Il n’est un secret pour personne, que dans le cadre d’une opération référendaire, le libellé de la question a une incidence sur le choix de la réponse. D’où l’intérêt d’une question avec des termes clairs et précis, ce qui malheureusement n’était pas le cas lors du référendum de ce 5 août 2017.
Le projet de réformes constitutionnelles, initié par le président Mohamed Ould Abdel Aziz, portait sur deux séries de questions distinctes. Mais on peut se demander la question de savoir, si les mauritaniens étaient au fait de ce pour quoi ils s’exprimaient ?
La commission électorale nationale indépendante (CENI) à laquelle reviennent l’organisation et la supervision des opérations électorales, a mis à la disposition des électeurs des spécimens en vue de se préparer à l’opération de vote.
Les mauritaniens, qui se sont rendus aux urnes, soit 53 % des inscrits sur les listes électorales (1.389 092 personnes) devaient répondre à une première question relative au changement du drapeau national.
Cependant, si on peut lire sur le spécimen de la CENI, qui doit préparer les électeurs au vote : Approuvez-vous par OUI, NEUTRE, NON la révision constitutionnelle des modifications à l’article 8 de la Constitution du 20 juillet 1991.
Elle est relative notamment au drapeau national. L’emblème national est un drapeau portant un croissant et une étoile de couleur or sur fond vert, portant, sur chaque côté une bande horizontale, rectangulaire de couleur rouge, on ne retrouve pas les deux dernières phrases précitées sur les bulletins de vote.
Car sur le bulletin bleu, correspondant à ce point du projet de réformes constitutionnelles, il est écrit : Approuvez-vous le projet de loi constitutionnelle référendaire portant révision de l’article 8 de la Constitution du 20 juillet 1991 ?
Or cette formulation, contrairement à celle du spécimen, inclut à la lecture de la constitution, aussi bien le drapeau national, que le sceau national et l’hymne, même si ces deux derniers symboles sont fixés par la loi. Pour rappel, l’article 8 de la constitution est libellé comme suit - Article 8 : L’emblème national est un drapeau portant un croissant et une étoile d’or sur fond vert. Le sceau de l’Etat et l’hymne national sont fixés par la loi.
Force est de constater que pour un néophyte en droit constitutionnel, l’absence de ces deux phrases précisant le périmètre et l’objet de la sollicitation est susceptible d’impacter le choix des électeurs.
Ces différentes zones d’ombre précitées sont susceptibles de remettre en cause l’ensemble de l’opération référendaire.
Mieux encore, l’entourloupe résiderait davantage dans la seconde question posée aux électeurs tant elle manque de clarté.
Le libellé de cette question est capital car durant le vote, il y a un face-à-face solitaire entre le citoyen-votant et la question référendaire. D’où l’exigence de clarté, afin de savoir sur quoi exactement portera le choix du votant.
Ainsi, sur la seconde série de questions relative à la reforme institutionnelle, le spécimen a le mérite d’être plutôt très clair avec une question où on énumère les dispositions soumises au référendum.
Approuvez-vous par OUI, NEUTRE, NON la révision constitutionnelle de certaines dispositions de la constitution du 20 juillet 1991. Elle est relative à certaines institutions de la République :
- Suppression du sénat et transfert de ses attributions à l’assemblée nationale
- Création de Conseils régionaux élus pour la promotion du développement local
- Institution aux lieux et place du Haut Conseil Islamique, du Médiateur de la République et du haut conseil de la Fatwa et des recours gracieux, d’un Haut Conseil de la Fatwa et des recours gracieux.
Ce libellé contenu dans le spécimen détaille les dispositions constitutionnelles faisant l’objet de la consultation référendaire. La question liste les institutions à supprimer et celles qui seront créées. Donc elle nous dit les différents articles de la constitution qui sont soumis au projet de réforme.
Cependant, cette énumération exhaustive des dispositions constitutionnelles sur lesquelles devrait se pencher le citoyen-votant, disparaît miraculeusement dans le bulletin jaune à introduire dans l’urne le jour du vote.
En lieu et place de la question précitée on retrouve celle-ci : Approuvez-vous le projet de loi constitutionnelle référendaire portant révision de certaines dispositions de la Constitution du 20 juillet 1991 ?
De ce fait, on retrouve dans le bulletin de vote qu’une question aux contours vagues, sans objet précis, ouvrant la voie à toute forme d’interprétation.
Le problème se trouve ici dans le terme DE CERTAINES DISPOSITIONS DE LA CONSTITUTION. Ce pronom indéfini peut faire englober des dispositions constitutionnelles plus larges que celles énumérées auparavant. Ainsi l’objet exact et réel de la consultation disparaît.
Cette disparition mystérieuse de l’élément explicatif de ce point du référendum fausse inéluctablement le choix de l’électeur.
Dès cet instant, le projet de loi référendaire n’est plus respecté. D’autant plus que l’objet du projet de révision constitutionnelle a changé de meeting en meeting, au gré des humeurs du président Mohamed Ould Abdel Aziz.
Car si la suppression de la Haute Cour était actée dans le projet de référendum, on a vu un président de la République en pleine campagne revenir sur ce point.
Or, une consultation référendaire qui ne veut souffrir d’aucune irrégularité, doit avoir un objet précis, clair et définitif sous peine de nullité.
Le danger de ce pronom indéfini (certaines dispositions constitutionnelles) est qu’il peut faire sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels (article 26 et 28 de la constitution) ainsi que d’autres dispositions importantes.
D’autant plus qu’il nous est promis d’autres réformes à venir pour modifier et compléter la nouvelle constitution.
Ainsi, il suffirait qu’on élargisse le terme « Certaines dispositions constitutionnelles » à l’article 99 de la constitution relative à la procédure de révision constitutionnelle et de modifier l’alinéa 2 de cet article. Un amendement de l’article 99 alinéa 2 ou sa suppression contribuerait à faire sauter le verrou de la limitation des mandats, car c’est cette dernière qui détermine les limites matérielles de la révision constitutionnelle.
Diallo Saidou dit Thierno
Juriste