Honneur.
Depuis quarante ans de régimes militaires, sauf quinze mois de tentative civile, l’honneur ? Des derniers aides de camp du président Moktar Ould Daddah, tous putschistes et s’étant succédés à la tête de l’Etat dans l’ordre chronologique de leur service auprès du fondateur, tous sauf le dernier qui l’arrêta aux aurores du 10 Juillet 1978 au motif que l’armée lui a retiré sa confiance. Et entre eux, l’honneur ? De renverser en son absence du pays, le plus ensanglanté mais durable d’entre eux, exactement comme celui-ci l’avait fait de son prédécesseur. L’honneur ? De renverser le seul président élu au deuxième tour d’un scrutin pluraliste internationalement garanti, et dont il était l’aide de camp et chef de la garde rapprochée. L’honneur ? Pour tant réfléchir aux manières de se parjurer et de transgresser la lettre d’une Constitution justement approuvée par referendum.
L’honneur ? De fausser ou empêcher la mémoire historique nationale pour susciter un « peuple de martyrs », déjà salué comme tel par les premiers en date des putschistes. Ainsi, le drapeau originel du pays peut-il s’ensanglanter, l’aéroport international se baptiser d’un épisode militaire pendant la pénétration française, mais c’est à l’ancienne métropole – honneur ? – qu’est achetée, un million d’euros en billets, de la main à la main, la conscience du secrétaire général 1de l’époque à l’Elysée pour que la France cautionne en Afrique et pour l’Europe le dernier putsch en date : 6 Août 2008.
Fraternité.
Les pogroms du printemps de 1989, fraternité ? Les années de braise de 1987 à 1991 quand les militaires d’autres ethnies assassinent leurs camarades Peuhls ? Fraternité… L’impunité des persistantes pratiques esclavagistes malgré leur incrimination selon la loi du 3 Septembre 2007.
Justice.
Justice… l’accaparement des ressources naturelles du pays par la parentèle du maître de la République, tandis que les fournitures et les médicaments en hospitalisation sont à la charge des patients, tandis que les paysans et éleveurs ne sont toujours pas initiés aux régimes coopératifs de mise en commun des semences, des outils, tandis que l’enseignement primaire n’approche la qualité que payant ? Justice… quand un seul groupe tribal l’emporte sur toute autre communauté traditionnelle pour les postes, les marchés ?
Le retour à la sincérité ne se fera pas des élections truquées, par des textes sollicités, mais en s’inspirant de l’histoire nationale contemporaine et des immémoriales traditions de débats et de consensus. Le ou la candidate unique de toutes celles et tous ceux qui veulent en revenir aux valeurs fondatrices de la Mauritanie moderne et à un modèle de dignité politique qu’elle a eu la chance de susciter dans toute une première génération, celle de l’indépendance, ne peut obtenir la victoire ni tenir sa légitimité selon cette seule victoire. Comme dans les années 1960 et 1970 – celles du parti unique de l’État, si mal compris après le renversement de celui qui l’avait établi selon le consensus de toutes les forces politiques et sociales du pays exigeant l’unité – le candidat se voit seulement consacré par les urnes. Elle ou il aura été présenté consensuellement aux électeurs mauritaniens. Pas une bataille entre chefs de parti, surestimant, depuis vingt-cinq ans, leur capacité face au candidat de l’État putschiste.
Mais comment le distinguer ? La Mauritanie a eu la chance de recevoir pour la diriger dans les circonstances qu’il fallait vaincre pour qu’elle se fonde un homme d’exception, de ténacité, une personnalité discernant tout par son total désintéressement personnel, qui est la plus haute forme de l’intelligence politique. Malheureusement, l’Histoire – pour aujourd’hui – n’impose pas un opposant exemplaire, charismatique, notoire nationalement et internationalement qui ait pendant des décennies incarné le pays bien plus que les putschistes successifs : un Nelson Mandela, un Gandhi.
