Dans ce no men’s land, qu’est la Mauritanie, l’arbitraire est la règle et l’ordre une exception, des arrestations et gardes à vue à tour de bras, en dépit de toutes normes précises déterminées par la loi. Malheur à celui ou à celle qui osera remettre en question un ordre dans le désordre établi, le spectacle d’une justice exemplaire sera rudement assuré, et surtout, quand il s’agit d’une voix qui porte comme celle de Biram Dah Abeid. Ce dernier ayant fait le choix de ne pas servir la soupe, est devenu la bête noire d’un système vertical autocratique. Sous le joug d’un clanisme exacerbé, l’Etat marche sur la tête, une répression féroce fait rage, ce ne sont pas les derniers événements qui diront le contraire ; l’appareil d’état ordonne et la police exécute. Il n’y a pas une manifestation pacifique ou sit-in qui n’est pas réprimée dans le sang, puis des arrestations, des tortures abusives, des éloignements et sans aucun jugement rendu en amont et encore moins en aval, des jours, des semaines voire même des mois selon son humeur. Ce pays est meurtri, par ce règne sans partage, ni loi, ni foi, à la répression facile, un pays dans tout son Bolchevisme. Je plains cette justice en lambeaux, cette éducation à la ruine et ce service public morbide. Une seule et unique réponse à TOUT, la répression. Ma République se meurt, d’abus, d’angoisse et d’utopie.
C’est dans ce contexte que le président d’IRA Biram Dah Abeid a encore une énième fois été arrêté chez lui, à quelques jours de l’ouverture de la campagne électorale (municipales, régionales et législatives), des élections auxquelles il était candidat pour les législatives, dans la liste nationale. Pour motiver cette arrestation, ils arguent qu’un journaliste a porté plainte contre lui. Et pourtant, Sans confrontation aucune, la police vint le cueillir chez lui puis le conduire au commissariat où il resta pendant six jours, au lieu des 48h prévues par la loi, avant son transfèrement. Ce n’est encore qu’un prétexte, un de plus pour le mettre en détention. Encore une aberration, une de plus. Le pire, c’est qu’on s’en accommode. Si notre liberté de dire, d’agir et de se mouvoir dépend du bon vouloir d’un système quel qu’il soit, on est mal. Et là, c’est vraiment le cas de le dire, puisqu’il n'est aucun de nos actes qui ne pose le problème de la liberté ; aucun de nos engagements ou de nos pensées qui ne dépend d’elle. La liberté est un bien précieux qui fait jouir d'autres biens. Montesquieu indique dans ses cahiers que l'arrestation prive l'homme de ce bien précieux qui est la liberté. Elle ne peut par conséquent être décidée que dans le respect strict des conditions établies par la loi.
Et surtout que notre arsenal juridique stipule et garantit clairement, les droits et libertés fondamentaux, mais qu’à cela ne tienne les autorités Mauritaniennes passent outre, pour faire et défaire, selon les intérêts des discussions de salon ou des Khayma, oubliant que tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne, que nul ne peut faire l'objet d'une arrestation, ou d'une détention arbitraire, ou nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs et conformément à la procédure prévue par la loi. Ils ne se rendront compte de ces principes, que lorsqu’ils se retrouvent du côté opposé du pouvoir, et qu’à leur tour, subissent l’arbitraire des expropriations, des humiliations ainsi que des enfermements abusifs. Il suffit à ce titre de voir ce que sont devenus les tyrans d’hier qui étaient au pouvoir. L’histoire est en train de bégayer en Mauritanie.
Arsenal juridique inappliqué
D’autre part cette arrestation et incarcération défraient la chronique, au-delà même des frontières de la Mauritanie. Des manifestions de soutien à Biram Dah Abeid se multiplient, en Belgique, en France pour ne citer que celles-là.
Deux députées françaises en occurrence Danièle Obono et Clémentine Autain ont même dénoncé et soutenu publiquement le président Biram Dah Abeid. Le gouvernement Mauritanien fait la sourde oreille pour le moment, et c’est profondément regrettable que ceux qui sont censés veiller au respect des droits, profitent et en abusent pour fouler du pied les droits les plus élémentaires.
Quand on parle de ces droits, certains font mine de ne comprendre, et pourtant cesdits droits de l'homme sont inhérents à la nature humaine, par conséquent antérieurs et supérieurs à l'Etat et que celui-ci doit respecter non seulement dans l'ordre de but mais aussi dans l'ordre de moyens. Ces droits sont universels car ils concernent tout être humain où qu'il se trouve sans distinction de sexe, d'âge, de race, de religion, ... Ceci est le gage de la dignité humaine. Un individu qui ne jouit pas de ses droits, se sentira à juste titre diminué par rapport à l'autre qui en jouit pleinement.
En agissant ainsi, le gouvernement mauritanien s'inscrit dans la logique d'un Etat de police, pour ne pas dire autre chose, qui s'oppose à un Etat de droit. En effet, l'Etat de police édicte certes, des règles de droit qui s'imposent à tous, mais sans que l'Etat lui-même soit soumis à des règles supérieures, alors que l'Etat de droit implique que l'Etat ou le pouvoir public soit lui aussi soumis au respect de règles juridiques.
Si besoin était, voici un rappel sur les droits et libertés inhérentes à la personne humaine :
« Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé.
Est puni d'une servitude celui qui, par violence, ruse ou menaces, a enlevé ou fait enlever, a arrêté ou fait arrêter arbitrairement, détenu ou fait détenir une personne quelconque.
Tout fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d'un service public ou toute personne agissant sur son ordre ou son investigation, qui aura intentionnellement infligé à une personne une douleur ou des souffrances aigues, physique ou mentale, aux fins d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne les renseignements ou des aveux devrait être puni conformément à la loi ».
DIALLO Saidou
Paris/ France
Le 10/10/2018