A l’instar de plusieurs pays du continent, notre Mauritanie est confrontée à un sous-développement que personne ne peut contester. Beaucoup de ses citoyens pensent pouvoir y mettre fin sans travailler ; l’important, à leur yeux, ce n’est que de faire de l’argent, réussir et peu importe les moyens utilisables, même et surtout illégaux. Voilà comment, au-delà des modèles de développement que nous tentons, en vain et depuis longtemps, d’appliquer, nul ne s’est posé « la » question, si simple mais si lourde d’enjeux multiples et divers : pourquoi sommes-nous toujours sous-développés, après 57 ans d’accession à la souveraineté ? Oh, loin de moi la prétention de vouloir vous en donner, en ce modeste article, toutes les réponses ! Elles demandent beaucoup plus de temps, d’analyses et d’investigations, d’études causales pertinentes, avant d’avancer la moindre synthèse. Je ne ferai pas, non plus, le savant, comme nous aimons tant nous y avancer, en convoquant les termes de bonne gouvernance, croissance inclusive, partagée ou bien répartie, lutte contre la gabegie, indépendance de la justice, cohésion sociale, suivi et évaluation, renforcement des capacités, de l’homme ou de la femme qu’il faut, à la place qui sied, etc., que nous pourrions, certes, traiter sans problèmes. Croyez-en mon âge, formation, expérience et culture : je suis tout-à-fait fondé à avoir ma petite idée sur tous ces thèmes et bien d’autres encore mais allons à l’essentiel, pour l’instant. Ma réponse, à cette terrifiante et brûlante question, est holistique et globale. Elle peut être résumée comme suit : nous n’avons pas encore suffisamment acquis de culture du développement.
Laissez-moi-vous donner quelques exemples simples que même le citoyen lambda, à tort assimilé à un ignorant, peut aisément comprendre. En un, la grande tentation, constante dans notre pays, de vouloir, sans cesse, réinventer la roue ; faire, coûte que coûte, du neuf, sans même vérifier l’état de ce qu’on voudrait changer ni donc examiné si celui-ci n’aurait pas quelque chose de bon. En deux, la fréquence de la croyance, parmi nos concitoyens, en la réussite sans le travail, grâce à la magouille, la cupidité, la contrefaçon, les passe-droits, le mensonge et tout ce que notre sainte religion déconseille, sinon interdit formellement, de façon claire et évidente. Combien d’entre nous sont-ils persuadés qu’on peut gagner sa vie n’importe comment, notamment en empocher de l’argent à tous prix, sans aucune vergogne ? Voilà un pays où la majorité des gens sont plus soucieux de leurs droits que de leurs devoirs, vis-à-vis de l’Etat, de leur entourage, de la communauté, voire de l’étranger. Voilà un pays où l’égoïsme – plus exactement, l’égocentrisme – règne en maître. C’est particulièrement évident dans le comportement des administrations qui nous ont gouvernés et nous gouvernent encore : une fois en place et quelle qu’en soit la forme, elles s’ingénient à détruire ou réduire, à leur simple expression, tout ce que leurs prédécesseurs ont bien fait, construit ou sensibilisé. Voilà un pays où l’on voudrait, à l’inverse, garder certains, ad vitam aeternam, même si ceux-ci disent, à qui voudrait l’entendre, « ça suffit ! ». Mais avancer qu’« eux seuls peuvent finir ce qu’ils ont commencé et personne d’autre », c’estoublier que l’Etat est une continuité pérenne…
Ces erreurs grossières et structurelles coûtent cher à la Nation et personne ne s’est appliqué à en évaluer le coût. C’est pourtant la conscience de ce coût qui situe la culture du développement en moteur fondamental de la richesse, pour un pays comme le nôtre, et c’est une lourde méprise de croire pouvoir se développer autrement, sans cette référence à sa ou ses cultures, sans vision bien pensée et participative. Ce message doit tous nous interpeler, dirigeants et simple citoyens que nous sommes : sans culture de développement, il n’a pas de sortie du sous-développement, avec tout ce cela implique et entraîne.
Gandega Sylli