Cheikhna ould Hajbou, président du parti EL Karama, député à l'Assemblée nationale : ‘’Les résultats De Tawassoul s’expliquent par la faible coordination entre les partis de la Majorité’’

18 October, 2018 - 16:16

Le Calame : Que vous inspire l’agitation, avant la convocation, par décret présidentiel, en date du vendredi 5 Octobre, de la première session, lundi 8 du mois courant, de la nouvelle Assemblée nationale ? Certains, au sein de l’opposition, ont parlé de « cafouillage »  voire,  de « violation » de la loi fondamentale

Cheikhna ould Hajbou: Nous ne voyons aucune justification, ni politique, ni juridique, à telle agitation. Nous pensons, plutôt, qu’il s’agit d’une tradition, chère à l’opposition politique, d’essayer de dramatiser toutes circonstances, sans remettre en cause l’objectivité de sa protestation.

 

- La Mauritanie vient de connaître des élections municipales, régionales et législatives  auxquelles, l’opposition dite radicale a, cette fois, pris part. Selon les résultats proclamés par la CENI, le principal parti de la majorité présidentielle (UPR) a  raflé la mise pour les trois scrutins et Tawassoul reste la première force de l’opposition dite radicale. Quelles  évaluations vous faites de ces scrutins ?

- Il est naturel que, lors de telles élections auxquelles participent toutes les forces politiques, tous les partis rassemblent leurs forces, pour obtenir le meilleur score. Dans ce contexte, il est possible d'expliquer la supériorité des résultats de l'UPR, non seulement, par la mobilisation populaire, exprimée par la majorité du peuple mauritanien, lors de la campagne d'adhésion à ce parti, à la veille des élections, mais, aussi, par le vaste rassemblement du peuple mauritanien autour du président de la République, démontré par son vote massif pour l'UPR et le reste des partis de la majorité qui soutient le président de la République.

En ce qui concerne la deuxième partie de votre question – les résultats obtenus par le parti Tawassoul – nous pensons qu’ils sont en nette diminution, par rapport à ceux de 2013. Par ailleurs, le plafond de ces résultats est dû à une faible coordination, entre les partis de la Majorité, au niveau des circonscriptions dites à proportionnalité. Si cette coordination avait été mieux préparée, les résultats de Tawassoul auraient été bien moindres.

 

- El Karama a remporté six sièges à l’Assemblée nationale. Qu’est-ce explique cette performance de votre parti qui n’est, en fait, entré dans l’arène politique que lors des  élections de  2013 ?

-Tout d’abord, il y a lieu de noter qu’El Karama est né en tant que parti populaire, largement implanté au niveau national et jouissant d’une bonne réputation, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Cela a été démontré lors de sa première participation aux élections nationales de 2013 où il arracha six sièges à l’Assemblée nationale de l’époque, représentant des circonscriptions très importantes. Sa popularité a augmenté au cours des cinq dernières années, période que nous considérons comme une phase de constitution et de développement.

En fait et comme vous l'avez mentionné, notre parti a bien remporté six sièges au nouveau Parlement. Ce n'est pas une surprise pour nous car nous nous attendions à un résultat bien meilleur, en raison de la coordination, entre nous et l'UPR, au niveau des circonscriptions dites à proportionnalité. Cependant, le maintien des résultats de 2013 dans les prestations de 2018, compte tenu du niveau de participation aux deux sessions, est considéré comme un résultat honorable.

 

-Que vous inspire l’escalade entre le pouvoir et Tawassoul ? Que pensez-vous des menaces de  dissolution  qui pèseraient  contre  le parti islamiste ?

-Ce qui a été dit, à propos de l'islam politique, est certainement justifié et les réserves formulées à son sujet le sont également, au regard des données vécues.  En ce qui concerne ce que vous avez appelé les « menaces » de dissolution du parti Tawassoul, je n’en suis pas au courant. Par conséquent, je n’ai pas de remarque là-dessus.

 

- Les élections ont montré l’émiettement de l’arène politique. Près d’une centaine de partis politiques y ont pris part, avec les résultats qu’on connaît. Que pensez-vous de la loi qui vise à dissoudre tout parti politique n’ayant pas obtenu 1%, après deux élections locales ? Pourrait-elle assainir  l’arène politique ?

- Cette loi n'est pas nouvelle et fait presque l'unanimité parmi les forces politiques qui ont participé au dialogue national global organisé en 2016. Nous pensons qu'elle est utile en vue d'une proportionnalité acceptable pour l'accès au Parlement.

 

- La présidentielle de 2019 est dans tous les esprits.  Pour certains, l’actuel Président  qui  achève son second et dernier mandat entretient le « flou » sur ses véritables intentions de modifier la Constitution en vue de briguer un troisième mandat. Pour d’autres, il ne touchera pas à la Constitution, comme il l’a maintes fois répété. Que pensez-vous de ce débat ? À qui  profite-t-il ? Que faudrait-il faire, à votre avis, pour l’organisation d'une présidentielle consensuelle et apaisée, en 2019?

-Permettez-moi de ne pas partager votre avis à ce sujet. Pour moi, le président de la République n’a jamais été ambigu au sujet de la modification de la Constitution pour un troisième mandat. Au contraire, il est resté explicite pour le respect de la Constitution.

La tenue des élections présidentielles de 2019 incombe au peuple, aux forces politiques mauritaniennes ainsi qu'aux institutions et mécanismes constitutionnels chargés de l'organisation de ces élections.

 

- La majorité présidentielle dispose d’environ 122 députés sur 157. L’opposition pense que vous allez en user pour modifier la Constitution et, partant, ouvrir la voie  du troisième mandat au président Mohamed Abdel Aziz.  Que leur répondez-vous ?

-Nous avons la ferme conviction que le peuple mauritanien ou ses représentants ont plein droit d'agir conformément aux intérêts supérieurs  du pays.

 

- Que pensez-vous de l’incarcération  du député Biram Dah Abeid  et de la répression  des forces de l’ordre contre les militants d’IRA venus réclamer, devant l’Assemblée, la libération de leur leader ?

-Le cas du député Biram ould Abeid est entre les mains la justice et je ne pense pas,  en tant que législateur, qu'il soit approprié de le commenter. La répression que vous évoquez m’est totalement inconnue.

Propos recueillis par Dalay Lam