A mourir de rire, la société nationale ; c'est-à-dire, la société mauritanienne ! Vous savez, bon, c'est-à-dire, ok, des virgules, des pointillés, des apostrophes… Toute une ponctuation pour ne rien dire. C’est comme ça. Ou, parfois, pour tout dire. Moi, je vois toujours – surtout chez nous, les faux journalistes, certains vont même jusqu’à nous qualifier de « journaleux » – je vois des choses que je ne comprends pas du tout. Si c’est une information, elle ne t’apprend rien. Si c’est autre chose, ce n’est pas autre chose. Exactement comme ce que j’écris, moi, maintenant. Il faut s’arcbouter, tourner et retourner, regarder à droite et à gauche. Puis, encore réfléchir… longtemps. Si tu en as le temps, bien sûr. Après, tu te dis : « Celui-là, il fait l’intéressant à raconter des choses si peu intéressantes ». Par exemple, moi, je viens de lire qu’un ministre (aucun nom) a enregistré les propos d’un autre ministre (sans nom), pour aller avec un autre ministre (toujours sans nom) et que ce ministre anonyme est allé apporter lesdits enregistrements (vagues, comme ça) au président Mohamed Ould Abdel Aziz qui est finalement devenu, à force d’être tellement nom propre, un nom des plus communs, puisqu’il ne veut rien dire. Je m’explique. Qui est ici ? C’est-à-dire, en Mauritanie. Un homme ? Je veux un nom ! Mais il y a Mohamed Ould Abdel Aziz, ses onze ans, la Baraka « descendue dedans », au point que ces années-là valent mieux que toutes les autres réunies de tous les autres présidents ! Ses goudrons plus longs et plus noirs, ses ministres plus communs et plus rapporteurs, voire plus règles plates ou compas ! Enfin, bref, un journaliste te dit qu’une femme a fait quelque chose à un homme, un policier est venu et les voilà tous trois partis au commissariat. Que la femme est d’une famille respectable ; l’homme, fils d’un ancien responsable de l’époque de Moktar ould Daddah : quelque chose dont tu ne peux pas faire sortir un fil d’une perruque. Moi, j’ai une proposition : tout journaliste qui ne marche pas, qui est éteint – comme, l’autre jour, quand Messi a subi un délestage contre Liverpool – doit être nommé hakem quelque part vers Nbeiket Lahwach, Koumbi Saleh ou Bénichab. Ô journalistes, journaleux ou « jour-on-ne-sait-quoi », « mordez vos langues », vous avez tué le monde avec vos imprécisions. Tu as déjà lu que le père d’un ancien ministre du gouvernement de transition est tombé malade ; le ministre, accompagné d’un haut responsable, sont venus à la clinique dans une voiture. Vraiment, le journaliste qui a écrit cela doit être nommé wali, chef d’arrondissement ou président d’un conseil d’administration. En tout cas, il ne peut plus continuer à jouer au journaliste. Pour cette histoire d’enregistrements, chacun doit prendre ses responsabilités. Qui dit mot l’a dit : celui dont la bouche le démange ne doit pas l’oublier. On raconte ici, chez nous, qu’un vieil homme descendit, très tard la nuit, au fond d’un puits très profond. Dans les ténèbres de la nuit, donc, épaissies des ténèbres du fond du puits. Le vieillard y mangea un pou puis remonta à la surface pour y apprendre que la nouvelle avait tellement circulé qu’il était le dernier à savoir qu’il avait mangé un pou au fonds du puits. Même le Président n’a pas la paix. Pourtant, Accra, c’est loin ; Hamad Oumar, personne ne connaît. Même les numéros de téléphone de l’ancien commandant du BASEP, celui d’un de ses ministres (sans nom), de son marabout, de son féticheur, du ressortissant iraquien Ousmane Alawi ! C’est, comme on dit, « Allah fasse que nos connaisseurs meurent ou oublient ! » Le futur Président, quel qu’il soit, doit « attraper sa bouche », « retrousser sa main », « mordre sa langue », « attacher son ventre », « boucher ses oreilles », « écourter ses pieds », « fléchir son cou », j’en passe et des meilleures... Militaires et civils, c’est pareil : de toutes façons, ils se retrouveront tous à la croisée des chemins. Ils iront même voter ensemble. En même temps. Ainsi en a décidé Zarathoustra.
Sneiba El Kory