omnipotence du chef de l’Etat et de ses hommes dans votre campagne, signifie que l’équipe sortante sera reconduite à leur détriment et que vous n’y pourrez absolument rien.
- 1°) Vous affranchir de la tutelle de votre compagnon d’armes et prouver, à ceux qui en doutent légitimement, que vous êtes seul maitre à bord de votre campagne et de votre avenir présidentiel.
- 2°) Vous éloigner des ministres qui symbolisent, aux yeux du citoyen ordinaire, l’ensemble des griefs retenus contre le pouvoir, pour en avoir été les instruments et les exécutants zélés et dénués de tout état d’âme.
- 3°) Comprendre et agir en conséquence, que se réclamer d’un bilan, vous associe aux responsabilités qui en découlent.
Si, comme le soutiennent certains, vous ne pouvez pas franchir ce pas, sur la voie de l’émancipation, je vous invite à méditer cette citation de Chateaubriand qui dit que : ‘’l’ambition dont on n’a pas le talent est un crime’’, tout en sachant que, comme le soutient Sun Tzu, le courage est la forme suprême du talent.