C’est parti, deux bandes rouges, deux, l’une au dessus, l’autre en dessous, vont désormais cerner notre drapeau national déjà cinquantenaire. Pour, dit-on, exprimer notre fidélité à la résistance au colonisateur. Ce qui est forcément une bonne chose parce que rendre hommage à ceux qui ont sacrifié un tant soit peu pour le bien-être de la collectivité nationale représente un signe inégalé de patriotisme et une incitation efficace à cultiver le civisme et l’esprit de sacrifice dans l’intérêt majeur de la collectivité nationale. En cela, le pouvoir du président Abdelaziz a, sans doute, raison. Au pays aujourd’hui, nous avons plus que jamais, besoin de développer les valeurs de patriotisme et de civisme. Nous avons plus que jamais besoin de mettre un terme à cette implacable dégénérescence qui finit inexorablement par nous débarrasser de toutes les valeurs de probité, de patriotisme et de disponibilité à répondre tout le temps et en toutes circonstances à l’appel du devoir national. Nous avons besoin d’un vrai sursaut qui nous remette sur une piste autre que celle, actuelle, des malversations, de la prévarication, de la corruption et de toutes ces pratiques dolosives qui ont détruit en nous toutes les fibres patriotiques qui nous restaient. Il est certain que quelque chose devait obligatoirement être fait pour remettre les pendules à l’heure du patriotisme. Pour cette fois, le 57e anniversaire de l’indépendance sera marqué, en plus des bandes rouges du drapeau, par l’entrée en vigueur d’un nouvel hymne national, entièrement différent de celui que nous avions.
Au delà de la controverse sur l’opportunité de modifier les symboles nationaux ou d’y toucher en dehors d’un large consensus qui engage tous les segments de la classe politique, il y a lieu tout au moins de se poser les questions suivantes :
Pour développer le patriotisme, est-ce qu’on ne pouvait pas mieux faire ? Quelle plus-value ces ‘’innovations’’ vont-elles rapporter à notre patriotisme boiteux? Est-ce qu’il ne valait pas mieux de veiller plus rigoureusement à plus de droiture et d’équité en matière de recrutements et de promotion au sein des services publics ? Est-ce qu’on ne pouvait exprimer la reconnaissance aux martyrs en accordant des avantages matériels et moraux à leurs familles ? Est-ce que les martyrs, eux-mêmes, ne préfèrent pas que l’Etat s’occupe mieux des leurs au lieu d’ajouter des bandes rouges aux couleurs sous lesquels certains parmi eux (au moins) ont présenté le sacrifice suprême ?
De façon plus générale, pour inciter les uns et les autres à plus d’attachement à la Patrie, il vaut mieux, je crois, nous amener tous à ne pas nous sentir indument lésés, à ne pas voir certains parmi se sucrer à longueur de journée aux frais de la princesse alors que les autres, y compris les méritants, n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Pour donner un exemple, il ne faut pas que des fonctionnaires des plus compétents et des plus honnêtes achèvent toute leur carrière sans trouver une seule promotion alors que d’autres, dépourvus du minimum de compétences et de probité arrivent facilement à parvenir. C’est un peu cela le mal qui plombe, chez nous, les valeurs cardinales de patriotisme et de civisme. Des compatriotes avec qui j’ai conversé à ce sujet m’ont posé la question suivante à laquelle j’ai naturellement essayé de répondre mais qui restera posée jusqu’au moment où on aura une justice sociale à toute épreuve : ‘’comment peut-on être entier avec une Patrie ou un pays où on ne jouit pas de la plénitude de nos droits ?’’
En faisant la part des choses, on arrivera facilement à conclure qu’il est nécessaire pour nous de repenser toutes questions pour que plus personne ne puisse sentir qu’il est frappé d’un quelconque ostracisme.
C’est, sans aucun doute essentiel. Et si les nouvelles ‘’innovations’’ en ce qui concerne les symboles nationaux pourraient aider en cela, il est évident qu’à elles seules, elles ne suffiront pas. Comme le disent déjà des descendants de valeureux résistants.
Ely Abdellah