La campagne d’adhésion à l’UPR s’est achevée, il y a quelques jours. Les Mauritaniens attendent la publication officielle des résultats, pour se faire une idée exacte du nombre d’adhérents ayant choisi de militer au sein de cette formation politique, objet, comme on l’a signalé dans nos précédentes éditions, d’une véritable déferlante. Pour quelles raisons ? Un vrai mystère, pour nos analystes et acteurs politiques objectifs.
Une chose est quand même certaine : si les chiffres qui circulent déjà, depuis quelques jours, sont confirmés, l’UPR aura réussi une prouesse digne de la Russie, de la Chine ou de la Corée du Nord, un peu moins de l’Égypte. On est donc aujourd’hui en droit de se demander s’il reste encore de la place pour les autres partis politiques : opposition dialoguiste, opposition dite radicale rassemblée au sein du G8 et, même, les autres partis de la Majorité présidentielle. Avec un plus d’un million d’adhérents, dans un pays qui ne compte pas quatre millions d’habitants, l’UPR devrait aborder les prochaines échéances électorales avec beaucoup de sérénité, face à ses potentiels adversaires. D’où la légitimité du doute de l’opposition, notamment FNDU et RFD, qui, tout décidés qu’ils peuvent être à s’engager dans la bataille, savent à quoi s’attendre. « Ils ne vont à la confrontation que pour en contester les résultats », avance Bamba ould Daramane, de l’UPR, qualifiant cette attitude de « défaitiste ». Un propos qui semble confirmer ce que redoute l’opposition radicale, à savoir le manque de transparence du processus électoral.
Le refus du pouvoir à donner place, à cette opposition, au sein de la CENI, n’a évidemment pas contribué à apaiser la tension, encore moins amoindri les risques de contestation. Des contestations déjà en cours, avec la dénonciation de l’« illégalité », pour ne pas dire « illégitimité », du nouvel directoire de ladite CENI. Le président de l’Institution de l’opposition démocratique a même annoncé le dépôt d’un recours auprès du Conseil constitutionnel. Quoiqu’il en advienne, le processus électoral est désormais lancé, avec, surtout, l’annonce officielle, par le FNDU, de sa décision de participer, d’abord, aux prochaines élections locales, et à la présidentielle, ensuite. La bataille est donc engagée, les uns et les autres ne tarderont pas à affuter leurs armes.
Veillée d’armes
Le temps semble d’autant plus compté, pour les différents camps politiques, que les élections locales pourraient se tenir dès Août prochain. Côté UPR, on doit rapidement parachever la mise en place des instances de base du parti et procéder à l’élection des membres du Conseil national, du Bureau exécutif et de son nouveau président. Une course contre la montre, avant de passer au choix, cornélien, des candidats aux élections, avec probablement des batailles rangées entre les différentes tendances du parti qui, comme on vient de le voir, s’en sont déjà livrées beaucoup, lors de la campagne de réimplantation. Une autre l’attend aujourd’hui, avec l’entrée en scène de l’opposition dont le boycott ouvrait grandes les portes de la victoire, à la majorité et à l’opposition dialoguiste. Même si elle dispose de sérieux atouts, des moyens de l’État et l’appui des hommes d’affaires, l’UPR aura fort à faire, pour conserver sa mainmise sur le terrain.
Elle ne manquera sûrement pas de convoquer les réalisations de son mentor. Si, comme le chantent ses thuriféraires, la mandature de l’actuel Président a mis en place d’importants projets structurants, dans les domaines de l’eau, du transport, de l’électricité, et de la sécurité des frontières, les messagers de l’UPR auront tout de même des difficultés à convaincre les citoyens dont les conditions de vie ne cessent de se dégrader, à cause, entre autres, de la montée régulière des prix des produits de première nécessité, de la rareté du travail dans le marché et, même,de l’état des fameux goudrons d’Aziz.
Elle devra également se battre pour faire oublier l’affront subi, avec le rejet, par le Sénat, de la modification de la Constitution, et, en corollaire, le résultat plus que passable du scrutin référendaire du 5 Août. La très forte implication du président de la République en personne n’a pas suffi, à lui seul, à faire plébisciter le texte. L’« engouement » dont les citoyens ont fait montre, lors de la campagne d’adhésions sera-t-elle rééditée lors des prochaines élections locales ? Une réponse négative serait un véritable fiasco pour le pouvoir.
De son côté, l’opposition doit se hâter d’affiner sa stratégie et, surtout, renouer avec ses bases. Nombre de militants de ses partis politiques s’interrogeaient sur sa stratégie de boycott. D’aucuns ont d’ailleurs fini par s’enrôler au sein de l’UPR, pour soutenir tel ou tel clan contre un autre. Il lui faudra donc batailler fort et Dieu sait combien les arguments ne manqueront pas : gabegie, népotisme, chômage, insécurité urbaine, problème d’éducation, santé, etc.
Arbitre partial ou impartial ?
La première pomme de discorde, entre le pouvoir et l’opposition, aura été la mise en place de la CENI. Une structure d’arbitrage fondée par la majorité et l’opposition dialoguiste. Aussitôt rendue publique, sa composition a suscité des interrogations sur son indépendance. L’opposition radicale s’est empressée de dénoncer le népotisme qui a caractérisé le choix de ses membres. L’essentiel des personnes cooptées est en effet lié à des personnalités du pouvoir ou à des présidents de partis dialoguistes. Pour l’opposition et, même, pour certains cadres de l’UPR, cette CENI ne dispose, non seulement, de personnalités d’envergure mais, moins encore, d’indépendance, pour garantir la neutralité entre les camps décidés à s’engager dans la bataille électorale. Même si un observateur de l’arène politique prédit une « CENI paisible » qui ne fera pas de vagues, la nouvelle équipe aura fort à faire pour convaincre. Son premier test sera la mise en place de son administration.
Face un tel arbitre dont elle remet en cause l’impartialité, l’opposition réclame la présence d’observateurs étrangers indépendants. Une proposition rejetée par le président de l’UPR. On espère que d’ici Août, les uns et les autres parviennent à un minimum de consensus, autour de ces élections, capitales pour le pays et test grandeur nature, pour la présidentielle de 2019.
DL