Les affaires. Pas celles qui rapportent beaucoup d’argent. Pas être ni un homme ni une femme d’affaires. En Mauritanie, cela n’a pas la même signification qu’ailleurs. Quand, en Mauritanie, vous entendez : « C’est un homme ou c’est une femme d’affaires », ressaisissez-vous, ayez la présence d’esprit de demander : « en quoi ? ». Les affaires, en Mauritanie, tout y entre : de la vente de drogue au vol des gouéras (espèce de chèvres mangeuses de plastique), en passant par la falsification de diplômes, le bradage des gazras, la pratique du plus vieux métier au monde, « l’entremetteuriat » et le « commissionnariat ». Dans les affaires, tout y passe. Pour les faire, il faut être un spécialiste en beaucoup de choses mais, surtout et impérativement, en mensonge, arnaque et mauvaise foi. Ce n’est pas qu’il n’y ait pas des hommes et des femmes honnêtes. Mon vieux, il y en a, des gentils hommes et de gentilles femmes. Comme partout. Les affaires dont il est question, c’est comme on dit chez nous, par exemple : celui-là, ses affaires sont nombreuses. C’est-à-dire quelqu’un qui fait feu de tout bois. C’est-à-dire, encore, quelqu’un qui s’offusque pour rien, pour des banalités, des choses courantes. Comme ça, les affaires de « beaucoup de nous » sont nombreuses. Pourquoi ? Simplement parce que, depuis quelques jours, certains ne finissent pas de se scandaliser pour la nomination d’untel ou untel qui serait le gendre d’untel ou untel. Comme si, aussi loin que nous remontons l’histoire du pays, quelqu’un ait été nommé sur la base de quelque considération objective. Regardez-vous, les yeux dans les yeux. Quel ministre, quel général, quel autre haut responsable de l’Etat fut choisi pour ses seules compétences ? Prenez les députés, un à un. Prenez les sénateurs, un à un. Prenez les présidents de conseil d’administration. Prenez les secrétaires généraux, les directeurs généraux, centraux et périphériques. Prenez les walis et les hakems, leurs conseillers, adjoints et autres collaborateurs. La SNIM, les deux ports de Nouakchott et de Nouadhibou, la zone franche, les ambassades, les consulats généraux, les maires, les démembrements régionaux de tous les ministères. Les responsables militaires et sécuritaires des wilayas. Les licences des banques primaires, les licences des media privés, les grandes bourses d’affaires, les importantes sociétés. Dénouez tout. Faites l’historique. Cherchez les vraies raisons de telle ou telle nomination. Vous trouverez de tout. Effectivement gendre. Mais, aussi, esclave ou petite amie. Forgeron ou griot. Fils d’émir ou de disciple. Ami de la famille ou parent lointain revenu au pays. Fils d’une vieille connaissance, petit frère d’un deuxième ou troisième bureau ou, plus probablement, d’un quatrième ou cinquième dépotoir ou magasin. Les affaires des Mauritaniens sont assez nombreuses pour qu’aujourd’hui, ils crient au scandale, puisque, selon certaines mauvaises langues, quasiment tous les derniers nommés (essentiellement conseillers et chargés de mission) seraient des proches aux « nommeurs ». Leurs affaires sont nombreuses, puisque, par exemple, si un Premier ministre ne peut pas nommer, au poste de conseillère, l’intime copine de sa femme qui n’était que secrétaire, ni son gendre en président de conseil d’administration, on est où, là ? Qu’est-ce qu’on n’a pas vu, en Mauritanie ? Messieurs mesdames, vos affaires sont nombreuses. Hé ! Le sac-à-dos, ça existe ! On a vu des présidents renvoyés du CM2. Avant de dire ceci ou cela, feu Sékou Touré est là et il a ses amis. Un tailleur sac-à-dos devenu ministre de souveraineté. Un autre sac-à-dos devenu quand même ministre. Le sac-à-dos, les militaires connaissent bien ça. Rien d’autre à ajouter. C’était juste pour dire que les affaires des Mauritaniens sont nombreuses. Tellement nombreuses que pour rien du tout, les voilà scandalisés. Vous, les journalistes, regardez-vous ! Regardez- vous bien. Nous, c’est sac-à-dos. Vous, c’est sac à c… Les affaires nombreuses, là, ce n’est pas, ce n’est pas ohé.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».