Félicitations, monsieur le Président ! Le slogan de votre campagne de 2009 était bel et bien prémonitoire. Votre vœu a été exaucé. Vous êtes devenu, comme vous le vouliez, le président d’un pays dont 89% sont (devenus) pauvres. Champion du monde de la misère, à défaut de l’être en autre chose. Et ce n’est pas de la littérature ou des « accusations sans fondement », comme dira, demain, le porte-parole du gouvernement : dans un rapport préparé par les Nations Unies, avec le concours de la Ligue Arabe et de l’Université d’Oxford, tout récemment publié, le niveau de pauvreté extrême, dans dix pays arabes, dépasse 13%. Avec des disparités entre eux. Ainsi le pourcentage de pauvres est de 69% au Yémen, 73% au Soudan et… 89% en Mauritanie. Mais c’est quoi, la pauvreté ? Le rapport donne des indications précises : une situation économique où l’individu n’a pas un revenu minimum qui lui assure l’alimentation, l’habillement, l’éducation et les soins. Avec, en corollaire, des inégalités sociales qui entraînent, à leur tour, chômage, faim et mendicité.
Serions-nous donc pauvres à ce point qu’on ne s’en rende même plus compte ? Comment un pays, qui dispose d’autant de richesses naturelles (fer, poisson, cuivre, or et autres métaux précieux), d’un potentiel agricole immense et de ressources animales aussi importantes, peut-il être dans une telle situation ? Ça devrait tous nous interpeller, quand même ! Qu’avons-nous fait de toutes ces recettes générées par l’exportation de nos ressources minières et des financements obtenus auprès de nos partenaires ? Pourquoi la majorité d’entre nous n’a ni logement décent, ni eau courante, ni électricité, ni éducation de qualité, ni soins ? Qu’un pays d’à peine 3,5 millions d’habitants, riche à ce point, soit en queue de peloton des pays pauvres, il y a véritablement de quoi s’interroger.
Il y a une décennie, notre objectif était d’atteindre le point d’achèvement de l’Initiative PPTE (pays pauvre très endetté) pour avoir droit à l’effacement d’une partie de notre dette multilatérale. Nous l’avons atteint et nous avons été « achevés ». Notre dette a été épongée mais nous n’en avons pas été, pour autant, plus riches. Au contraire, nous ne cessons, depuis près de dix ans, de nous enfoncer dans la misère. Pourtant avec la hausse des prix des matières premières, enregistrée il y a quelques années et les financements extérieurs, le pays n’a jamais obtenu autant de ressources. Où est donc le problème ? Dans la mauvaise gestion, le détournement, la corruption, les mauvais choix, l’absence de vision, les projets coûteux, l’incompétence, le népotisme, la gabegie. Bref, il est dans cette Mauritanie nouvelle où une infime minorité est choyée et la grande majorité oubliée. Jamais, en effet, depuis l’avènement de l’Azizanie, les inégalités sociales n’ont été aussi fortes, les pauvres aussi nombreux et la mendicité aussi voyante. Et aussi paradoxal que cela puisse paraître, des individus, partis de rien, sont devenus milliardaires, comme par un coup de baguette magique. Bénéficiant de marchés et de passe-droits, ils ont fait main basse sur tout ce qui bouge, ne laissant même pas des miettes aux autres. Avec un acharnement de tous les instants à faire, d’Ould Abdel Aziz, un incontestable président des pauvres… au prix de l’honneur, de la fraternité et de la justice. Une république non-islamique, donc, par soustraction successive...
Ahmed Ould Cheikh