Une nouvelle fois, le régime fait parler de lui. En mal. Une opération de bradage d’une partie du patrimoine minier de la SNIM serait en cours. Si elle n’est pas déjà conclue, en catimini. La nouvelle fait sensation depuis quelques jours, sur les réseaux sociaux et les organes de presse. Le dernier bastion, qui échappait encore à la boulimie du clan (même si une grande partie de ses recettes, lors des années fastes, a déjà pris des chemins détournés), est en train de tomber. Après la pêche, cédée à une holding chinoise, dans une totale opacité ; l’aéroport de Nouakchott, dont la gestion est désormais confiée à une obscure société émiratie ; le port de l’Amitié qui tombera, dans quelques années, en l’escarcelle d’une entreprise singapourienne, le tout pour 25 ans. Après les permis de recherche minière dont les plus prometteurs ne sont cédés qu’aux proches ; les quotas de poulpe dont une nouvelle vague vient d’être attribuée ; des zones entières de Nouakchott et de Nouadhibou, nouvellement loties et sur lesquelles « on » a fait main basse ; les marchés en tout genre, dans les domaines de l’électricité, de l’eau ou du BTP : le pays est désormais en coupe réglée. A son départ, dans quelques mois, Ould Abdel Aziz n’aura pas accompli deux mais six mandats successifs, puisque il a engagé le pays pour les vingt prochaines années, dans des opérations dont la rentabilité est pour le moins douteuse. Sauf pour certains. Mais, pour le pays, plus qu’hypothétique, hasardeuse. Il y a quelques jours, raconte-t-on, le directeur d’un centre de recherches du Golfe rendait visite à un recteur d’une université maghrébine, pour le renouvellement d’un mémorandum d’entente sur la coopération académique entre les deux institutions, sans aucun engagement financier de l’université en question. Poliment, le directeur s’excuse, au motif que son mandat finissait dans quatre mois et qu’en conséquence, il ne pouvait, pour des raisons d’éthique, signer un document qui engagerait son successeur. Aurions-nous donc si peu d’éthique pour avoir l’outrecuidance d’engager, non seulement, un futur président mais tout un pays, pour 20 à 25 ans, alors que le présent mandat présidentiel touche à sa fin ? En Mauritanie, l’insolence n’a plus de limite, sitôt que le gain est à portée de main. A quelle fin ? Qu’a récolté le pays, de cette décennie dont on nous chante les résultats ? Jugez par vous-mêmes : dette, 105 % du PIB ; 68% de la population vivant avec moins de 2 dollars par jour ; qualité de l’enseignement, 128ème sur 130 pays ; services de santé, 133ème sur 136 pays ; taux de chômage des jeunes, 35% ; armée, 129ème sur 131 pays ; sociétés d’Etat, en faillite ; poids des taxes, 3ème pays au monde ; etc., etc. La culture du bout du nez, de l’immédiateté du profit, de l’opportunité reine était peut-être inscrite dans nos gènes, travaillés par tout un passé de précarité bédouine. Mais, par son avidité insatiable, le régime en a fait une autrement plus implacable loi d’existence, en détruisant, non plus seulement, notre présent mais, aussi, notre avenir.
Ahmed Ould Cheikh