En réalité ou, plutôt, en fait, certaines choses ne viennent que comme ça : mine de rien. Imaginez un peu ce que je veux dire, où veux-je en venir. Avec ce blabla, comme disait quelqu’un, de cette rubrique immonde qu’est « Autour d’un thé ». Ce qui me vient en tête, quand je regarde la télévision nationale. Les télévisions nationales. Toutes tendances confondues. Mais, surtout, quand je regarde la Mauritanienne. Les rares fois où je m’y astreins. C'est-à-dire chaque jeudi soir, pour le communiqué du Conseil des ministres, suivi de la fameuse conférence de presse des commentaires du porte-parole et de certains ministres ; ou quand la Mauritanienne sort feu Bleikhir, le virtuose d’El Hela et sa troupe de danseurs, chanteurs et flutistes extraordinaires, pour me replonger dans mon enfance de jeune garçon issu (attention au discours de haine et de racisme !) d’une famille de « l‘unité nationale ». Je n’en dis pas plus. Ce n’est pas moi qui inaugurerai la prison des propos racistes et haineux. Même si, en fait, on n’entend plus parler, ni de la marche du 9 Février, ni de la grosse campagne médiatique qui l’a précédée, ni de celle qui l’a suivie. Mais, mord ou ne mord pas j’y mets pas mon doigt ! Conférence de presse tout autant bourrée de montages que montée de bourrages. Exemple, avec la dernière du ministre des Finances. Trente minutes de commentaires pour expliquer, aux journalistes, où sont passés des milliards égarés devenus œil blanc. Puis histoires de gaz. Puis histoires de l’administration et des administrés. Visites, dans toutes les wilayas, du ministre de l’Intérieur et de la décentralisation, pour, dixit le ministre de la Communication, « rapprocher l’administration des administrés ». Heureusement que le ridicule ne tue pas. Sinon, on en serait tous morts. Depuis vraiment très longtemps. Le Président. Son candidat à la présidentielle de 2019. La presse. La Société civile. Les gouvernements successifs. Les députés. Les oppositions. Les majorités. Puisqu’il n’y en a plus qu’une, l’Armée, tout le monde serait « cadavéré » depuis très longtemps. Comme ça, on en aura fini avec cette grosse farce de très mauvais goût. Montage. Mensonge. Mauvaise foi. Moquerie. Ministre de l’Intérieur et de la décentralisation. Réunion avec les chefs de service et les élus, le jour. Retrouvailles avec les notables, chefs de tribus, groupes politiques et tendances, le soir. Heureusement que le mensonge et le ridicule ne tuent pas. Sinon, on en serait tous morts, deux fois, depuis très longtemps. Jonglage. Equilibrisme. Comme ça, ni la taditt (récipient où l’on trait les animaux) ne s’assèche, ni le veau ne meurt. Encore six mois de « réalisations extraordinaires depuis les dix dernières années ». Encore six mois de « tout le pays est en chantier ». Dans tous les domaines. Les villes anciennes : Ouadane, Chinguetti, Oualata, Tichitt, leurs mosquées, leurs manuscrits, leurs mahadras et autres vestiges, tout ça, c’est depuis dix ans que ça a commencé à exister. Ah oui ! Juste depuis dix ans. C'est-à-dire, pile en 2009. Avant ? Bon, c’était là-bas mais personne ne le savait. Depuis, petit à petit, plus ça approche, plus ça s’éloigne : formatage en cours. Dans les têtes. Les cures d’adaptation, ça prend du temps. Attention aux lapsus compromettants ! Il faut aller doucement, en procédant par substitution. Va doucement, celui qui a « en lui » de courir. Salutations. En tendant la main à Christine Lagarde ou en s’inclinant (trop à mâcher la terre) très poliment devant le Président. Ça fait quoi, tout ça, au point de ravir la vedette des réseaux sociaux ? Cette histoire des-hommes-qui-ne-doivent-pas-saluer-les-femmes. Ce n’est pas dans l’absolu. Mais il faut faire comme son chef. Même s’il est admis, chez les militaires, que celui-ci a toujours raison, certains saluent les femmes. Comme le fait d’ailleurs souvent le Président. D’autres ne le font pas. Des femmes saluent des hommes. Des hommes saluent des femmes. Tout ça me rappelle la croustillante anecdote d’un célèbre artiste national à qui un présentateur TV demandait pourquoi il ne jeûnait pas le Ramadan. Il répondit par une logique de fou : « Si tous les Mauritaniens jeûnent, je vais jeûner. Mais comme il y en a qui jeûnent et d’autres pas, moi, je choisis d’être avec ceux qui ne jeûnent pas ». Saluer ou pas, applaudir ou pas, il faut choisir son camp. Comme l’artiste. Salut.
Sneiba El Kory