La brillante sortie, il y a quelques jours, sur une télévision privée, de l’ingénieur Mohamed Saleck ould Heyine, à propos de la situation économique du pays, en général, et celle de la SNIM, en particulier, en dit long sur le gâchis, les mauvais choix, les investissements inopportuns, l’absence totale de vision et l’incohérence érigée en modèle de gouvernance que le pays subit depuis une décennie. Centrales électriques tournant à vide, lignes haute tension reliant des villes autosuffisantes en énergie, l’usine de sucre de Foum Gleita qui a englouti des milliards, sans produire le moindre kilogramme, celle du lait de Néma ajoutée à la longue liste d’éléphants blancs, l’usine d’assemblage d’avions sans le moindre début d’exécution, malgré les millions de dollars partis en fumée, jusqu’à l’usine des Gulebs 2 qui a coûté plus d’un milliard de dollars et produit moins du quart de ses objectifs initiaux. Mohamed Saleck ould Heyine fut, pendant près de vingt ans, administrateur directeur général de la SNIM et a réussi à la maintenir à flots, loin des contingences politiques : il sait de quoi il parle. Alors que, de son temps, le prix du fer atteignait à peine les 20 dollars, la société faisait face à toutes ses obligations et battait des records de production. A titre de comparaison, la tonne de fer se négociait sur le marché international, entre 2010 et 2014, autour de 170 dollars, ce qui a permis, à la SNIM, d’engranger des milliards. Mais, telle une cigale si peu prévoyante, elle a tout dilapidé, sur ordre d’un pouvoir boulimique. Une caverne d’Ali Baba où le clan s’est servi sans vergogne, jusqu’à plus soif. Un crime économique qui ne doit pas rester impuni. Ould Heyine n’avait pas de mots pour dénoncer la prédatrice opération qui a fait, de ce fleuron de notre économie, un boulet risquant, à tout moment, de mettre la clé sous la porte. Cela fait deux ans que la SNIM n’a pas contribué, d’une seule ouguiya, au budget de l’Etat. Ses créances, auprès des organismes internationaux, commencent à tomber et elle ne peut y faire face. Ses employés, à qui l’on demande sans cesse des sacrifices et qui n’ont pas profité de l’embellie des années fastes (contrairement à d’autres qui n’ont pourtant jamais vu la couleur de la mine), commencent à râler. En grève la semaine passée, ils comptent y retourner, jusqu’à la satisfaction de leurs doléances.
Mais l’OPA sur la SNIM n’est pas le seul crime économique imputable au régime actuel. Une liste de plomb dont trois exemples suffiront à entrevoir le démentiel tonnage : le contrat avec la société chinoise Polyhone Dong, un blanc-seing pour piller impunément nos côtes, pendant vingt-cinq ans, sans la moindre contrepartie pour le budget de l’Etat ; la cession de l’aéroport de Nouakchott à Afroport, une obscure société émiratie, qui lui permettra d’empocher, rien qu’en handling, plus d’un milliard et demi d’ouguiyas par an, alors qu’elle n’a pas investi le moindre sou. Ce montant devait revenir à la Mauritania Airlines qui risque de voir, du coup, ses difficultés augmenter ; un quai du port de Nouakchott cédé à une société singapourienne, sans appel d’offres, pour y construire un terminal à conteneurs… A qui profitent ces crimes ? Nul besoin de se prétendre fin limier pour avancer réponse : à ceux qui se sont juré, dix ans durant, de ne jamais rien laisser au… hasard, ce « maladroit qui s’occupe de tout ce qui ne le regarde pas », si l’on en croit Alexandre Dumas… mais qui s’arrange, si bien, au final, pour démonter, preuves à l’appui, ceux qui l’ont trop méprisé. Ce ne sera donc pas par hasard mais par évidence que s’écroulera le cirque.
Ahmed Ould Cheikh