Pourtant, la Mauritanie a de la ressource humaine : belle. De grands administrateurs, d’expérience gouvernementale dont les Mauritaniens qui savent juger, connaissent l’intégrité. Ils ne sont pas nombreux, ils existent. De grands juristes et avocats, les défenseurs des droits de l’homme, l’un d’eux depuis trente-cinq ans, les défenseurs de la Constitution, l’un d’eux ayant collationné les titres les plus prestigieux des universités françaises. Ils sont notoires.
Les grandes personnalités politiques, les chefs de partis, les défenseurs de la grande cause sociale et égalitaire, les praticiens du droit, peut-être à dix ou quinze, pourraient-ils se réunir, reconnaître l’un d’eux, faire savoir leur choix et leur soutien au pays et au monde.
Dieu et son élu pour la Mauritanie, Moktar Ould Daddah veuillent inspirer et bénir cet effort. Et que mon propre pays, la France ne prête pas une fois encore la main à la continuité du mensonge et des accaparements.
Bertrand Fessard de Foucault
pour Le Calame – lundi 28 janvier 2019
Réfléchissant à ce que je viens d’écrire et à l’hypothétique candidat ou candidate pour le retour aux valeurs nationales, je reçois ceci d’un ami de dix ans, professeur émérite à l’université de Nouakchott.
Comme vous savez, ces 10 années de pratiques agressives et destructrices ont eu leurs effets sur l’homme politique mauritanien et sur l’homme tout court.
Cyniquement les putschistes et médiocrités militaire comptaient sur le temps pour emporter, balayer la génération intègre et patriotes des fondateurs Moktariens et sur l’embargo financier économique et administratif pour laminer les âmes et les corrompre.
Les proches de Moaa sont tous devenus milliardaires en ouguiya; lui et sa famille : milliardaires en dollars et tous les autres mauritaniens et surtout ceux qui tiennent à quelques principes ou valeurs patriotiques et dignité de sont systématiquement appauvris.
Ahmed Daddah, par exemple, a vendu tous ses biens, les autres chefs politiques idem
L’endettement et le surendettement deviennent un recours obligé. L’opposition n’a pas pu accéder à ses voix lors des dernières élections parce qu’ils n’avaient pas de quoi payer les frais de transport et de déplacement. Les candidats n’avaient pas les moyens d’être vus par les électeurs. Seuls les islamistes et le pouvoir avaient le moyens de bouger pendant les élections.
Manque de moyens tue l’ambition. Sans ambitions et sans moyens on perd confiance en soi.
Sans cette confiance en soi, comment voulez vous que les autres vous désirent et vous soutiennent?
Pendant les 10 années /et au delà / les cadres intègres ou ayant des talents ont été écartés, interdits de hauts postes et donc privés d’avoir des expériences et de pouvoir s’en prévaloir.
L’exécutif qui va organiser les élections ne laissera aucune chance à un candidat autre que celui qui sera à la solde du Chef de l’Etat ( bourrage des urnes .. fraudes ..) pour la simple raison que si le président élu n’est pas celui qui est désigné de Moaa toute la jeunesse et la population sortiraient dans les rues pour réclamer au Président élu de nationaliser des usines, sociétés et marchés mal acquis durant la décennie, par ce dernier.+ les poursuites judiciaires.
Ces facteurs conjugués font que tout le monde, les candidats en premier, ne croient nullement à l’alternance.
Pourtant on pense que certains candidats, proches de lui aujourd’hui, pourraient prendre leur distance, une fois élus.
Tout le monde sait aussi que la peur, la terreur que ce geôlier du pays et de toute une population inspirait à tout un peuple disparaîtront dès sa sortie du palais.(...)
Si le président élu prend ses distances de lui et de sa mafia, je le soutiendrai, comme j’avais soutenu Sidioca.
Si le système Moaa se perpétue avec lui tirant les ficelles, il est fort probable que j’irai m’installer au Sénégal au Maroc ou ailleurs.
1 - Claude Guéant qui vient d’être condamné à un an de prison ferme, mais seulement pour des malversations et primes de cabinet au ministère de l’Intérieur, pas encore pour sa forfaiture mauritanienne