Le gouvernement a adopté, la semaine dernière, lors de sa réunion habituelle du jeudi, une stratégie nationale de lutte contre la corruption. Vaste programme, aurait dit de Gaulle. La corruption, ce mal qui nous gangrène, au même titre que la gabegie à laquelle notre guide bien aimé a déclaré une guerre sans merci, depuis son arrivée au pouvoir. Avec le résultat que l’on sait. Car, si le détournement des deniers n’est plus aussi systématique qu’avant, d’autres formes de gabegie, tout aussi dangereuses, ont fait leur apparition. Sinon comment appeler l’attribution de marchés de gré à gré, comme l’éclairage public de Nouakchott, ses routes ou son nettoyage ? Demandez, un peu autour de vous, à qui furent cédés ceux-ci et vous aurez une idée de cette gabegie new-look. Comment qualifier l’attribution de privilèges indus, agréments bancaires et autres domaines portuaires ? La cession de permis de recherche minière ? Les nominations de complaisance ? Les transferts de devises ? La liste est loin d’être exhaustive… Et qu’on n’essaie, surtout pas, de nous faire croire que la Mauritanie, depuis qu’elle a pris le chemin de la Rectification, est, désormais, débarrassée de ses gabegistes ! Malgré ses discours incendiaires, Ould Abdel Aziz en a, quand même, élevé quelques-uns et pas des moindres. Il ne suffit pas de dire que tout va bien, pour en convaincre ni, même, s’en convaincre soi-même. Sinon, comment expliquer la nécessité d’une stratégie nationale de lutte contre la corruption ? Sera-t-elle réellement appliquée, tant aux civils qu’aux militaires ? Seront-ils soumis aux nouvelles règles, ces galonnés qui ne peuvent être contrôlés ni par l’Inspection générale d’Etat, encore moins par la Cour des comptes, malgré les milliards qu’ils brassent – 400 millions ont fini, par exemple, l’année passée et par on ne sait quel miracle, dans les poches d’un jeune homme apparemment chanceux ? Rien n’est moins sûr. Ould Abdel Aziz a fait, de la Grande Muette, une de ses chasses gardées, nantie de toutes les faveurs et dispensée de justifier le « peu » de moyens que l’Etat lui consent…
Comment parler de transparence, quand les marchés sont attribués avec autant de complaisance et autant de milliards dépensés, sans laisser de traces ? Transparency International ne s’y est pas trompée, en faisant dégringoler, chaque année un peu plus, notre pays dans son classement. Car à la roublardise astucieuse, si bien développée, en Mauritanie, des petites combines à court terme, bailleurs et institutions occidentaux opposent un regard, constant et appuyé, sur le long terme qui dévoile autant les courtes vues que la rentabilité réelle des investissements. Ce qu’on construit, en Mauritanie n’est destiné qu’à être détruit, au plus tôt. Et c’est, probablement, cette incapacité à bâtir dans le temps qui fait de si beaux jours à la gabegie et à la corruption… Et inversement.
Ahmed Ould Cheikh