Le Calame : Comme de nombreux mauritaniens, vous avez participé à la marche de l’UPR ou avez écouté le discours du président de la République prononcé à cette occasion contre des discours qui visent, selon lui, à saper l’unité Nationale. Qu’en avez-vous retenu ?
Sidi Mohamed Diarra : Même si je n’ai pas eu l’occasion de prendre part personnellement à cette marche, ma conviction est que l’initiative est opportune, judicieuse et qu’elle peut être salutaire. Il a eu raison de s’adresser à tous les mauritaniens au-delà des clivages politiques et des rivalités personnelles et je ne suis pas étonné par la forte mobilisation populaire qu’elle a suscitée.
Plus que jamais, dans un contexte international particulièrement tourmenté, nous avons le devoir moral de nous départir de tout ce qui peut, de loin ou de près, directement ou indirectement, porter atteinte à l’unité nationale et à la cohésion sociale. Je me sens, en ce qui me concerne, totalement concerné, c’est pourquoi, je suis viscéralement hostile au racisme, à la discrimination, à la stigmatisation, à la radicalité, à tout comportement violent et à tout discours haineux.
Je ne peux, donc, que saluer l’initiative comme le discours tenu à l’occasion et, compte tenu de la présence massive de nos compatriotes, je me sens par ailleurs, rassuré de savoir que ma préoccupation est partagée.
-A votre avis pourquoi de tels discours prospèrent depuis quelques années en Mauritanie ? Pensez-vous que ce discours et les menaces proférés par le président Aziz suffisent à dissuader ceux qu’il n’a pas hésité à qualifier de « criminels » ?
Nous sommes dans un Etat de droit, les textes existent et sanctionnent tout ce qui est constitutif d’infraction, il faut simplement les appliquer mais de manière équitable, impartiale et avec rigueur. Parallèlement, il l y a lieu de cultiver et de développer le civisme, l’esprit patriotique et l’appartenance partagé du pays, de même qu’il est impératif de renforcer la représentativité de toutes nos composantes à tous les niveaux de l’Etat pour surmonter le sentiment d’exclusion et de marginalisation.
-Cette marche intervient au moment où des régions rivalisent en initiatives appelant à un 3e mandat pour l’actuel président qui achève d’ici quelques mois son 2ème et dernier mandat. Comprenez-vous ces sorties ? Pensez-vous comme certains, qu’elles peuvent constituer une menace pour la démocratie Mauritanienne ?
Pour des motifs d’affaires, j’étais à l’étranger quand a vu le jour la première initiative pour laquelle je n’ai pas été consulté. Outre les raisons exprimées publiquement, je ne peux vous dire les motivations de tel ou tel groupe qui appelle à un 3e mandat et je ne ferai pas non plus de procès d’intention parce que je suis résolument attaché à la liberté d’expression. Pour ma part, je ne peux pas être plus royaliste que le roi. Jusqu’à preuve du contraire, je m’en tiens aux déclarations du Président avec lequel je me suis entretenu longuement sur la question la veille du référendum à l’occasion d’une audience qu’il a eu l’obligeance de m’accorder. La prochaine élection présidentielle est un rendez-vous démocratique crucial pour notre pays auquel je me prépare très activement.
- Est-ce que cela veut dire que vous allez présenter votre candidature comme certains vous le prêtent?
-C’est, en effet, quelque chose que j’ai envisagé et c’est un secret de polichinelle puisque j’avais déjà fait des déclarations en ce sens. Il convient d’aborder la question après mûre réflexion et différentes consultations. Quand on a de grandes ambitions pour son pays, on n’a pas le droit de se dérober face aux questions qui déterminent notre avenir. C’est pourquoi, dans un avenir proche, je prendrais une décision définitive sur la question à laquelle je m’y tiendrais comme je le fais à chaque fois au terme de ma réflexion et prise en compte du contexte social et politique.
Revenons un peu en arrière. Élu député maire de Rosso sous les couleurs du parti El Wiam, vous avez fini par en claquer les portes. Voudriez-vous d’abord nous expliquer les raisons de ce divorce ? Ensuite pourquoi, après le refus par le ministère de l’intérieur de reconnaître le parti que vous vouliez mettre sur pied avec un groupe d’amis, vous n’avez pas rejoint un autre parti politique, l’UPR, en l’occurrence pour lequel vous vous êtes investi lors des dernières élections locales ? Quelles sont depuis, vos rapports avec président Boydiel ?
-Nous avions acquis la conviction, mon groupe et moi, qu’il s’imposait de proposer une vision différente et qu’il fallait inventer quelque chose de nouveau pour intéresser et faire participer une majorité de mauritaniens, à partir d’instances locales réellement prises en compte dans la définition et la réalisation des politiques. Il nous a semblé clairement que nous ne pouvions pas le faire au sein d’El Wiam. J’ai donc, quitté ce parti, non pas pour rejoindre un autre mais pour incarner mes préoccupations sociales dans une formation politique nouvelle attachée à l’enracinement local, dans le cadre d’une démarche politique et d’une approche électorale en accord avec moi-même et avec mes convictions. J’en avais, à l’époque, discuté préalablement avec Boydiel qui l’a compris, accepté et qui m’a, par ailleurs, souhaité bonne chance. Et c’est pourquoi, le concernant, ma haute considération n’a pas varié car je n’oublie pas combien il a été bienveillant à mon égard ces années passées politiquement ensemble.
En ce qui concerne le parti, je reste intiment convaincu qu’il fera bien l’objet d’une reconnaissance légale de la part des autorités compétentes ; je n’ai aucune raison particulière, au regard des garanties obtenues, de croire au contraire.
Quant à notre position à Rosso lors des dernières élections, elle a été dictée fondamentalement par l’intérêt général de notre chère et tellement attachante ville. Le choix de renoncer à tout mandat électif local ne réduit en rien mon engagement entier et résolu au service des Rossossois. J’entends bien continuer à placer leurs préoccupations et leurs attentes au cœur de tout ce que nous faisons et cela au-delà de tous les clivages et quelle que soit la forme légale que prendrait mon investissement politique.
Propos recueillis par Dalay Lam