Jamais deux sans trois. C’est pour la troisième année consécutive que le Ministère de l’Education Nationale (MEN) organise des sessions de formations pour le renforcement des capacités linguistiques des enseignants, stratifiés en trois niveaux (A0, A1, A2, B1 et B2), selon le Cadre Européen Commun des Références pour les Langues (CECRL). Cette année, ils sont trois cent trente-trois – 238 niveau B1, en Français, et 95, en Arabe – issus des wilayas du Hodh Echargui et du Hodh el-Gharbi, à profiter de la formation au centre d’Aïoun. Certains y participent depuis l’enclenchement du processus, en 2012, d’autres y font leur première apparition. Tous se sont retrouvés dans la capitale régionale et répartis entre deux centres : l’ENI, pour « les francophones »,et l’Ecole d’Application, pour « les arabophones ». Etalée sur trois semaines, la formation est assurée, pour les enseignants« francophones », par des formateurs du CREL qui ont eux-mêmes bénéficié, en amont, d’une formation sur le matériel pédagogique et les objectifs de la session.
Interrogés sur la portée d’une telle action, les stagiaires ont émis des réserves sur son impact sur le niveau des apprenants et, au-delà,l’amélioration de la qualité de l’enseignement des langues, relevant, au passage, des insuffisances, voire des carences, susceptibles de compromettre l’atteinte des objectifs initialement fixés. Côté cour, ils ressentent un manque de sérieux et d’engagement des formateurs, en comparaison de l’assiduité et de la rigueur qui marquèrent les deux premières années de la formation. Ce relâchement serait dû, selon eux, à la présence, cette année, d’une frange de formateurs uniquement intéressés au pécule et choisis dans le seul souci des équilibres et dosages régionalo-ethniques…
Autre motif d’insatisfaction : les contenus des manuels, élaborés et édités, en France, d’après la nouvelle méthode « Français, langue étrangère, Version Originale (VO) » ne sont pas adaptés, nous confie un des apprenants, au contexte mauritanien ni, moins encore, au temps imparti à la formation. En effet, renchérit un autre, « ces ouvrages sont composés de photocopies, textes et images, inspirés de la civilisation occidentale, de manière générale, et française, en particulier ». Et un dernier d’ajouter :« leurs contenus [dix unités] demandent au moins soixante-quinze jours pour être traités et exploités correctement, alors que la formation n’est prévue pour à peine quatre semaines et encore faut-il savoir quand elle a démarré et jusqu’où elle ira… » Une situation qui contraint les formateurs à omettre volontairement un certain nombre de modules ou de les amalgamer, plus ou moins astucieusement, afin de respecter les délais impartis.
« Le manque d’homogénéité des niveaux des stagiaires B1 constitue, également, une autre source de préoccupations, non seulement, pour les formateurs mais, aussi, pour les stagiaires », entend-on encore se plaindre. Un constat que le CREL ne partage pas, précisant qu’en ce qui concerne l’homogénéité des niveaux, il n’en a pas connu mieux que cette fois où « les faibles » ne représentent, en moyenne, que 2 cas par classe de 25 stagiaires, sur un total de 238. « Leur surnombre, dans le niveau B1, suscite, tout de même, un certain nombre d’interrogations », concède un formateur.
S’agissant du relâchement constaté chez certains formateurs, le CREL réfute, catégoriquement, ces allégations et met en exergue les compétences académiques et pédagogiques qui constituent les critères de base du profil exigé pour ce genre de formation. Abordant le contenu des manuels et « leur inadéquation » avec le contexte mauritanien, le CREL insiste sur le respect et la sauvegarde de l’éthique et des valeurs musulmanes. « De manière générale », précise-t-il, « les manuels sont conçus avec soin et rigueur, pour servir de sources d’informations et d’inspiration pour le formateur. Ils lui permettent aisément d’opérer des choix, dans l’utilisation des documents, en fonction de sa classe et de sa propre démarche pédagogique.
CREL et stagiaires ne brossent donc pas un même tableau de la formation. Serait-ce, comme disent ceux-ci, que l’approche « renforcement des capacités linguistiques des enseignants » est pertinente mais que le malheur réside dans sa mise en œuvre ?
Moustapha ould Béchir
Cp Hodhs