Je ne connais pas de religion, culture ou civilisation qui dise ou qui fait semblant de dire, insinue ou suggère que le vol soit quelque chose de vertueux. Aussi loin qu’on remonte l’Histoire, impossible de trouver raison au voleur. Même les animaux ne volent pas. Un dicton populaire de chez nous est, à cet égard, catégorique : « Moins valeureux qu’un chien qui vole les siens ». Et les adages se suivent et se ressemblent : « La mère du voleur ne continuera pas à faire des youyous », « Qui n’a pas volé ne craint pas les pisteurs », « Qui n’a rien ingurgité n’avalera pas un os de travers », « Qui vole un œuf volera un bœuf puis un troupeau puis une ferme puis des centaines de millions puis deux milliards de dollars »... Voler, c’est voler. Pas de grand voleur, pas de petit voleur. Un pain de bois ou un château vingt étages à Dakar, c’est voler, rek. Amoul différence. Maintenant, si, dans un pays, tout le monde vole, selon son grade... C’est comme ça. Partout. Même les pays volent les pays. Regardez cette affaire de France-Afrique. Rien d’autre qu’une très grosse arnaque. Des milliards volés à l’Afrique puis les renvoyer un chouïa, via la fameuse dette au développement. La petite monnaie, quoi. Kéba Séba avait raison : les bases militaires, l’implication dans le choix et la pérennisation des dictateurs... Je ne suis pas un économiste mais j’ai entendu un spécialiste expliquer comment, par exemple, la France vole l’argent des quatorze pays africains de la zone FCFA. Comment, par des mécanismes occultes, l’argent, à coup de centaines de milliards, passe par des comptes d’opération à la Banque Centrale de France où sont logés les avoirs africains, certains au positif, comme ceux de la Côte d’Ivoire et d’autres (la plupart) au négatif. Puis comment la France engraisse son économie, en manipulant ces avoirs, se permettant d’emprunter l’argent de certains pays africains pour d’autres pays africains, en forme d’aide au développement. Un peu comme on dit encore, chez nous : « Coupe de sa lèvre et fais lui avaler ». Tout ça pour dire que même les pays volent. Les présidents volent. Les ministres volent. Les secrétaires généraux volent. Les hommes d’affaires volent. Les sociétés publiques volent. Les états-majors des forces armées et de sécurité volent. La preuve avec le téléthon : le milliard visé, les trois à quatre cents millions déjà « volés ». D’où vient le million donné par chaque ministre ? Les quatre cent mille de chaque SG ? De quel droit la SNIM, en bout de faillite, vole cinquante millions ? Et les corps de l’armée et de gendarmerie, de la Garde nationale, de la douane, de la police ? C’est quoi que de voler quinze millions, à donner, comme ça ? C’est facile, disait un gnak, d’être gentil avec l’argent des autres. Moi, je n’ai rien contre les Mourabitounes, nos héros nationaux. C’est juste que je n’ai rien volé que je puisse leur en donner monnaie. Suivant l’expression « reculer pour mieux sauter », il faut, désormais, compter avec « voler pour mieux donner » ou « donner pour mieux voler ». Qui fera un téléthon pour les pauvres de la gazra ? Pour les indigents malades des hôpitaux nationaux ? Les mendiants et éclopés des carrefours de la capitale ? Qui va voler, pour donner, à ces dizaines, voire centaines de milliers de misérables anonymes qui survivent dans les plus dramatiques conditions ? L’Etat pouvait dégager un milliard – même plus –pour les Mourabitounes. Sur l’argent du peuple. Comme ça, on aura tous contribué, avec notre argent, sans heurter la conscience des pauvres et des démunis. Publiquement. Surtout que je ne l’ai pas candidaté, il a candidaté « sa tête ». Cette histoire de deux milliards, j’en ai entendu parler ou j’ai même lu ça, sur des sites et dans des journaux. A lJazeera et autres en ont parlé. Mais c’est comme toutes les rumeurs –Ghanagate, balle de Toueïla, Immeuble de Dakar, comptes bancaires ici , là et là-bas. Et que mécontentement, et que possibilité de faire un coup d’Etat, pour ne pas quitter le pouvoir, et que je vais soutenir le candidat de l’opposition, et que je ne peux pas manger trop de riz, à cause de mon opération en 2012... Tout ça, l’avenir nous dira si c’est une balle ou un couteau, si mes comptes sont ici ou là-bas, débiteurs ou créditeurs et de combien, si je peux manger beaucoup de riz ou pas. Ou si je n’ai jamais volé une ouguiya nationale. Ancienne ou nouvelle. Salut.
Sneiba El Kory