Dans moins de trois mois, après onze ans de pouvoir, le président Mohamed ould Abdel Aziz va passer le témoin à celui que la présidentielle de 2019 aura sorti des urnes. En principe, six à sept postulants à la magistrature suprême vont croiser le fer, pour gagner la confiance de plus de deux millions d’électeurs, répartis sur plus de quatre mille bureaux de vote. Normalement, il n’y aura pas de grande surprise, puisque les facteurs sociologiques structurels qui déterminent les votes des électeurs potentiels n’ont pas beaucoup évolué. Les grands réservoirs traditionnels de l’Est (deux Hodhs et Assaba) voteront, massivement, en faveur du candidat du Makhzen. Encore sous l’emprise de la psychose des années de braise profondément ancrée dans la tête des notables et patriarches de la Vallée et diaboliquement apprivoisée par des cadres appâtés par les postes de responsabilités, les wilayas du Sud ne feront pas mieux que celles de l’Est et voteront, essentiellement, pour le candidat du pouvoir. Ce n’est que dans les grandes villes, comme Nouakchott, Nouadhibou ou Zouérate, que les candidats de l’opposition peuvent réaliser des scores acceptables qui ne permettront néanmoins pas de renverser la tendance, au point de permettre le changement souhaité et le débarras d’un système militaire qui prend en otage le pays depuis plus de quarante ans. Ceux qui croient à la possibilité d’une victoire d’un candidat autre que Mohamed ould Cheikh Mohamed Ahmed, alias Ghazwani, déchanteront, lorsque celui-ci sera annoncé vainqueur, dès le lendemain du premier tour. Stratégiquement, le pouvoir ne prendra aucun risque de permettre, aux mécanismes de gestion de l’opération électorale, de le balancer dans une aventure d’un deuxième tour aux contours aléatoires. Il ne sert à rien aux candidats de l’opposition de se voiler la face. Les conditions d’un scrutin transparent sont loin d’être réunies. Le spectre de 2009 plane encore. La commission électorale nationale indépendante ne rassure pas. Le rafistolage de son assemblée des sages, avec la greffe de trois membres issus de l’opposition, ne garantit rien. Les milliers d’initiatives de soutien au candidat du pouvoir, parrainées essentiellement par de hauts responsables de l’Etat, est la preuve évidente que l’argent public n’est pas sorti du jeu. La dernière tournée du candidat Mohamed ould Cheikh Mohamed Ahmed Ghazwani a démontré que ni l’administration territoriale ni les forces armées et de sécurité n’ont encore intégré le principe de la neutralité vis-à-vis de tous les candidats. Encore une fois, l’opposition s’empresse de participer à un scrutin pour lequel aucune garantie de transparence n’a été pensée, rééditant les erreurs mortelles qui l’ont toujours clouée au pilori et ne lui laissant que ses yeux pour pleurer, au moment où les lamentations et les incriminations ne servent plus à rien. Finalement, aucun audit n’a été réalisé pour le fichier électoral. Finalement, le principe de la parité n’a pas été respecté, dans la composition des membres de la commission électorale nationale indépendante qui a procédé, seule, au choix de ses représentants dans les régions. Et les interventions et les interférences ont déjà commencé, pour « bien choisir » les présidents de bureau de vote qu’habituellement les thuriféraires du pouvoir trient sur le volet, en prenant le soin de disqualifier toute personne pouvant sentir, de loin ou de près, l’odeur de l’opposition. Finalement, le vote des militaires se déroulera comme dans tous les scrutins passés. Finalement, la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel procédera, comme avant, en termes de gestion de temps d’antenne accordé aux candidats, sans avoir jamais adressé la moindre recommandation, aux media publics (TV et radios), pour traiter égalitairement les candidats et éviter le parti pris. Finalement, le ministère de l’Intérieur et de la décentralisation et sa fameuse direction des élections auront toute latitude de manipuler les opérations. Les oppositions aux abois ne servant, alors, qu’à légitimer une mascarade programmée dont l’issue est très bien connue d’avance.
El Kory Sneiba